4 septembre 1993

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- Jacob, querido, dépêche-toi, on va être en retard !

Isabela Turner était nerveuse. Son fils chéri commençait à l’université de York aujourd’hui, où il allait étudier l'ingénierie informatique. Ils avaient rendez-vous dans deux heures. Isabela était fière de ses enfants. Sa fille aînée, Olivia, y étudiait déjà le droit depuis deux ans. Et maintenant, Jake, son amorcito (qui, à 19 ans, détestait profondément qu’elle l’appelle ainsi), allait prendre son envol pour devenir un homme. Elle savait qu’il se considérait déjà ainsi. Il mesurait un bon mètre quatre-vingt, avait de la barbe et un sacré succès auprès des filles. Mais Isabela considérait toujours Jake comme son petit garçon, et même si elle était fière de lui, elle regrettait secrètement le temps où il n’était qu’un enfant.

Elle monta les marches de l’escalier à la hâte, se demandant pourquoi il traînait autant. Quand elle débarqua dans sa chambre, le jeune homme était en train de refermer sa valise.

- Jake ! Allez, on y va ! S’il y a des bouchons en chemin, on ne sera pas à l’heure. Vamos !

- T’inquiète pas, maman, tout va bien ! On sera à temps, répondit Jake avec désinvolture. Dis, tu sais où est ma chemise ? Tu vois, celle avec les lignes bleues ?

- Jake, je t’ai dit que si tu voulais emmener quelque chose de précis, il fallait me le dire. Elle est au linge, tu l'as mise avant-hier…

Olivia, la sœur de Jake, entra dans la pièce, un petit air moqueur dans les yeux.

- Pauvre Jake… Comment va-t-il faire pour draguer sans sa chemise fétiche ?

- La ferme, Liv !

- Jake ! gronda doucement Isabela. Ça suffit, on y va !

Quelques minutes plus tard, ils étaient en route. Le nouveau titre de Radiohead, “Creep”, retentissait dans la Ford Escort des Turner et faisait balancer la tête de Jake d’avant en arrière. Isabela, plongée dans ses pensées, ne pouvait s'empêcher de ressentir une pointe de nostalgie. C'était dommage que William, son mari, n'ait pas pu se libérer pour les accompagner lors du premier jour de Jake. Son patron ne lui accordait pas facilement de congé et en demandait toujours plus, au grand dam d'Isabela. Ces dernières semaines, elle ne voyait son mari que tard le soir, et parfois, elle se sentait réellement seule.

Comme elle le craignait, ils arrivèrent en retard. Le speech du doyen, Raymond Miller, venait tout juste de commencer. Les autres étudiants et parents les suivirent du regard, pendant qu’ils se cherchaient une place dans les rangées de sièges de l’auditorium. Miller s’arrêta un instant, les regardant d’un air sévère. Un silence pesant s’installa, ponctué du craquement des lattes du vieux plancher sous le poids des retardataires. On entendit quelqu’un tousser dans le fond de la salle. Une fois assis, Isabela, d’une voix assurée, avec son accent espagnol à couper au couteau, déclara “Merci monsieur le Révérend, vous pouvez continuer”. Des rires étouffés se firent entendre, pendant que Jake se cachait le visage de honte.

- Quoi ? chuchota Isabela. Qu’est ce qui les fait rire ?

- Maman ! C’est pas un révérend, c’est un doyen ! Ça n'a rien à voir ! chuchota Jake avec véhémence, le visage cramoisi.

- Désolée de ne pas connaître parfaitement votre langue, Milord ! répondit la mère de famille d’un ton sarcastique.

Le reste de la matinée se déroula sans accroc. Jake retrouva son ami d’enfance, Scott McCloud, qui avait choisi l'architecture. Il embrassa sa mère et c’est les yeux pleins de larmes qu’elle regarda son fils chéri, son amorcito, partir vers de nouvelles aventures.

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