Chapitre 8

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Nous marchâmes pendant presque une heure, de peur que les Autres se mettent à nous poursuivre. Lorsque Cléa tomba la première, nous en fîmes autant et nous nous endormîmes aussitôt, sans se soucier des tours de garde.

Je me réveillai les jambes engourdies d’avoir tant marché. L’adrénaline ayant fini de faire son effet, je me sentais courbaturé de partout. Pourtant, je me forçai à me lever et à monter au sommet de la dune la plus proche.

Il n’y avait rien dans les environs, pas âme qui vive. Cependant au loin, on pouvait apercevoir un éclat, l’éclat d’un rayon de soleil se reflétant sur quelque chose...

J’estimai néanmoins que nous étions assez loin et que de toute façon, les Autres ne savaient pas dans quel direction aller.

  • Mais il ne faut pas que je fasse d’illusions. Tilaal avait raison, ils ne vont pas tarder à nous retrouver. Et à ce moment, ils n’auront aucune pitié pour nous !

J’entendis un grognement dans mon dos et vis que Corentin s’était réveillé lui aussi. J’étais prêt à lui lancer une petite pique, mais je vis à son expression des mauvais jours que c’était quelque chose à éviter. Je lui demandai donc, d’un ton gentil :

  • Tu as bien dormi ?
  • Tu crois que je suis d’humeur à profiter de tes gentillesses ? grogna Corentin. Non merci.
  • Ok, ok, dis-je.
  • J’ai bien failli te laisser mourir hier, poursuivit Corentin. Mais sinon, on ne s’en serait jamais sorti.
  • C’est ta manière de te dire merci ? ironisai-je.
  • Stop ! ordonna la voix de Cléa. Ne commencez pas dès le matin !
  • C’est lui ! protestai-je.

Corentin laissa échapper un grognement railleur puis secoua la tête en murmurant :

  • Quel gamin...
  • On devrait peut-être parler de ce qui s’est passé hier ? poursuivit Cléa. De ce que ces...
  • Créatures immondes et dénués de compassion pour l’humanité ! cria Corentin, qui semblait avoir oublié notre dispute.
  • Je trouve que tu es un peu méchant, dis-je.

Cléa et Corentin tournèrent vers moi des yeux horrifies. Corentin gronda :

  • Si tu es d’accord avec eux, je te tue sur le champ, cartes ou pas cartes, ok ?
  • J’attends de voir ça, ironisai-je avant de poursuivre. Je ne les approuve pas. Seulement, ce qu’ils disent n’est pas dénué de sens ni d’intérêt. Ils disent par exemple qu’ils n’ont aucune raison de nous tuer.
  • Mais pour qui se prennent-ils ! Décider du sort de toute une race d’une simple proposition, basée sur rien du tout !
  • Je suis sûr qu’ils ont menti, dit Cléa. C’est impossible.
  • Je suis d’accord avec toi, Cléa, dis-je. Mais dans ce cas, quel raison ont-ils ?
  • Ils ne nous aiment peut-être pas ? suggéra Cléa. Lorsqu’ils allaient nous tuer, Tilaal a dit que deux de ses collègues étaient morts exécutés de la même façon. Si ça venait de ça ?
  • Ce serait une bonne raison, fis-je, pensif. Bien joué, Cléa.
  • Ou alors ce sont des bandits qui ont une technologie un peu plus développée que la notre...
  • Un peu, ironisai-je. Seulement un peu.
  • Et qui se prennent pour les rois de l’univers, acheva Corentin. Et ils n’ont aucun droit de faire ça !
  • Ils ont été le premier à le faire, dis-je. Et je crois que c’est ça leur vraie raison de nous exterminer : nous allions bientôt pouvoir voyager librement dans l’espace.
  • Et donc potentiellement leur faire concurrence, murmura Cléa.
  • Exactement, approuvai-je. En fait, ils sont juste jaloux de notre avancée technologique.
  • Nous leur demanderons la prochaine fois que nous les verrons, suggéra Corentin.

Je ne sus s’il disait ça sérieusement ou ironiquement, mais Cléa sembla choisir la première option car elle s’écria :

  • Tu es malade ? J’espère qu’on ne les reverra jamais !
  • Tu as entendu Tilaal ! Il va nous chercher pour nous tuer !
  • Et on n’a aucune chance de leur échapper, approuvai-je.
  • On aurait dû tous les tuer, grommela Corentin.
  • Et avec quoi ?
  • Avec tes cartes, imbécile ! répliqua Corentin.
  • Je pense que c’est mieux comme ça, affirmai-je. Si nous les avions tué, ils auraient envoyé un message par télépathie à leurs collègues et nous aurions eu 150 Autres dans le dos. Là, il ne reste que cinq Autres, et ils vont se charger personnellement de nous. Je trouve qu’on a plutôt de la chance dans ce cas.
  • Tu crois vraiment qu’ils peuvent communiquer par télépathie ? demanda Corentin d’un ton méprisant.
  • Bien sûr que oui, sinon, comment l’équipe de Tilaal aurait-elle pu communiquer avec celle de Mesint ?
  • Nous n’avons pas pu apercevoir le dénommé Imptat, grommela Corentin. Il avait peut-être un appareil de communication dans la soucoupe !
  • Bonne solution, dis-je en réfléchissant. Dans ce cas, ça veut dire qu’ils nous auraient encore menti.
  • Ça t’étonne encore ? ricana Corentin. C’est pourtant toi qui les as démasqués !
  • Je n’ai pas eu confiance en eux dès le début, affirmai-je. Quelque chose clochait faux.
  • C’est vrai ! dit Cléa. Que comptaient-ils faire avec ce mensonge ?
  • Ils nous auraient proposé de dormir dans leur soucoupe pour nous assassiner ensuite, dit Corentin. Mais tu me sembles un peu trop sûr de toi, Matt...
  • Vous doutez encore en mon instinct ? protestai-je. Il nous a pourtant servi bien des fois !
  • Ah ah ! ricana Corentin. Et quand ça ?
  • Rien qu’hier, il a servi au moins trois fois ! Mais vous ne m’écoutez jamais...
  • On aurait très bien pu s’en sortir tous seuls, grommela Corentin.
  • Ah oui ? Et qu’est-ce que tu aurais fait alors que les Autres allaient te tuer ?
  • Je m’en serai sorti, d’une façon ou d’une autre ! cria Corentin. Arrête de croire que je suis un incapable ! Ce n’est pas parce que je n’ai pas de cartes magiques que je ne peux pas me sortir de n’importe quelle situation !
  • Je n’ai pas eu besoin de mes cartes, affirmai-je.
  • C’est faux ! Tu t’en es servi une fois !
  • Et alors ? Je pouvais très bien m’en sortir sans ! J’ai juste utilisé mon cerveau, ce qui n’a pas l’air d’être une évidence pour toi !

Je le sentai prêt à se jeter sur moi, mais Cléa s’interposa entre nous encore une fois. Alors que je pensais que cette dispute allait en finir là, Corentin repoussa Cléa en grognant :

  • Ça ne peut pas en rester là, cette fois ! Je vais lui régler son compte !

Tandis que ma main glissait lentement vers ma sacoche, Corentin surprit mon geste et éclata de rire. Il rigola :

  • Tu as ainsi peur de moi ? Ça me fait plaisir !
  • Tu deviens exactement comme mon beau-père, dis-je.
  • Ça ne m’étonne pas ! C’est toi qui as du l’énerver comme ça ! C’est toi, la source des problèmes.

Ma main entra carrément dans la sacoche à ces mots. Corentin ricana, avec un soupçon de peur dans la voix :

  • Je ne pensais pas que tu aurais autant peur de moi. Je sais que je suis une terreur, mais pas à ce point…
  • Je te crois assez fou pour utiliser les cartes contre toi au cas où tu m’attaquerais, dis-je.
  • C’est toi le problème ! cria Corentin, qui continuait dans son délire. Je vais régler ce problème...

Cléa s’interposa une deuxième fois et regarda Corentin dans les yeux. Il y eut une sorte d’accord tacite entre Corentin et Cléa, puis Corentin baissa les bras et m’adressa un doigt d’honneur avant de demander :

  • Bon, c’est quoi le programme maintenant ?
  • Il n’y a pas de programme ! répliquai-je. On continue de marcher jusqu’à ce qu’on arrive à la maison de Cléa. Après, je continuerai tout seul pour rejoindre ma famille.
  • Vivement qu’on se sépare, grommela Corentin.
  • Oui, je n’aurai plus à me soucier de vous !
  • Ce n’est pas sûr que nous arrivions vivants à ma maison, tempéra Cléa. Il reste bien des dangers à éviter. Matt, d’après toi, combien de temps reste-t-il avant que nous ne soyons plus dérangés par les Affamés ?
  • Encore un jour ou deux, dis-je.
  • Et il nous reste combien de jours de nourriture ?
  • Un peu moins d’une semaine, dis-je.
  • Ça va être compliqué de tenir, dit Cléa. On ne peut pas réduire davantage les rations de nourriture.
  • Bah ! Matt tuera l’un d’entre nous pour résoudre ce problème ! ironisa Corentin.

Du moins je crus qu’il ironisait, mais je compris que ce n’était pas le cas lorsqu’il poursuivit :

  • Sa vie est beaucoup plus importante que la nôtre !
  • Comment peux-tu dire ça, alors que je vous ai sauvé la vie plusieurs fois ! dis-je en accusant le coup. Fais attention à ce que tu dis, Corentin, sinon je ne vous sauverai plus.
  • Non, car sinon, cela prouvera exactement ce que je viens de dire, dit Corentin d’un ton victorieux.
  • Si je vous laisse vous débrouiller, je ne vous laisse pas à la mort, contrai-je. Ce que vous ferez, ça, ça ne dépendra plus de moi.
  • Nous n’avons pas besoin de toi ! martela Corentin.
  • Alors pourquoi ne pas nous séparer ? proposai-je.
  • Si c’est ce que tu veux... ! gronda Corentin.
  • Non ! s’écria Cléa. Matt, nous allons dans la même direction. Ça ne sert à rien de nous séparer.
  • Alors si Corentin n’a pas d’autres activités à faire que de se disputer, on va peut-être pouvoir marcher, non ?

Je prenais un malin plaisir à faire enrager Corentin, et il réagissait comme je le voulais. J’espérai qu’un jour il fasse une erreur et m’attaque. Mais ce jour n’était pas encore arrivé, car Corentin respira lentement, et nous nous mîmes en marche.

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