Dialogue de sourds
Deux vieilles amies discutent à la terrasse d'un café. Tous les clients suivent leur conversation, amusés.
Violette, hurlant
— Je te dis que Monique, sa belle-mère, a subi une opération de chirurgie esthétique !
Germaine, intriguée
— Monique ? Mais c'est qui ça, Monique ?
Violette, agacée, parlant toujours aussi fort
— Mais tu sais bien, c'est la belle-mère de Sandrine, ta voisine de palier.
Germaine, tout sourire
— Ah oui, Sandrine. Elle a fait de la chirurgie esthétique ?
Violette, franchement énervée
— Mais non, pas elle ! Sa belle-mère ! Qu'est-ce que tu peux être bouchée, parfois ! Il faut vraiment que ton fils s'occupe de ton appareil auditif, c'est plus tenable. Je vais finir par y perdre la santé, moi, à force de te répéter les choses deux fois et de hurler comme une folle. Augmente le son, si tu n'entends rien !
Germaine, penaude
— Mais il est déjà au maximum ! Ne sois pas méchante, tu verras quand t'auras mon âge ! C'est pas marrant de tout comprendre de travers.
Violette
Mais justement Germaine, j'ai ton âge ! Seulement je suis mieux outillée. Je ne mégote pas sur le prix et sur la qualité, moi ! J'ai l'impression que tu es encore plus sourde qu'avant, la belle aubaine ! Je ne suis pas méchante, c'est ton fils qui est radin, c'est pas la même chose !
Germaine, fâchée et toute rouge
— Je t'interdis de dire une telle chose de mon p'tit Louis. Il n'est pas radin, il fait attention, c'est pas pareil !
Violette, s'esclaffant
— Attention ! Mais à quoi Grand Dieu ? C'est le propriétaire du plus grand garage automobile de la ville, il ne vend que des voitures de luxe. Tu ne vas pas me dire qu'il est malheureux ! Et puis arrête de le surnommer ainsi, à son âge, c'est pathétique !
Germaine, contrariée
— Peut-être, mais c'est « mon » fils et je le surnomme comme « je » veux ! Tu as entendu parler de la crise, non ? Eh bien, figure-toi qu'il a vendu beaucoup moins de voitures ces dernières années.
Violette
— Mais enfin Germaine, c'est lui qui t'a raconté ça ? Tu sais que je connais très bien son expert-comptable et je peux t'assurer que son entreprise est toujours aussi florissante. Tu imagines bien que sa clientèle n'a pas vraiment souffert. D'ailleurs, c'est à peine si ces gens-là connaissent le mot dépression.
Germaine, vexée
— Tu dis ça, mais en 29, ils ont été nombreux à faire faillite !
Violette
— Je te l'accorde, mais nous ne sommes plus à la même époque, ne vas pas tout mélanger ! Les requins d'hier ne sont plus ceux d'aujourd'hui.
Germaine, qui s'entête
— N'empêche que c'est à cause de ce crack, qu'Hitler a été élu en 33 et qu'est arrivée la seconde guerre mondiale !
Violette, agacée, mais prenant sur elle
— Le Krach Germaine, l'autre, je crois bien que c'est une drogue.
Germaine, interloquée
— Tu te drogues ?
Violette, désespérée, parlant entre ses dents, puis hurlant à nouveau
— Parfois, j'aimerais bien Germaine... J'aimerais bien. Non bien sûr ! Nous parlions de ton fils.
Germaine, gênée, préférant changer de sujet
— Et alors, Monique, quelle tête elle a depuis son ravalement de façade ?
Annotations
Versions