Germaine

— Tu as vu notre nouveau président, ce jeune loup charismatique du parti « La République en Marche » ? N'a-t-il pas les traits du gendre idéal ? Ne le trouves-tu pas séduisant sous ses faux airs de dandy ?

Violette

— Je le reconnais, il a plutôt un physique facile, je dirais même diablement avantageux ! En toute honnêteté, il faut bien l'admettre, on ne peut pas en dire autant de notre ancien président, le pauvre ne s'arrange pas avec le temps ! Comme chacun ici-bas finalement... Ah ! Germaine, où sont passés nos vingt ans !

Germaine

— Mais Violette, même s'il ne les fait pas, Emmanuel en a presque quarante !

Violette

— C'est pareil ! Il représente cette jeunesse que nous avons perdue et que nous ne retrouverons plus. Tu sais qu'il lui arrive de recevoir des mails enflammés ? J'espère que tu ne fais pas partie de ce genre de groupies !

Germaine, choquée

— Moi ? Quelle idée ! Tu as vu mon âge !

Violette

— Justement ! Tu connais le surnom que lui a donné Julien Dray ? « Le dragueur de vieux ! » C'est un peu vexant, tu ne trouves pas ? Même s'il est vrai qu'il a fait un tabac au moment des élections auprès des seniors dans ton genre. Tu sais qu'au premier rang de ses amis on trouve : Line Renaud, Danièle Evenou et Erik Orsenna...

Germaine

— Tu as l'air d'oublier que toi et moi avons le même âge, quand ça t'arrange ! Alors on a toutes nos chances ! Je n'y peux rien si son côté « premier de la classe » me fait fondre... Même si tu n'es pas d'accord, je trouve qu'il représente l'avenir, une certaine idée de la modernité, surtout en politique ! Et puis tu es de mauvaise foi, il y a aussi des jeunes comme : Stéphane Bern, François Berléand et Philippe Besson et je ne te parle que de ceux que je connais.

Violette, haussant les épaules

— Ne sois pas ridicule, tu les trouves jeunes parce que tu es très vieille ! Il n'y en a pas un qui ait moins de cinquante ans ! En tous les cas ton « jeune Apollon » aurait pu nous épargner son interminable marche dans la Cour du Louvre, j'ai failli m'endormir, malgré mon impatience ! Sous Mitterrand, cela m'avait semblé moins long, mais j'étais plus jeune à l'époque...

Germaine, exaltée

— Au contraire, une traversée tout en symboles ! Tu as remarqué sa prestance, sa démarche assurée, solennelle et cadencée sur « l'Ode à la joie » ? Je sens que l'Histoire est en marche ! Une page se tourne ! Comme quoi la France n'a rien à envier aux Américains ! Chez nous aussi, tout est possible ! Inconnu il y a trois ans, aujourd'hui président. Qui aurait cru cela il y a à peine quelques mois ? « Yes we Can » aurait dit Obama !

Violette

— Germaine, je te trouve bien énervée, tu devrais prendre ton cachet. Je suis quand même étonnée par ton manque de recul... Cette mise en scène était grotesque ! Un peu plus dénudée et l'on se serait cru dans un péplum ! En plus, si tu veux mon avis, choisir cet hymne était d'un cynisme... à la limite du mauvais goût pour certains, surtout pour les mécontents. Pas seulement à cause de son titre, mais pour toutes les utilisations galvaudées que l'histoire en a fait par le passé.

Germaine, contrariée, mais toujours sous le charme

— Il faut toujours que tu exagères ! Tu n'as vraiment pas le sens du spectacle. On aurait dit Napoléon Bonaparte au pied des pyramides pendant sa campagne d'Egypte ! As-tu vu ce regard pénétrant pendant qu'il nous parlait ?

Violette

— Il regardait son prompteur ! Il ne sait même pas que tu existes !

Germaine, déconfite

— Il faut toujours que tu sois blessante, mais je m'en fiche. Que tu le veuilles ou non, Emmanuel, c'est ma cure de jouvence à moi !