Moi, garde, vaincu par un jouvenceau
Forêt de Sologne, vers 1300... Depuis plusieurs mois, j'attends ma libération. Mon
seigneur n'ayant toujours pas payer ma rançon, je demeure le seul garde encore
prisonnier des brigands. Ces pendards sont partis rapiner pendant quelques
jours et ne sont restés au campement que les garçons et la soeur de Bat, la sauvageonne,
dont ces jouvenceaux utilisent abondamment le prénom : Clervie. Cette diablesse ne me fait
pas de cadeaux, se souvenant de notre affrontement dans la forêt, alors que j'étais en
fuite. J'avais voulu la cogner pour lui échapper et en retour elle m'avait mis complètement KO,
devenant ainsi la première garcelette (1), la première mignotte (2), à estourbir un garde du
seigneur Gui.
Pas de cadeaux, c'est le mot. Je suis en effet tous les jours de corvée : corvée d'eau,
corvée de bois, nettoyage, lavage... Je suis le seul à tout faire sous la surveillance
de Clervie et des garçons. Je suis à la botte de cette diablesse qui me mène à la baguette
et ne veut pas m'entendre geindre, sous peine d'être " exposé " une heure - penché sur une
barrière, mains attachées dans le dos, pieds liés, et baillonné - sous les quolibets des garçons.
Aujourd'hui toutefois, j'ai droit à un peu de répit car la sauvageonne a décidé d'organiser un
combat pour aguerrir l'un des garçons prénommé Hugon. Et c'est moi qui serais son adversaire :
ce sera le garde contre le jouvenceau ! Grâce à ce combat dont elle sera l'arbitre, elle pourra se faire
une idée de la valeur de ce garçon, de sa capacité à se battre. Elle nous fait placer au centre du
campement où se trouve un chêne et avec son poignard trace un cercle. Puis elle dit à Hugon :
" C'est ton premier vrai combat. Tu vas affronter ce garde que j'ai mis totalement KO dans la forêt,
à mains nues, comme cela se fait dans certains tournois de chevaliers. " Elle se tourne ensuite
vers moi : " Garde, tu vas affronter à mains nues ce jouvenceau. Si tu gagnes, tu seras libre
lorsque ma soeur et ses hommes seront de retour et tu pourras rejoindre le château de ton
seigneur ; mais si tu perds, tu resteras captif et Hugon deviendra ton capitaine. Il te commandera
et disposera de toi."
Mon adversaire a 16 ans, il est roux, mesure environ 1m65. Il est plutôt costaud et porte une tunique
marron à manches longues. Clervie donne le signal et le combat commence. Je suis plus grand que
ce jouvenceau et je devrais l'emporter rapidement, d'autant que la perspective d'être libéré décuple
mes forces. Je frappe hardiment avec mes poings pour assommer, mettre KO ce futur brigand, mais
celui-ci est agile et évite tous mes coups. Il se met à tourner autour de moi et à chaque fois mes
poings fouettent le vide. Je commence à être désorienté, à fatiguer du fait de ma longue captivité. Et
en plus, la diablesse commente : " Tu es trop lent, garde. Hugon va t'avoir. " A peine a-t-elle fini de
parler que le jouvenceau m'assène un coup de poing au ventre. Je recule et me retrouve dos à
l'arbre. C'est alors que le jouvenceau se déchaîne. Avant que je puisse frapper de nouveau, il
pilonnne mon ventre et je pousse un cri. Puis, joignant ses mains, il décoche un uppercut qui
soulève mon menton. KO debout, je sens mon corps glisser doucement le long du tronc...
Lorsque je reviens à moi, je gis, hébété, au pied du chêne, les jambes écartées et mon corps ligoté à
l'arbre. La sauvageonne me fixe d'un air ironique et me dit : " Alors, garde, tu te réveilles enfin ! Je te
remets à ton capitaine ! " Hugon s'adresse alors à moi : " Garde, je t'ai vaincu en te mettant KO. Je
vais te mettre des bottes lestées pour que tu ne puisses pas t'échapper et tu devras m'obéir en tous
points, sinon, il t'en cuira."
Clervie a regagné la tente de sa soeur qu'elle occupe en son absence. Hugon me détache et me fait
mettre debout. Puis d'un ton autoritaire, il m'ordonne de marcher autour du camp pour m'habituer
aux bottes. Je constate que ces bottes sont lourdes. Tant que je les aurai aux pieds, je ne pourrai pas
m'échapper. Hugon m'indique à présent ce que je vais devoir faire : aller chercher du bois, de l'eau,
puis laver le linge de corps. Je lui explique que je ne pourrai pas tout faire seul car je suis fatigué.
Sa réponse est cinglante : " Garde, tu ne dois pas discuter mes ordres !" Ce jeune pendard appelle
aussitôt ses trois camarades et je suis conduit à la barrière. Hugon m'attache les mains dans le dos
et me lie les pieds. Il me baillonne ensuite et appuie le haut de mon corps contre la barrière. Au
bout d'une heure, les garçons décident enfin de me détacher. C'est à ce moment- là qu'une harde de
sangliers envahit le campement semant la panique parmi ses occupants. Par chance, ces animaux
ne s'intéressent pas à moi. Je me débarrasse de mes bottes et j'en profite pour m'enfuir. Cette fois,
je l'espère, les brigands ne me reverront pas.
(1) Garcelette : jeune fille (2) Mignotte : gracieuse, mignonne
Annotations
Versions