Chapitre 8: Aux affaires du roi

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— Racontez-moi un peu la vie étudiante que vous avez passée là-bas. À Dijon, c’est bien ça ? demande amicalement le roi en buvant sa tasse à café.

Très aimablement, un valet de table me serre. Cela me gêne un petit peu de me laisser servir, mais je remercie la personne en inclinant la tête vers le bas. Je remarque que la vaisselle est extrêmement fragile. Elle est en porcelaine avec des décors faits par la famille rouge, en Chine. Je m’y connais un peu, puisque maman a longtemps travaillé dans la céramique avant de devenir mère au foyer.

— C’est une excellente ville étudiante ma majesté. Les jeunes comme moi adorent étudier.

— Je suppose que vous avez dû rencontrer le duc de Bourbon là-bas ? Un grand ami à moi. D’ailleurs, je désire l’inviter. Ma belle épouse a oublié son collier de perle la dernière fois… j’espère qu’il l’apportera en venant ici.

Je fais très attention à la tasse lorsque je bois et la repose à côté de moi. Je n’ai pas l’habitude de voir des servants me servir. Automatiquement, une autre personne du personnel prend ma tasse et repart avec. Ce fut très rapide…

— Je l’ai reçu une fois à l'église de saint-Michel pour la confirmation de ses enfants. Louis-Henri et Louise-Adélaïde, et un petit dernier, c’est bien ça ?

— C’est exact. D’ailleurs, j’ai une proposition à faire à son fils et à lui-même d’ailleurs. Peu importe, cela ne vous implique pas, mais je désire que son fils intègre mon armée.

— Oh je vois, un soldat de plus…

Le roi demande à une très belle demoiselle d’apporter un plateau. Celle-ci exécute ses ordres et le tend, tandis que l'homme, très courtois, pose une lettre là-dessus. Elle repart sur ses talons et nous laisse seul à seul.

— Si j’ai bien compris, votre altesse, vous désirez à ce que je sois votre confesseur personnel ?

— Oui, c’est bien cela, et notre célébrant personnel aussi.

— Donc, je ne pourrais pas sortir du château ? je désire le dire.

Mais, j’évite cette question, pour rester poli.

— Et aussi, être le catéchiste de mes enfants. Il est grand temps qu’ils apprennent la religion. Plus particulièrement à mon cadet. Louis-Joseph, futur dauphin.

— J’imagine qu’ils ont besoin de cours… vous n’avez pas de cardinal pour leur faire étudier tout cela ?

— Bien trop occupé le cardinal Louis-René-Edouard. D’ailleurs, il vient de Rouen.

— Oh je vois…

— Je vais vous laisser avec lui, car il désirait vous parler.

— Bien votre altesse. Merci pour ce café.

— Merci à vous d’avoir accepté ma demande. Je suis enchanté d’avoir un prêtre parmis-nous.

Un valet ouvre grandement les portes, tandis qu’un autre, s’occupe d’alimenter le feu depuis la gigantesque cheminée. Pour un salon, il était dix fois plus grand que le notre… surtout qu’il y avait à côté de cela, une immense bibliothèque…


* * *


Atterris dans le bureau de monseigneur de Rouen, je le vois, très observateur. Il regarde ce qu’il se passe dehors.

— Vous venez de Dijon, n’est-ce-pas ?

— Oui monseigneur, je réponds timidement.

— Vous devez connaître saint François de Sales et sainte Jeanne de Chantal ?

— Oh oui monseigneur, j’ai dévoré leurs lettres… un vrai petit bijou.

— Oui comme vous dites… vous êtes nouveau alors parmis-nous, soyez le bienvenu, parle-t-il dans sa barbe.

Comment faisait-il pour porter autant de bijoux ? Jamais je n’aurai accepté cela…

— Vous êtes impressionné par le nombre de bagues que je porte, je ne me trompe pas monsieur Loyal ?

— Un peu monseigneur, je n’en ai jamais vu…

— Vous êtes un homme honnête. C’est bien, c’est bien… je vois que l’or et l’argent ne vous intéressent pas.

— J’ai fait vœu de pauvreté et j’y compte beaucoup monseigneur.

— Très fidèle à notre Seigneur aussi, je vois, je vois…

Il quitte enfin sa fenêtre et s’installe à son bureau. Nous sommes dans une salle démesurée avec une bibliothèque, mais cette fois-ci, qui contient un globe-terrestre sur la table. Je reste debout, le regard fixe.

— Le roi invitera les Bourbons cette semaine et il me semble que le duc aimerait marier son fils à une Orléans. Drôle de façon d’arranger ce mariage avec des Orléans, peu importe, et je célébrai la messe comme prévu, à Versailles, mais j’aurai besoin d’un prêtre pour faire la liturgie. Puis-je vous laisser la faire ?

— Bien sûr monseigneur.

— Parfait, je vous laisse donc la charge des enfants du roi. Surtout, n’oubliez pas une chose. Lorsque vous aurez confessé le roi, venez me voir pour que nous puissions en parler.

J’aurai aimé lui dire qu’il est strictement interdit d’en parler, mais je pense qu’il veut surtout savoir si le roi se comporte bien. Je trouve étrange ce cardinal…

— Êtes-vous au courant de ce qu’il se passe en Angleterre monsieur le curé ?

J’ai horreur des personnes qui veulent faire leur intéressant. Je hoche la tête et m’installe enfin, devant son bureau.

— Vous devez être au courant qu’actuellement, des jésuites sont en Amérique pour évangéliser des indiens ? Enfin, qui essayent bien entendu…

— Oui monseigneur, mon père spirituel m’en avait parlé.

— Le pape a beaucoup de mal en ce moment, je ne vous le cache pas… trop d’anglais qui tentent de tuer l’ennemi… c’est scandaleux… à cause d’eux, nous perdons beaucoup de religieux… priez bien fort pour eux.

— Oui monseigneur, je prie pour eux.

Il lâche un sourire pitoyable.

— Vous devez aussi connaître la congrégation des filles de la sagesse à Versailles ?

— Qui a été fondée par Marie Grignon de Monfort ? Oui je les connais, on m’a souvent parlé de cet hôpital…

J’aurai aimé m’y rendre d’ailleurs pour les aider et soigner des patients… apparemment, je l’ai dépourvu. Il ne répond pas à cause de mes réponses brillantes. Heureusement que mon père spirituel m’a demandé de faire attention à ce genre de personne…

— La reine aimerait faire un tour un jour. Elle m’en avait parlé. Nous verrons avec le roi si une visite serait la bienvenue auprès des sœurs. Je vous tiendrai au courant.

— Merci monseigneur.

Je quitte enfin la pièce pour aller dire les vêpres, seul, dans mon coin.


* * *

Après une rude journée, je m’installe dans ce lit qui est trop confortable. Je prends ne serait-ce qu'une couverture pour m’endormir et m'allonger au sol. Avant de dormir, je récite mes complies devant la croix du Seigneur que j’ai sorti de ma valise. Soupire, ce lieu ne me convient pas… le roi est aimable et la reine aussi, je ne cache pas, mais malheureusement, je ne pourrais plus sortir de ce château… j’aurai aimé apporter de l’aide aux pauvres, célébrer des messes à Versailles… pourvu que le Seigneur exauce ma prière et que je sorte au plus vite possible de cet endroit…


* * *


Quelques jours plus tard, le roi a reçu une réponse concernant le duc de Bourbon. Apparemment, il viendrait le lendemain. Pour ça, il aimerait envoyer des mousquetaires pour protéger sa calèche en cas d’attaque dans les bois de Versailles. Avant de lancer sa patrouille, il désire avant tout, entraîner une dernière fois les mousquetaires au tir à l’arc. J'en vois un qui s’entraîne. Mon Dieu, ces hommes me déchirent le cœur… les voir sur le terrain à tuer l’ennemi.. il n’y a rien de pire que de voir ça…

— Monsieur le curé ? Ça s’écrit bien comme ça « je vous salue Marie ? »

Je lis la feuille du petit Louis-Joseph et cela m’évoque des souvenirs avec Léandre. Tout ceci me rend le sourire.

— Tu écris drôlement bien et oui, c’est correct.

— Pourquoi est-ce que la sainte Vierge a-t-elle accouchée dans une étable ?

En plus d’être très intelligent, ce jeune homme était aussi très curieux. J’ai l’impression de me retrouver au même âge.

— Parce qu’il n’y avait plus de place dans les auberges. Tout était au complet. Et Dieu a préféré naître pauvre.

— Ça veut dire quoi pauvre ?

— Pauvre ? Et bien, tu vois les personnes seules qui sont dans la rue et qui demeurent plusieurs jours ?

— Oui, il y en a souvent à Versailles…

— Ce sont ceux qui mendient pour demander du pain. Nous aussi Louis-Joseph, nous mendions notre pain au quotidien et nous sommes pauvres, comme le Seigneur nous l’a demandé. Nous sommes pauvres aux yeux du Seigneur, car nous sommes pécheurs et pauvres de cœur surtout, dis-je en lui montrant son cœur.

Il ricane comme un enfant de sept-ans.

— Car nous commettons des péchés, tous les jours… et seul le Seigneur les voit et nous pardonne lorsque nous lui commettons du mal. Mais pauvre, c’est avant tout, ne rien posséder, ni gloire et ni richesse.

— C’est à dire que vous êtes pauvre monsieur le curé ?

Je ris.

— Votre leçon est terminée. Demain, nous verrons votre première communion.

Louis-Joseph quitte sa chambre et tombe, au hasard, sur sa mère. Elle toque à la chambre de son fils et me tend un doux sourire.

— Merci, mon père de vous occuper de lui. Travaille-t-il bien ?

— Oh oui votre majesté, c’est un très bon élève.

— Pensez-vous qu’il a l’âge de faire sa première communion ?

— Oh oui votre majesté, largement.

duc de Bourbon : vrai personnage historique.

Les Orléans : autre famille historique, venant de la Loire.

Louis-Henri et sa soeur Louise-Adélaïde : les vrais enfants du duc de Bourbon.

cardinal de Rouen : vrai cardinal historique du roi de France.

première communion : un des sept sacrements de l'église que nous reçevons à l'âge de 7 ans. C'est reçevoir l'eucharistie.

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