Henri et Georges
La voiture des deux milliardaires s’éteignit dans l’allée, Henri en descendit le premier.
— C’est ici.
Georges sortit à son tour suivant son frère, il marchait sur le chemin qui menait devant la porte de la villa.
— J’espère qu’il n’est pas trop tard.
— Pourquoi Joseph n’a pas tenu sa langue ?
À l’intérieur de la villa, toutes les personnes présentes étaient à la fenêtre.
— Vous voulez bien nous expliquer qui sont ces types ?
— Regardez bien monsieur David, vous ne les reconnaissez pas ?
David plissa les yeux, les silhouettes continuaient de s’approcher. Il s’exclama tout à coup lorsqu’il les reconnu :
— Bon Dieu ! Mais ce sont les grands patrons en personne !
Claire écarquilla les yeux, elle avait si souvent entendu parler d’eux sans jamais ne les avoir vu.
— Quoi ! Tu veux parler des grands patrons de l'entreprise où tu bosses, les deux frères Power en personne ? Ceux sont eux « là-haut » ?
— Exactement Claire, lui répondit Alex, eux-mêmes. Ceux qui m’ont embauché pour ce travail, ou du moins l’un d’entre eux.
— Pardon ? Quel travail ?
Alex écrasa sa cigarette dans le cendrier posé sur la petite table.
— Il est temps que je confesse, tu vas finir par le savoir de toute façon. Ce n’est pas un hasard si je t’ai rencontré Claire, j’ai été payé pour ça.
— Quoi ?
— Il a vraiment tout pour lui l’amour de ta vie.
— David, ferme ta putain de bouche !
— Attention Claire, tu deviens vulgaire. Ce n’est pas dans tes habitudes ça.
La sonnerie de la porte retentit, Joseph les rappela à l’ordre.
— Ce n’est pas le moment tous les deux. Il y a plus grave. Pour commencer nous allons faire entrer ces messieurs, vous allez enfin avoir toutes les explications que vous voudrez.
Ce fut Henri le premier à entrer dans le salon, il salua tous les occupants.
— Bonsoir messieurs, madame – il se tourna vers le majordome - Joseph.
— Bonsoir messieurs, répondit celui-ci d’un ton sec.
Henri s’approcha de lui.
— Qu’est-ce que tu croyais faire Joseph ?
Joseph ne fut nullement intimidé face à cette situation, sachant qu’il devrait s’y confronter à un moment ou un autre. Il était donc préparé à l’affronter.
— En réalité, messieurs, j’espérais arrêter votre folie.
— C’est une vengeance envers nous Joseph ?
— Non Monsieur Georges, il n’est nullement question de vengeance. Je voulais simplement vous arrêter avant qu’il ne soit trop tard. Vous ne vous rendez pas compte du mal que vous auriez pu faire avec votre pari.
— En quoi ça te regarde ? Tu ne t’étais jamais mêlé de nos paris auparavant.
— Celui-ci n’est pas comme les autres. Admettez-le Monsieur Georges.
— Et tu t’es précipité ici pour me faire perdre ? Tu sais que tu pourrais te retrouver à la rue avec ton inconscience ?
— Monsieur Henri, je n’ai aucun doute quant aux conséquences de mon acte, et je n’ai aucunement agi avec inconscience. Je ne pouvais vous laisser continuer de vous amuser avec des personnes innocentes comme vous faites. Je n’ai fait que mon devoir.
Henri leva les yeux au ciel.
— Son devoir ! On aura tout entendu !
— Je ne veux plus être au service de gens sans scrupules, dépourvus de morale. Je vous ai déjà envoyé ma lettre de démission.
— Tu as tout prévu à ce que je vois. Dis-moi, depuis quand le savais-tu ?
— Depuis le début. Le jour où vous avez proposé votre pari stupide à votre frère sur la piscine.
Henri haussa les épaules.
— Ainsi on ne saura jamais qui est le vainqueur.
— Je ne suis pas d’accord, répliqua Georges. Ils sont encore tous en vie.
— C’est normal, Joseph a tout gâché.
Henri se dirigea vers Alex.
— Vous aussi d’ailleurs vous m’avez déçu, vous n’avez pas été capable d’être à la hauteur de la situation. Comment est-ce possible de ne pas réussir un travail aussi simple ? Je vous avais pourtant largement payé pour exécuter mes ordres. Vous êtes décevants tous les trois, s’exclama-t-il en pointant l’index en leur direction. Et toi aussi Joseph tu m’as déçu. Tous des incapables !
— Qu’espériez-vous en arrivant ici ? répliqua joseph avec colère. Une scène ensanglantée ?
Henri vit l’arme que David avait posée sur la table basse.
— Même pas capable de s’en servir, c’est désolant.
— Rends-toi vieux frère et admet-le : pour une fois c’est moi qui gagne.
La défaite de son frère rassura Georges qui fut doublement satisfait de cette victoire.
— Si Joseph n'était pas intervenu… Partons d’ici.
Claire, David et Alex avaient observé la scène sans dire un mot jusqu’à cet instant, mais la jeune femme ne se retint plus et interrogea brusquement Joseph.
— Voulez-vous bien nous expliquer ce qu’il se passe ?
— C’est la raison de ma venue ici. Ce que je ne suis pas encore parvenu à vous expliquer est que ces messieurs ici présents ont organisé un pari par ennui…
En entendant le début d’explications de Joseph, Henri revint sur ses pas.
— Comment ? Ils ne le savent pas ?
— … Un pari stupide dans lequel il était question de voir jusqu’où irait un homme poussé à bout...
— Tu veux dire que tu ne leur avais encore rien dit ?
Joseph était maintenant lancé, il continua sans répondre à Henri.
— C’est vous qu’ils ont choisi comme victime Monsieur David, dit-il en désignant celui-ci de son index. Ils ont fait venir ce monsieur Alexandre qui avait une petite place dans une succursale de l'entreprise pour séduire votre femme, prendre votre place et par la suite vous faire licencier…
— Joseph, arrête-toi !
David était abasourdi par les révélations du domestique, Claire se tourna vers Alex l’œil interrogateur ; celui-ci secouait la tête.
— C’était donc ça, je me disais bien qu’il devait y avoir quelque chose d’autre derrière cette histoire. Incroyable.
Claire continuait de fixer Alex, les larmes aux yeux.
— Alex comment as-tu pu faire une chose pareille ?
— Oui madame il a reçu de l’argent pour vous séduire, mais il est temps qu’il sache que lui aussi est une victime de ce jeu cruel.
— Pardon ? Comment ça moi aussi une victime ?
— Pour lui aussi tout a été organisé n’est-ce pas ? Ils devaient convaincre sa fiancée de le quitter. Eh oui, ils ont réussi également ceci. Ne vous inquiétez pas, ils ont sûrement dû l’assurer que c’était pour votre bien.
— Nicole !
Henri ajouta fièrement :
— C’est fou tout ce qu’on peut acheter avec de l’argent, on ne vous refuse presque rien. Elle n’a pas réfléchi longtemps avant d’accepter.
Fou de rage, Alex se précipita sur Henri.
— Espèce de…
Joseph et Georges le prirent par les bras dans le but de le retenir.
— Calmez-vous mon vieux. Tu as misé sur le mauvais cheval grand frère.
— Lâchez-moi, et vous ne m’appelez pas mon vieux !
Joseph tenta de le raisonner.
— Ça ne vous avancera pas de lui sauter dessus, il n’en vaut pas la peine. Calmez-vous d’accord ?
Alex acquiesça d’un signe de tête foudroyant Henri du regard. Il se tourna vers David qui ne semblait pas encore réaliser ce qu’il se passait chez lui.
— Mais pourquoi ? balbutia-t-il.
— Si tu continues Joseph…
La voix d’Henri se fit plus menaçante, mais Joseph feignit de ne pas l’entendre.
— Pourquoi Monsieur David ? Simplement pour leur pari, stupide je vous l’avais dit. Le but étant de voir les pouvoirs destructeurs de la jalousie, ajoutons l’envie et par la suite la vengeance.
Tous écoutaient Joseph le souffle coupé.
— Pour simplifier, si vous aviez tué votre femme par jalousie, Monsieur Alexandre par envie accomplissant ainsi votre vengeance, alors Monsieur Henri aurait gagné son pari. Mais si tout le monde était resté en vie, dans ce cas ce serait Monsieur Georges qui aurait gagné.
David écarquilla les yeux.
— Vous voulez dire que vous avez ruiné ma vie pour un stupide pari ?
Les larmes roulaient maintenant sur les joues de Claire, incrédule en écoutant parler Joseph.
— Ce n'est pas possible !
— Vous avez gâché ma vie pour un stupide pari ? répéta David. Vous espériez quoi, que je tue tout le monde ?
— Ainsi j'aurais gagné, répliqua sèchement Henri.
— Comment pouvez-vous être aussi cruel ? pleura Claire.
— Cruel, quel grand mot. Ce n’était qu’un pari…
À ces mots, David ne se retint plus et se précipita sur Henri lui donnant un grand coup de poing sur la bouche ; celui-ci essuya le sang qui lui dégoulinait des lèvres.
— Quelle violence, j’aurai peut-être gagné.
David prit Henri par le col.
— Écoutez moi bien espèce d’enfoiré, vous l’avez perdu votre pari. Jamais je n’aurai tué ma femme, jamais vous m’entendez, et encore moins cet abruti d’Alexandre. Quant à vous deux, ne vous inquiétez pas, je ne vous tuerai pas non plus. Pas chez moi en tout cas. Mais croyez-moi vous regretterez amèrement le jour où vous avez décidé de jouer avec ma vie…
Il le relâcha, Henri s’ajusta le col.
— Vous ne nous faites pas peur avec vos menaces.
Alex s’exclama :
— Laisse-les moi, je vais les buter tous les deux !
David le stoppa.
— Non, du moins pas de suite. Maintenant vous allez sortir bien gentiment de chez moi…
Il ne laissa à personne le temps de répliquer, continuant en haussant le ton de sa voix.
— ... Et sans dire un mot. Ces messieurs aiment jouer n’est-ce pas ? Eh bien moi aussi j’ai un pari à vous proposer. Pour commencer ils vont sortir d’ici et quand ils rentreront chez eux qu’ils fassent bien attention où ils mettent les pieds, ils ne dormiront plus sur leurs deux oreilles…
David s’approcha de Claire, Alex et Joseph et fixa tour à tour les yeux Henri et de Georges.
— Regardez-nous bien messieurs, tous les quatre. Chacun d’entre nous a une petite vengeance personnelle à accomplir envers vous, n’est-ce pas ? Et je suis certain également que s'il arrivait un étrange accident à vous deux, personne ne dirait rien. Ne vous en faites pas, aucun de nous quatre ne parlera jamais de ce pari et vous également, ce ne serait pas dans vos intérêts, je me trompe ? Personne ne remontera jusqu’à nous. Alors messieurs voici mon pari, il devrait vous plaire : lequel d’entre nous accomplira sa vengeance en premier ? Lequel d’entre nous vous tuera en premier ? Vous voulez peut-être parier sur un nom… ?
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