5 - Accordailles
Grand, brun aux yeux verts, fort et musclé, il est solide comme un roc. Il se tient droit, les épaules en arrière, mettant en valeur l'épaisseur de son torse et révélant la finesse de sa taille. Il est en tenue de chasse et porte fièrement son fusil en bandoulière, C'est ainsi qu'il se présente en cette soirée du mois d'août organisée par mes parents avec les salariés de l'entreprise. Il a plutôt l'air timide et me regarde pudiquement. Nos regards se sont croisés, il m'a proposé de l'accompagner le lendemain au ball-trap du coin. J'ai accepté et il m'a prêté son fusil pour mon premier tir. Sans même savoir comment je m'y suis prise, j'ai atteint la cible et j'en ai retiré une certaine fierté, mais le recul de mon épaule au moment où j'appuyais sur la gâchette me laissera un souvenir opiniâtre ! La douleur fulgurante fut telle que jamais plus je ne toucherai ce genre d'arme à feu. Puis nos rencontres devinrent régulières. Le week-end, nous faisions les bals champêtres de toutes les communes avoisinantes, Ce n'était pas un fin danseur, il s'adonnait plus particulièrement au slow et à la valse lorsqu' il avait bu un coup de trop. Doté d'une force herculéenne, il ne fallait pas le chahuter, car il ne craignait personne et surtout pas les bagarres, seul ou en bandes, desquelles il ressortait toujours indemne. Il aimait m'appeler sa secrétaire, un peu plus tard je deviendrai sa nounou et aujourd'hui sa douce. Routier de métier, passionné par cette vie de nomade et d'indépendance, il plut de suite à mes parents qui voyaient déjà en lui, le partenaire idéal pour grossir les effectifs de l'entreprise.
Deux mois après notre rencontre, je tombais enceinte. Il ne déclina pas sa responsabilité et les exigences parentales nous contraignirent au mariage. Selon la coutume des fiançailles furent organisées chez mes parents en présence de leur couple d'amis, de mes futurs beau-père, belles-sœurs et beaux-frères. Ma mère, s'étant autorisée à me faire remarquer devant mon prétendant, qui ne s'en trouva nullement offusqué, que je pouvais me passer de bague de fiançailles, le repas se déroula sans cette symbolique offrande ! Autant dire que les convives en discutèrent pendant longtemps.
Ce mariage suscita bien des contrariétés à ma mère qui n'avait pas d'argent à investir pour un tel évènement ; elle émit l'idée de l'organiser dans les entrepôts qui n'étaient nullement aménagés pour une telle circonstance ; sales, encombrés, non isolés, non chauffés, comment a-t-elle seulement pu l'envisager ? C'est ainsi que ma grand-mère vint à notre secours en mettant son hôtel à notre disposition. Le frère cadet de ma mère, cuisinier gastronomique de métier, redevable d'une somme d'argent à ma mère, apura sa dette en concoctant le repas à titre gratuit, ma mère prenant à sa charge tous les ingrédients requis.
Comme j'avais quelques économies je pus m'acheter ma robe de mariée et le produit du jeu de la jarretière permit d'honorer le vin d'honneur. Outre tout de même quelques pièces de mon trousseau de mariage, ma mère m'offrit un caraco en plumes de cygne pour compléter ma tenue de mariée.
C'est donc au mois de janvier, que je me mariai civilement en mon lieu de résidence, et religieusement en station, à l'église Notre Dame des Alpes, les festivités se déroulant chez ma chère mémé.
Tous les membres de la famille qui durent se déplacer furent hébergés gratuitement à l'hôtel.
Le reste à charge pèsera sur le budget de ma mère qui ne craindra pas de le faire remarquer.
Tout fut parfaitement organisé. L'hôtel était pour moi comme ma maison, j'étais chez moi, quoi de mieux ! Ce sera mon premier merveilleux souvenir.
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