Panne
Tout à coup, en plein milieu du tunnel, le métro s'arrête brusquement dans un long grincement d'acier, les lumières grésillent avant de s'éteindre complètement, nous sommes plongés dans le noir, des gens se mettent à crier, à paniquer. Une femme fait un malaise, un enfant hurle, et après un long moment de chaos, quelqu'un casse une des grandes vitres de la rame à l'aide du marteau de secours. Sans réfléchir je suis le mouvement et escalade la fenêtre. Nous sommes dans le noir absolu, à l’intérieur du tunnel qui sens le moisi et la poussière. Un passager ouvre la marche, tenant devant lui son téléphone portable qui lui sert de lampe.
Nous formons un petit groupe et avançons avec précaution sur le sol accidenté. Je sens mon cœur battre la chamade, j'ai froid, un sentiment de panique m'envahit quand je pense à ma correspondance à la gare de Lyon, que j'ai très certainement déjà ratée.
Le tunnel n'en finit plus, nous évoluons dans un silence absolu, pesant, en total contraste avec le brouhaha de la foule à peine quelques minutes auparavant.
Puis nous atteignons la station suivante, elle aussi est plongée dans le noir. L'homme qui a cassé la vitre nous aide à monter sur le quai, chacun notre tour. Il semble bien connaître les lieux et nous entraîne à sa suite dans le labyrinthe de couloirs. J'ai les yeux qui brulent à force de fixer la petite lumière du téléphone portable. Je n'ose pas cligner des paupières de peur de perdre le groupe et de m’égarer seule dans les entrailles de la terre.
Dans les escaliers, je rate une marche et trébuche, me cognant la tête contre le sol. Le contact est rude et me laisse inconsciente pendant un long moment. Quand je reprends mes esprits, le groupe de passagers a disparu, je suis seule dans le noir, étendue sur le sol froid. Un liquide chaud coule de mon front douloureux, sûrement du sang, qui va bientôt coaguler pour former une croûte. Je reste assise un instant sur une marche, ne sachant que faire. Je cherche fébrilement mon téléphone portable, mais celui-ci a disparu. J'ai du le perdre en tombant. Je le cherche à tâtons sans trop vraiment y croire. L'obscurité m'emprisonne, m'empêchant de réfléchir. J'ai l'impression que quelqu'un m’observe, me frôle sans me voir. Mon cœur s'emballe inhibant mes dernières forces, je suis comme un pantin désarticulé qui n'a plus d'espoir. Puis, j'entends des bruits au dessus de moi, des talons qui claquent des voix étouffées. Je me relève et reprends mon périple dans le noir, me tenant à la rampe, dirigée par les sons qui viennent du dessus. Puis la lumière apparaît enfin, un minuscule point qui s'agrandit de plus en plus, me guidant vers l'extérieur. Je sors enfin de l'enfer, respirant l'air à m'en brûler les poumons, me débarrassant de cette odeur de moisi qui colle à ma peau. Des passants me regardent, ils doivent me prendre pour une folle, mais aucun ne s'inquiète, pressés de rejoindre leur destination.
Un bus s'arrête devant moi, sans réfléchir, je gravi les quelques marches et rentre dans la douce chaleur du véhicule. Je demande au chauffeur comment me rendre à la gare de Lyon. C'est toujours l'objectif auquel je me raccroche, telle une noyée à une bouée de sauvetage.
Mais le conducteur enfermé dans une cage de verre, m’ignore, il détourne la tête comme s'il ne m'avait pas entendu.
Je frappe à la vitre de plus en plus fort, essayant de la casser, pour l'obliger à me répondre.
L'homme ne réagit pas, il continu sa route comme si tout était normal. J’ai l'impression de nager en plein cauchemar et voudrai me réveiller. J'ai les mains en sang à force de frapper au carreau. Mais le bus continu son chemin avant de ralentir puis de s'arrêter devant deux policiers qui me regardent d'un air intrigué. Contre toute attente, les deux hommes montent à l'intérieur me saisissent par les poignets, et me passent les menottes. Le contact froid de l'acier me fait frissonner, je me débat en hurlant pour me libérer, envoyant des coups de pied dans les tibias de l'un des agents. Le deuxième resserre son étreinte m'arrachant un cri de douleur. Ils me traînent de force dans leur véhicule et m’amènent au poste de police. Je suis fatiguée, j'ai soif et la faim me tord les entrailles. Le banc de bois sur lequel je suis assise est inconfortable, à côté de moi, se trouve un homme fortement alcoolisé qui insulte tout le monde.
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