Chapitre 1. Univers parallèle

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Elle était souvent assise dans un des rayons de la bibliothèque universitaire, la tête dans son livre, son esprit dans les nuages. Le monde autour d'elle ne semblait pas exister. Et quand je la regardais, j'avais la sensation de ne pas être de ce monde. Quand elle s'élevait dans son imagination, elle renversait le monde autour d'elle. Le livre qu'elle lisait, tous les jours un différent, semblait l'emporter tellement loin que ça me donnait envie d'être emporté aussi. Est-ce qu'elle savait qu'elle était encore assise là au pied d'une bibliothèque remplie de livres ? Ou avait-elle disparu dans un monde parallèle que lui procure son esprit en lisant les quelques lignes imprimées sur du papier ? Le cerveau n'est-il pas impressionnant ?

Moi c'est elle que je trouvais fascinante, sa manière de dissocier son esprit et son corps, elle arrivait en un rien de temps à entrer dans un monde qui n'était pas le sien, et devenir un personnage qui ne correspondait en rien à sa vie. Elle dévorait férocement les livres, elle vivait avec exaltation un univers, tandis qu'elle n'était qu'assise là, au pied d'une bibliothèque avec les peu d'étudiants qui osait s'aventurer près d'elle. Les autres jeunes qui se trouvaient dans les parages la regardaient pathétiquement. Pourtant, ceux qui viennent très souvent ici savent très bien qu'elle n'a jamais fait de mal à personne, et qu'elle aime juste lire.

Est-ce qu'elle savait que j'ai pris l'habitude de venir et m'assoir presque tous les jours à la bibliothèque avec l'espoir de la voir ? Je voulais terriblement lui demander ce qu'elle lisait, quel genre de livre elle aimait le plus, dans quel domaine elle étudiait. Je mourrais d'envie de lui demander son prénom.

- Christopher ?

La voix derrière moi me surprit et je me suis retourné à l'appel de mon nom.

- Chris, tu rêvasses encore ?

- Euh non non... Je t'attendais.

Lucas, mon camarde de classe, mon seul ami en quelque sorte, commença à parler du projet qu'on devait préparer pour notre matière Média et Culture. Une fois deux heures écoulées je proposais une pause.

- On a encore du boulot à faire, on a les idées principales, je me demande si nous devrions pas rajouter des comédiens ? Après qu'on aura trouvé nos plans séquences, il nous restera tournage, montage et on aura notre petit court métrage. répond Lucas avec fierté.

Quand il partit aux toilettes un instant et me laissa seul autour de la table, mes yeux se sont rapidement retournés vers la fille qui lisait par terre mais elle n'était plus là. Elle avait comme totalement disparu et je me suis bêtement demandé si le livre l'avait mangé, si elle avait réussit à vraiment entrer dans l'univers au sens propre, ou alors si elle était juste partie.

Il était bientôt 16h et l'après midi commençait lentement à se terminer. La bibliothèque était ouverte en revanche jusqu'aux alentours de 19h. Elle avait encore le temps de lire un autre livre si son départ était dû à la fin de l'histoire. Peut-être qu'elle avait mieux à faire ? Peut-être avait-elle cours ? Et sans plus réfléchir, je pris mes affaires et sortis dehors. Est-ce qu'il y avait une chance que je la retrouve ? Que je puisse en apprendre un peu plus sur elle ?

Mon téléphone vibra pendant que je faisais le tour du campus et m'apprêtait à rentrer dans le bâtiment le plus proche de la bibliothèque. "Allo ?". C'était Lucas, et il avait vraiment l'air en colère.

- T'es passé où Christopher ? Je suis parti 5 min et tu as totalement disparu ! Tu as laissé mes affaires sans surveillance sur la table et t'es parti !

- J'ai un imprévu, je te laisse.

Et sans plus attendre je raccroche, quitte à mettre mon interlocuteur plus en rogne qu'il ne l'était déjà. Je pris quand même le temps de lui écrire un dernier message. "Pardon, je t'expliquerais".

Puis une fois appuyé sur envoyer, quand je relève ma tête je la vois au loin en train de monter dans un bus, la fille qui lisait. Alors sans réfléchir, décidé à la suivre jusqu'au bout du monde sachant avec certitude que le lendemain elle reviendrait lire, comme d'habitude, je cours et saute dans le bus. Je ne sais pas pourquoi mais je sentais que c'était maintenant, et pas un autre moment, et qu'il fallait que je fasse quelque chose pour me rapprocher d'elle.

Le bus nous emmena pas plus loin que le centre ville. Chaque arrêt se remplissait de monde et j'ai faillit rater son arrêt. En la voyant sortir elle se mit à marcher super vite, équipée de son sac à dos. Ses cheveux courts blonds et ondulés dans le vent dansaient et frôlaient ses épaules, elle lisait un morceau de papier qu'elle tenait en main avec ténacité.

En arrivant enfin à destination, elle entra dans un petit bar-café et avant même que je ne puisse entrer elle disparu. Après réflexion je pris place à une table qui avait vue sur la porte de sortie. Si elle était rentrée, elle allait bien devoir sortir un jour ?

Et au bout de quelques instants une personne arriva et demanda si j'avais choisit ce que je voulais boire. "Oui, je vais vous prendre un chocolat chaud."

Une fois partie, je la voyait enfin. Elle ressortait du local pour les employés, habillée comme celle qui venait de me parler. Elle travaille ici ?

Je la regardais toute la soirée et même commandé au moins 3 chocolats chaud mais toujours servit par les autres serveuses, et pas celle que je voulais.

Les jours passèrent et la seule chose que je voulais maintenant, c'était lui parler. Et un autre jeudi ordinaire au milieu de l'après-midi, elle arriva. Souvent assis à la même table je me suis mis à me demander si elle m'avait déjà remarqué ? Est-ce qu'elle m'avait déjà vu, ou est ce que je n'étais qu'un inconnu de plus parmi les autres ?

Elle posa son sac à dos pas loin d'elle, et se mit à chercher un livre parmi les autres rangés sur une grande étagère. Sans vraiment réfléchir je me suis levé et fait semblant de chercher un livre dans le même rayon de la bibliothèque.

Tout en gardant un oeil sur ses mouvements, j'attrapais un livre au hasard et fit semblant d'en lire le résumé au dos. Elle se retourna pour chercher de mon côté cette fois ci et son regard se posa dans le mien le temps d'une seconde.

Elle avait la peau pâle, ses joues et son nez étaient un peu roses, sûrement à cause du froid dehors. Ses yeux étaient bleu marin et leur profondeur me fit me noyer et j'avais l'impression de m'étouffer. Elle posa ses yeux sur mon livre puis d'un regard perplexe me regarda remplie d'interrogation pour enfin retourner dans sa recherche.

Dans l'incompréhension je regarde le livre que j'avais prit et remarque qu'il était à l'envers. Quelle terrible erreur... Mon coeur battait à la chamade, mais face à ma connerie, je me suis senti m'enterrer six pieds sous terre. Je n'avais qu'une envie, c'était de disparaître.

Je range rapidement l'objet à sa place, en faisant mine de regarder dans les mêmes directions qu'elle, comme si on cherchait le même livre. Elle en attrapa enfin un, il était coloré et je n'ai pas eu le temps de lire le titre que je m'approche d'elle pour lancer la conversation. "Oh moi aussi je cherchais ce livre." dis-je en pointant du doigts l'objet. Ces yeux fonds d'océans se posèrent encore une fois sur moi, mon coeur semblait battre encore plus fort que le silence de la bibliothèque. Elle semblait intriguée par ma présence et s'interrogeait sûrement dans sa tête ; quelles sont les probabilités qu'on veuille lire le même livre au même moment ?

Question légitime. Je me demandais la même chose.

J'attendais de pouvoir entendre sa voix, j'aurais parié le monde entier qu'elle a la plus douce et belle des voix, mais je pouvais toujours attendre car elle me tendit le livre sans rien me dire, tout en gardant ses yeux fixés dans les miens. Est-ce qu'elle avait aussi ces papillons dans le ventre ? Est-ce que j'étais le seul à devenir fou quand on se regardait ?

Je pris instinctivement le livre. Un Avion Sans Elle de Michel Bussi. Je l'avais déjà vu tenir des livres du même auteur, alors je lançais mes dernières cartes en espérant avoir une réaction de sa part. "Tu aimes bien cet auteur ? Tu as déjà lu de ses livres ?". En entendant ma question elle se mit à sourire légèrement. Peut-être qu'elle a apprécié ma question ? Ou encore mieux, qu'elle m'a apprécié moi ?

"Oui. C'est un de mes auteurs préférés." Sa phrase entra par mon oreille pour aller se balader jusqu'à l'intérieur de mon corps et faire battre mon coeur à la chamade. Stupidement je réponds "Sérieux ? Moi aussi ! Quelle coincidence !". Pourtant je n'avais aucune idée de qui était Michel Bussi, je ne m'y connaissais pas en littérature, je ne lis quasiment jamais de livre sans images ! Pourtant j'oublie tous mes regrets quand je la vois me sourire sincèrement et acquiescer de la tête. Elle avait deux petites mèches ondulés qui venaient habiller son front. Elle était magnifique.

"C'est lequel votre préféré ?" me demanda-t-elle. Je me suis retrouvé dans un bourbier sans nom mais j'étais trop concentré sur sa manière de me vouvoyer. C'était très respectueux de sa part et j'en ai apprécié le geste même si j'aurais préféré qu'elle me tutoie. Elle venait de mettre un mur entre nous. D'inconnu à inconnu, qui se vouvoient respectueusement. Et il me fallait détruire cet obstacle qu'elle venait de construire.

Je n'aime pourtant pas les mensonges, mais me voilà en train de mentir à chaque phrase, voire même à chaque respiration juste pour pouvoir faire connaissance avec elle. "Celui là". Je met en évidence le livre que j'avais entre les mains. Elle me regarda perplexe. "Oui j'aime bien relire mes livres préférés." expliquais-je un peu perdu. Elle sourit de nouveau, j'avais envie de lui dire à quel point son sourire était magnifique puis je me suis demandé s'il ne devait pas déjà appartenir à quelqu'un ?

"Je n'ai pas encore eu l'occasion de lire celui là... mon préféré c'est Nymphéas Noirs, je ne sais pas si vous l'avez déjà lu ?" Sa question me donnait envie de répondre oui et sa persistance sur le vouvoiement me donna des frissons, mais je repris mes esprits en place, si j'allais dans son sens maintenant, j'allais me retrouver dans une situation beaucoup trop embarrassante. Alors je lui réponds que je n'avais pas eu l'occasion non plus. Elle se remit à chercher quelque chose dans la bibliothèque, et une fois qu'elle trouva le fameux livre dont nous parlions elle me le tendit "Tu devrais" puis attrapa son sac pour s'en aller. Elle venait de me tutoyer, pour la première fois, et j'eu le sentiment que le monde m'offrait un livre vide qu'il était temps de remplir.

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