Chapitre 2

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Je rejoins mes amies dans la cuisine. Camila est en train de préparer du café tandis que Clara fouille les étagères à la recherche d’un pot de pâte à tartiner. Elles discutent gaiement et rient en évoquant leurs souvenirs de vacances. Estelle s’installe à table à côté de moi et glousse buvant un jus d’orange tout droit sorti du frigo.

Leurs échanges s’intensifient alors que nous engloutissons le petit-déjeuner comme si nous n’avions rien avalé depuis plusieurs jours pourtant je ne les entends pas. Le regard perdu dans le vague, mon esprit obnubilé par le souvenir de cette bague a mis le monde en sourdine. Ses reflets bleus, sa pierre transparente, ses motifs en argent matifiés par le temps… Ses détails s’impriment sur mes rétines et occultent les bavardages environnant comme un vulgaire bruit ambiant. J’oublie tout. Je ne pense qu’à cette bague éblouissante dans son coffret. Si proche…

Ce mirage paraît si réel. Je m’apprête à me lever afin d’aller la chercher lorsqu’une douleur aigue me ramène a la réalité. Le coude de Camila vient de s’écraser violemment entre mes côtes. Je lâche un grognement accompagné d’un regard chargé de reproches qui la fait éclater de rire.

- Ben alors, t’étais passée où là ? s’esclaffe-t-elle. Ça doit faire au moins cinq minutes que ta tartine est coincée à mi-chemin entre la table et ta bouche. Va falloir que tu choisisses son destin à un moment ou je vais devoir le faire à ta place.

J’esquisse un sourire en avisant ma main gauche, suspendue en cours de route avec ladite tartine.

- Alors, dis-nous, qu’est-ce qui te fait tourner la tête comme ça ? m’interroge Camila ?

- C’est un garçon ? insiste Clara. Me dis pas que c’est ton ex !

Je ris franchement cette fois. Si elles savaient, elles me prendraient pour une folle. Je secoue la tête sans leur répondre franchement et mords à pleine dents dans ma tartine. Mieux vaut laisser planer le doute et changer de sujet que de leur avouer que je suis obsédée par une vieille bague que j’ai trouvée en fouinant dans les placards d’Estelle.

Il est quatorze heures trente passé quand Camila me dépose chez moi. La maison est déserte : mes parents sont au travail à cette heure. Je me rends immédiatement à la salle de bain, me déshabille et plonge sous le jet d’eau encore glacé de la douche. L’eau chauffe rapidement et détend mes muscles. Cependant, la vapeur apaisante aux essences florales, parfumée par mon gel douche fétiche, n’a pas l’effet escompté sur mes pensées. Moi qui voulais me vider la tête de tout cela, voilà que je ne peux me défaire de cette image qui me hante et me pourchasse. Est-ce ma punition pour m’être intéressée à quelque chose qui ne me concernait pas ? Est-ce un mauvais coup du karma ?

Je sors de la douche et m’enveloppe dans mon peignoir chaud puis frictionne énergiquement mon cuir chevelu avec une serviette. Je m’allonge sur mon lit baigné d’une lumière diffuse et fixe le plafond, tâchant de penser à autre chose. Mais mes rêveries me ramènent sans cesse à cette mystérieuse bague. Je passe en revue mes souvenirs de la soirée d’hier. Elle se dessine devant mes yeux. Je retrace les événements de l’été. Les verres avec Camila, les festivals avec Clara et Estelle, le boulot de caissière à mi-temps. Ses contours se précisent. Je revois mes années au lycée. Les soirées pyjamas, les garçons, les virées shopping. La froideur de l’argent et sa pierre grise. Je retourne en enfance. Les repas de famille, les jeux entre cousins et les sorties au parc. Ses reflets bleus dans la lumière.

Je soupire et me redresse sur mon séant. C’est inutile. Je jette le peignoir sur une chaise, enfile un jogging et un vieux tee-shirt rose, me rend à la cuisine, ouvre le frigo et me saisis du sachet de carotte. Cuisiner m’a toujours aidée à me vider l’esprit. Et même si ce n’est pas efficace cette fois-ci, j’aurai au moins été productive.

J’épluche les carottes, les découpe en rondelles, épluche des champignons de Paris et un oignon jaune que j’émince. Dans une poêle je fais revenir les oignons avec des lardons et un filet d’huile puis j’ajoute les champignons. Le crépitement de l’huile chaude a quelque chose de satisfaisant et regarder les aliments dorer sur le feu m’a toujours fascinée. Toutes les bonnes choses ayant une fin, je transvase tous les ingrédients dans une grande cocotte avec une carafe d’eau et les rondelles de carotte. J’ai toujours l’impression d’être une sorcière dans ces moments-là : je jette toutes sortes d’herbes séchées dans mon chaudron fumant et remue jusqu’à ce que la préparation bouillonne. Ensuite c’est là que la partie la moins marrante commence : il ne me reste qu’à laisser mijoter et débarrasser tout le bazar que j’ai créé en réalisant ma pseudo potion pas vraiment magique.

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