Chapitre 2

6 minutes de lecture

Je déglutis, essayant de rester calme.

— Arrête de flipper… c’est sûrement rien. Juste des gens… qui rentrent chez eux, comme moi… enfin, si je savais où était « chez moi ».

Mon double éclate de rire.

Bien sûr, ils te suivent juste pour admirer ta démarche élégante et ta gueule en sang. Ils n’ont rien de mieux à faire en pleine nuit.

Je regarde de nouveau, et cette fois, il me semble qu’ils ont accéléré. Mon rythme cardiaque s’emballe.

— Putain, c’est quoi ce délire ? Ils me suivent vraiment, là, non ?

Mon reflet hoche la tête, faussement sérieux.

Absolument, Hank. Et tu sais pourquoi ils te suivent ? Peut-être que t’as quelque chose qu’ils veulent. Ou pire encore… peut-être qu’ils veulent finir ce qu’ils ont commencé. T’as déjà pris une raclée ce soir, pourquoi pas une deuxième ?

Je commence à transpirer, sentant l’adrénaline monter. Tout en essayant de marcher plus vite, je continue de parler à voix basse.

— Arrête… t’es en train de me rendre parano. C’est rien, c’est rien du tout…

Ouais, dis ça aux types juste derrière toi, ricane mon reflet. Sérieusement, Hank, t’es sûr que tu veux pas courir ? Ce serait peut-être le moment.

Je tente de garder mon calme, mais mes jambes fléchissent déjà sous la douleur. Je sens chaque muscle protester, chaque blessure tirer. Mais la peur prend le dessus. Je commence à trottiner, m’éloignant de cette vitrine crasseuse, avec cette voix toujours dans ma tête.

Vite, Hank, ils sont juste derrière toi ! J’espère que t’as des bonnes jambes… et une mémoire qui va se réveiller, parce que sinon, t’es pas dans la merde.

Je jette un dernier coup d’œil en arrière. Les silhouettes sont toujours là, et elles paraissent encore plus proches. Mon cœur bat à toute allure, et je prends la décision la plus logique de la soirée : je me mets à courir, aussi vite que mes jambes éclopées peuvent me porter.

Mon reflet me hurle dans la tête, comme un coach à la noix.

— Allez, Hank, on se dépêche ! Cours pour ta vie, mon pote, t’as que ça à faire !

Je cours, mes pieds heurtant le pavé avec un bruit sourd, chaque respiration me brûle la gorge. Je n’entends plus rien d’autre que le battement de mon cœur et la voix de mon reflet dans ma tête, qui me hurle de continuer.

— Cours, Hank ! C’est pas un marathon, c’est une fuite ! T’as pas de temps à perdre !

Je jette un coup d’œil derrière moi, mais c'est trop tard. Ils sont là, juste derrière, leurs pas résonnant dans l’écho de la rue déserte. Ils se rapprochent. C’est vraiment pas une impression, c’est réel. Ils me suivent. Et ça, je n’ai pas du tout prévu.

Je zigzague entre les poubelles, les lampadaires, tout ce qui pourrait me servir de couverture, mais c’est pas assez. Une ruelle, bordée de vieux immeubles sombres, s’offre à moi. Parfait. L’endroit idéal pour disparaître. Un coin à l’abri des regards.

Je me jette dedans, haletant. L’air est plus frais ici, et l’obscurité me cache enfin, mais je ne suis toujours pas à l’abri du pire. Je me plaque contre le mur, essayant de calmer ma respiration bruyante.

— T’es bien là, Hank, mais tu crois vraiment que ça va les arrêter ? Les mecs qui te suivent, tu penses qu’ils vont te laisser tranquille parce que t’as trouvé une ruelle ? Dis-toi juste que t’es dans un cul-de-sac. Pas de porte d’entrée, pas de sortie.

Je serre les dents et essaie de reprendre le contrôle, mais tout mon corps me hurle de partir en courant à nouveau. Je scrute la ruelle sombre, espérant qu'ils ne me trouveront pas. Le bruit de leurs pas s'estompe, mais je sais qu’ils ne vont pas lâcher l’affaire aussi facilement.

— Putain… mais comment je me retrouve toujours dans des situations comme ça ? Pourquoi ils me poursuivent, merde ?

— Ça, c’est la question à un million, Hank, ironise mon reflet. Peut-être que t’as été un connard, ou juste trop bourré pour t’en souvenir. Ou alors, t’as l’air d’un mec qui mérite une bonne leçon. Mais bon, vu l’état dans lequel tu es, je pense qu’ils t’ont déjà donné la dose.

Je ferme les yeux un instant, essayant de reprendre mes esprits. Si je me fais repérer ici, je suis foutu. La ruelle n’a pas de sortie, juste un vieux portail métallique qui ne mène nulle part. Je suis coincé.

Le bruit des pas reprend, plus près cette fois. Ils savent que je suis là. Je peux le sentir.

— Si t’es vraiment intelligent, Hank, tu te faufiles dans ce coin-là, et tu t’éteins. Pas de bruit, rien. Parce que si tu fais le moindre faux mouvement, je suis sûr qu’ils vont t’achever. C’est pas un film, tu vois ?

Je regarde autour de moi, et là, je vois une vieille porte en bois, à moitié ouverte. Mon dernier espoir.

— Merde, j’ai pas le choix, je dois tenter le coup.

Je me faufile aussi silencieusement que possible vers la porte, mon cœur battant à tout rompre, mais mes jambes ne m'obéissent plus comme je le voudrais. J’atteins enfin la porte, l’ouvre avec précaution, et je me glisse à l’intérieur, le bruit des pas derrière moi se rapprochant.

Le silence de l’intérieur me frappe comme une claque. C’est une vieille bâtisse abandonnée, à l’odeur de moisissure et de poussière. Je m'accroupis dans l'ombre, la porte grince légèrement en se refermant derrière moi. À l'intérieur, tout est calme. Trop calme.

Je laisse échappé un souffle de soulagement.

— Bien joué, Hank. Tu t’es tiré d'affaire… pour l’instant.

Je respire encore plus fort, mais un détail me frappe. La pièce est vide. Déserte. Si quelqu'un me suivait, il aurait vu la porte se fermer. Il pourrait très bien être là, juste à l’instant où je baisse ma garde.

— Alors ? Qu’est-ce que tu fais maintenant, Hank ? Tu te caches comme un rat ou tu essaies de reprendre un peu de contrôle sur ta vie ?

Je me plaque contre le mur, mais je sais au fond de moi que c’est une question de minutes avant qu'ils me trouvent, si ce n’est pas déjà fait. Le calme n’est que temporaire.

Je reste accroupi dans un coin sombre de cette vieille bâtisse, les oreilles aux aguets. Rien. Le silence total, si ce n’est le son de ma propre respiration qui s’emballe.

— Eh, Hank, murmure mon double avec cette voix narquoise. Peut-être qu’il serait temps de vérifier tes poches. Tu sais, comme dans les films ? T’as peut-être un portefeuille, une carte d’identité, un truc qui te dirait enfin qui t’es.

Je reste immobile une seconde, réfléchissant. C’est pas idiot.

— Ah, ouais… pas con, je suppose.

Je commence à fouiller dans mes poches, avec une concentration maladroite, les doigts tremblants. Mes mains plongent d’abord dans mes poches de jean. Mais c’est comme si j’avais déjà le pressentiment que ça allait être décevant. Rien de ce que je trouve n'a l'air utile.

— Putain… que dalle, marmonné-je, frustré.

— Allez, insiste ! me presse mon double, ironique. Il doit bien y avoir quelque chose, sinon tu t’appelles juste « Hank le paumé ».

Je continue, fouillant une autre poche. Enfin, mes doigts touchent quelque chose : quelques pièces de monnaie qui cliquettent faiblement, un vieux billet de cinq euros tout froissé.

— Super… ironisé-je. On va loin avec ça.

— Eh, qui sait, ricane mon reflet. Avec cinq euros et une gueule pareille, tu peux peut-être te payer un miracle.

Je soupire et continue mes fouilles. Mes mains frôlent un autre objet… une espèce de bout de papier plié. Mon cœur rate un battement. Peut-être enfin un indice.

Je le sors et le déplie avec fébrilité. Mais non, ce n’est qu’un vieux ticket de caisse. Je le parcours rapidement, cherchant un détail quelconque. Rien. Juste un achat de clopes et une bouteille d’eau. Ça ne m’avance à rien.

— Eh ben… t’es vraiment un mec fascinant, lâche mon double en éclatant de rire. Tu veux que je fasse le topo ? T’as pas de nom, pas d’identité, mais par contre, t’as un ticket de caisse qui hurle « banalité ». Félicitations, Hank.

— Ta gueule, je grogne en serrant les dents.

Je m’affale contre le mur, mes poches vidées de tout espoir. J’en reviens pas. Aucune carte, pas même un fichu reçu avec mon nom. J’ai rien. Juste des miettes de vie insignifiantes.

Annotations

Vous aimez lire Bad Sale ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0