Chapitre 5
Je me tourne alors, prêt à repartir dans l'autre direction, mais mon double ne me laisse pas partir si vite.
— Attends, attends... tu penses pas que tu pourrais fouiller ce type ? Il a sûrement quelque chose. T'as besoin d'un peu de cash, et qui sait, peut-être un indice aussi. T'as pas le choix, mec.
Je fais une pause, et c'est comme si une petite lumière s'allumait dans ma tête. Pourquoi n'y ai-je pas pensé plus tôt ?
Je m'accroupis et commence à fouiller le type.
Mes mains frôlent des poches pleines de trucs inutiles avant de tomber sur une liasse de billets bien serrée. Je tire ça vers moi, mes doigts serrant le paquet de cash. C'est un bon paquet, quelques centaines d'euros, un ticket de parking et un paquet de cartes. Ce n'est pas grand-chose, mais c'est suffisant pour m'aider à tenir encore un peu.
Je me redresse, la liasse de billets dans la main. Je me dis que ça pourrait me servir. Ou pas. Mais je m'en fous, pour l'instant, je le garde.
— Voilà. Ça, ça va me rendre un service, je me dis à voix basse.
— Bien vu, mec, répond mon double, toujours aussi sarcastique. Mais tu vas pas rester là à te demander ce que tu vas faire avec cet argent. T'as un mal de crâne, tu l'as dit. T'as une solution à ça, non ?
Je fronce les sourcils en repensant à ce que me dit mon double. J'ai effectivement une idée.
— Ouais, j'vais aller boire un coup, me vider un peu la tête. Mal de crâne pour mal de crâne, comme tu dis.
Je tourne le dos à la scène, jetant un dernier coup d'œil à la bagnole et au type toujours étendu sur le sol. Peu importe ce qu'il pourrait se passer, pour l'instant, je suis toujours en vie.
Et ça, c'est déjà pas mal.
Je me dirige sans trop savoir où je vais. La voiture peut bien rester là où elle est. Pas besoin de voiture maintenant. Ce dont j’ai besoin, c’est d’un verre, un bon whisky pour faire passer ce putain de mal de crâne. Je déambule sans but, je ne calcule pas les autres passants qui me dévisagent car mes pensées sont embrouillées. C’est comme ça que je tombe sur un bar. Un Irish Pub, apparemment tranquille, pas trop bondé. La lumière tamisée à l’intérieur me parle. C’est exactement ce qu’il me faut pour boire en paix sans attirer l’attention. Je pousse la porte.
À l’intérieur, l’ambiance est feutrée, un fond sonore de conversations étouffées, quelques rires au loin. Rien de trop bruyant. Parfait. Je cherche une table dans un coin sombre, près du fond, histoire de ne pas trop être vu. Je veux juste être là, seul, avec mon whisky.
Je m’assois et j’attends, jetant un regard furtif autour de moi. Un couple dans un coin, un gars seul qui regarde son téléphone, et puis cette serveuse qui me fixe un instant avant de se diriger vers le bar. Je la vois échanger quelques mots avec le barman et le désigner du doigt en me lançant un regard insistant.
Je fronce les sourcils. C’est pas la première fois que j’ai l’impression d’attirer l’attention de gens qui n’ont rien à foutre de moi. Je me redresse légèrement, me demandant si je vais avoir des ennuis ou juste être servi comme n’importe quel client ordinaire.
Elle s’approche finalement de ma table. Ses yeux sont perçants, mais elle ne semble pas hostile, juste… curieuse. Elle me prend ma commande comme si elle me connaissait.
— Un whisky, c’est ça ? Elle me dévisage toujours. T’es sûr que tu veux boire ça seul ?
Je la regarde sans répondre tout de suite, hésitant sur la meilleure manière de réagir. Ça se voit que j’ai pas l’air d’un type comme les autres, mais peu importe. J’ai pas envie de causer, juste d’oublier un moment. Elle attend, toujours un peu trop présente, jusqu’à ce que je lève enfin les yeux vers elle.
— Ouais, je suis sûr. Ça m’aide à réfléchir.
Elle hoche la tête, toujours un peu perplexe, et me laisse seul. Je m’efforce de ne pas la suivre du regard trop longtemps, de ne pas la laisser me déstabiliser.
Elle revient quelques minutes plus tard avec mon verre, le posant devant moi avec un léger sourire, mais sans rien ajouter. Elle s’éloigne rapidement, laissant derrière elle cette impression étrange, comme si je venais d’attirer l’attention d’une personne qui n’était pas censée me remarquer.
Je me resserre sur mon verre. Peut-être que je suis juste parano, mais j’ai l’impression que ce soir, rien ne va se passer comme prévu. Mais au moins, je suis là. Et pour l’instant, c’est suffisant.
Mais mon double ne tarde pas à réagir dans ma tête, comme une nouvelle habitude.
— Hé, tu m’expliques comment elle sait que tu voulais un whisky, là ? T’as rien demandé, mec, t’as juste eu l’air d’un gars paumé.
Je grimace en repoussant légèrement le verre, avant de l’attraper finalement, comme si ce geste allait m’aider à me concentrer.
— J’en sais rien, mec. C’est comme si elle avait vu la souffrance dans mes yeux, ou peut-être que ça se voit sur mon visage que j’ai besoin de me foutre une bonne cuite.
Le double éclate de rire, sans gêne.
— Ou alors elle est juste bonne pour lire les gens comme des livres ouverts, mais elle t’a pas l’air du genre à filer des trucs gratos à n’importe qui.
Je hausse les épaules.
— Qu’est-ce que ça peut foutre ? J’ai besoin d’un verre, elle m’a compris.
Je bois une gorgée, la chaleur du whisky me réchauffe l’estomac.
— Et toi, tu crois quoi ? Que c’est la télépathie ou juste le karma qui m’a envoyé ici, dans ce bar pourri, dans cet état ?
— Eh bien, mec, ça fait un paquet de coïncidences, je trouve. Peut-être que tu vas découvrir des trucs sur toi, ce soir.
— Ou peut-être que je vais juste me finir à la bouteille et oublier un moment cette merde.
Je regarde autour de moi, l’ambiance de bar commence à me détendre un peu, mais cette conversation dans ma tête, c’est comme si un parasite grattait sans cesse.
— T’es bien là, mec, mais tu sais que ce n’est pas la fin de ton bordel, hein ?
— Je sais, je sais…
Je bois encore.
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