Chapitre 7

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Je pose quelques billets froissés sur la table. Finalement je vais tenter de partir. Les ombres de la salle me rassurent un peu, mais une partie de moi hurle de sortir au plus vite d’ici, de me fondre dans la nuit, avant que les ennuis me rattrapent encore.

Je fais un signe à la serveuse pour payer, et elle s’approche en silence. Elle prend l’argent, puis relève les yeux, les plantant directement dans les miens.

— Attends, me dit-elle en posant une main sur mon avant-bras. J’ai quelque chose à te dire.

Je fronce les sourcils, cherchant des indices dans ses yeux. Elle a l’air sérieuse, presque inquiète. Je me tourne vers elle, légèrement tendu.

— Tu as l’air de savoir quelque chose, je murmure, intrigué. Pourquoi tu veux que je reste ?

Elle jette un coup d’œil vers le bar, puis vers l’entrée, comme si elle s’assurait que personne ne l’écoute. Un frisson me parcourt. Mon double éclate de rire dans ma tête.

Voilà, t’as pas fini d’être dans la merde, Hank ! Ça commence vraiment à devenir intéressant.

La serveuse reprend, en baissant le ton :

— Écoutes… on m’a dit de te surveiller.

Un courant glacé traverse ma colonne vertébrale. Je scrute son visage, cherchant une étincelle de vérité dans son regard. Ma tête tourne encore un peu, mais ce qu’elle vient de dire me réveille mieux qu’un café noir.

— Tu... m'espionnes ? Qui t'as demandé de me surveiller ?

Elle hésite, baisse les yeux. Puis elle soupire et me fixe, résolue.

— J’en sais pas plus que toi. C’est pas des choses qu’on demande. Un type est venu, il m’a filé une grosse liasse de billets, m’a dit de te garder à l’œil, de te retenir ici si jamais tu te pointais. J’ai pas eu le choix, ok ? C’est juste... un boulot.

Je serre les poings sous la table. Une liasse de billets pour me piéger dans un bar ? Je me sens pris au piège, coincé entre un type mystérieux prêt à payer pour que je reste ici et une serveuse qui en sait peut-être plus qu’elle le prétend.

— Et tu comptais me dire quoi ? Que je suis dans la merde ?

Elle secoue la tête, un éclat de culpabilité dans le regard.

— Non... juste que... si tu veux vraiment partir, faites-le maintenant. D’autres vont arriver.

Elle pointe discrètement le coin du bar, où deux hommes costauds en blousons noirs viennent d’entrer. Ils scrutent la salle, leurs regards perçant la pénombre comme des projecteurs.

Putain… souffle mon double dans ma tête, sarcastique. Voilà les renforts. Je savais bien qu’on n’était pas là pour siroter des cocktails.

Les types avancent lentement dans ma direction, leurs pas lourds résonnant sur le parquet usé. Je jette un regard vers la sortie, la porte se trouve de l'autre côté du bar, trop loin pour y courir sans attirer l’attention.

La serveuse me prend le bras.

— Allez, viens. Par là.

Elle m'entraîne vers l'arrière du bar, puis passe devant et ouvre une porte dérobée. Derrière, un couloir étroit mène vers une sortie de secours à moitié dissimulée. Elle me pousse, un regard inquiet dans les yeux.

— Fonces. Je leur dirai que je t'ai jamais vu.

Je n’hésite pas. Je jette un dernier coup d’œil à la salle, puis je m’engouffre dans le couloir, mon cœur battant à tout rompre.

Alors que je me glisse dans le couloir sombre, l'idée me frappe comme un coup de poing. Ils ont dû la voir. Ces types costauds n'étaient pas aveugles. Elle m’a laissé filer, et maintenant elle va probablement en payer le prix. Merde.

Je m'arrête, le dos plaqué contre le mur, mon souffle court. Une voix intérieure, celle de mon double, murmure :

Eh bien, Hank, te voilà à un choix crucial. La fille risque gros, tout ça parce qu'elle t’a aidé. Alors ? On se barre ou on joue les héros ?

Les souvenirs de ces vieux bouquins dont-on-est-le-héros remontent. Page 32, vous fuyez dans la nuit et laissez le destin de la serveuse derrière vous. Page 45, vous faites demi-tour, affrontez les brutes et tentez de la sortir de ce guêpier. Les deux options semblent dingues, chacune pour ses propres raisons.

Je jette un coup d’œil à la porte de sortie de secours, si proche. La liberté est là, à portée de main. Pourtant, je ne peux pas me débarrasser de cette sensation amère de lâcheté.

Mon double ricane, moqueur.

Allez, page 45, va jouer au héros, monsieur mémoire défaillante. Tu veux vraiment te lancer dans une croisade sans savoir pourquoi tu te fais pourchasser ?

Je serre les poings. La lumière blafarde du couloir m'aveugle un instant, tandis que je me retourne.

— Ta gueule.

Je retrace mes pas, le cœur battant, l'adrénaline montant en flèche. Je pousse doucement la porte pour jeter un coup d’œil dans le bar. Les deux types sont là, plus proches d'elle maintenant, leurs regards durs posés sur la serveuse qui semble tenter de les distraire. Elle leur parle avec une assurance forcée, mais je devine la peur derrière son sourire.

Je prends une profonde inspiration. Ce n’est peut-être pas la page 45 de mon vieux bouquin, mais cette décision-là, elle, est bien réelle.

— Bon, on va voir si ces types sont vraiment aussi balèzes qu'ils en ont l’air, murmuré-je à moi-même, prêt à agir.

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