4. Le rêve de Siya

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"Cette proximité soudaine la sidéra..."

Siya fut réveillée par un bruit sec provenant des écuries. Son visage était légèrement pouffie par les larmes de la vielle mais elle n'en preta pas la moindre attention.

Elle se leva brusquement en manquant de trébucher et dévala les escaliers après s'être vêtue d'une simple et sobre robe de la même couleur que ses prunelles suivies d'un tablier blanc et s'être attaché les cheveux malgré quelques boucles indomptables qui fuyait son ruban jaunâtre.

La jeune femme se retrouva très vite dans le jardin donnant aux écuries et regretta son élan du matin.

Devant elle se tenait le soldat Yem, seul, une hache à la main, les manches de son accoutrement militaire délicatement retroussées, son visage impeccable à moitié en sueurs. Sa tête était légèrement penchée en avant, quelque peu vouté, en agrippant l'instrument de ses deux mains rigides. Ses cheveux d'ébènes jetés en arrière brillant soyeusement à la lumière des premiers rayons.

"Je lui dois ma vie."

A sa présence, les propos de la vielle refirent surface tournoyant docilement dans son esprit tels les douces arabesques dansantes d'un feu non consumable.

- Mlle Siya, vous ai-je réveillée ? Je m'en exc...

- Non...officier Yem...Je...je suis venu prendre l'air, le coupa-t-elle en bégayant incontrolablement.

Des larmes refoulées refirent surface mais Siya les réprima aussitôt et serra les pans de sa robe en se maudissant pour ses réactions.

-Que ffaites-vous ? demanda-t-elle d'un ton qu'elle voulait naturelle.

Le même regard. La même sensation. Rien n'avait changé ne serait-ce sa gratitude qui lui dictait dorénavant ses actions.

- Je m'occupe du bois que votre père a rapporté la veille.

Une voix grave et assuré. Une voix douce et avenante à son égard comme s'il changeait son ton lorsqu'il l'interpellait. Elle n'avais pas le but d'etre suave ni séduisante mais avait le même effet perceptible de l'envouter, de l'attirer vers sa provenance.

- Oh je...je vois. Vous n'êtes pas obligée...vous savez.

Le dénommée officier dévoila ses dents blanches dans un sourire des plus resplendissant ce qui eu don de la faire rougir, malgré cette peur inconnue qui semblait l'implorer de s'enfuir très loin de son imposante présence.

- Je ne me sens pas le moins obligé, c'est avec plaisir que...

Elle le coupa une seconde fois.

- Puis-je vous aider ?

Il l'a fixa un long moment comme s'il jugeait de son honnêteté, comme s'il tentait de déchiffrer ces moindres expressions et présumément amusé des dires de la demoiselle à quelques mètres de là où il se tenait.

- Vous voudriez m'aider ? répéta-t-il comme s'il essayait de se convaincre.

L'insistance de son regard perçant eu l'effet de détourner son regard.

- Je...et bien...je veux dire...vous semblez fatigué et puis...vous êtes notre hôte pour ces prochains jours...

Siya semblait s'enfoncer de plus en plus par ses propres propos et rougissait de plus belle et elle en avais honte de telle sorte qu'elle maudissait son comportement.

Un silence pesant et embarrassant pris place avant que le soldat ne baisse le métal à la lame tranchante.

- Quelles douces paroles avenantes Mlle Siya. Je n'en avais pas entendu de telles depuis maintenant bien longtemps.

Son demi-sourire la fit tressaillir et la jeune femme ne sut percevoir si la bonté ou l'ironie résidait dans ses mots susurrés avec un calme et une délicatesse des plus hypnotiques. Ses lèvres s'entrouvrirent et avec lenteur, il leva légèrement son bras droit qui tenait fermement l'instrument aiguisé destiné à couper le bois vers elle.

La jeune femme s'avança à petit pas. Elle s'approcha maladroitement et agrippa la manche de cette dernière de ses deux mains qui suivait le rythme erratique de son cœur par leurs tremblements. De là ou elle était positionnée, elle pouvait sentir son parfum énivrant plus ou moins persistant semblable à la puissance des résineux et à la fraicheur de l'air.

Il n'était qu'à un mètre d'elle et la jeune femme était certaine qu'il scrutait le moindre de ses mouvements.

Sans doute était-il surpris de voir une femme couper du bois ? ne pu-t-elle s'empêcher de penser.

Siya essaya de détendre ses muscles et d'oublier malgré le plus grand mal la présence du soldat qui réveillait ses sens en alerte d'une manière inexplicable, leva les bras au ciel et frappa l'écorce d'un coup sec. La buche se fendu en deux d'une rapidité incroyable.

"Je lui dois ma vie."

Des paroles qui tel un mantra ne cessait de se répéter dans son esprit eurent comme conséquence ses actions fébriles à l'égard du soldat inconnu.

Une fébrilité soudaine si bien qu'en voulant en faire une deuxième, ses forces retombèrent subitement et elle manqua de se blesser si le soldat ne l'avait pas encerclé de ses grands bras, son buste lui servant d'appui et en attrapant durant le même instant la hache qu'elle avait relâché.

Cette proximité soudaine la sidéra.

- Je...je suis désolée...je ne sais pas pourquoi je...j'ai pourtant l'habitude...de m'acquitter de cette tache lorsque père est souffrant.

Une voix sourde aux inflexions presque chantante sorti de sa gorge, à la fois surprise et terrifiée du contact de leurs peaux. Un battement de paupières. Un second était la réponse à cette proximité qui la fit chavirer tel la mer tiède qui caresse tendrement le rivage.

L'homme qui la tenait dans ses bras ne dis rien, il attendit simplement qu'elle retrouve un semblant de calme avant de la laisser se relever par elle-même ce qu'elle fit en l'espace de quelques minutes.

Puis la jeune femme esquissa une inclination tel une révérence en laissant glisser son regard à terre avant de regagner avec précipitation sa chambre ou elle s'enferma, sans un seul mot échangé avec l'officier en signe d'aurevoir...

...

Lorsqu'elle descendit pour une seconde fois les escaliers menant vers les cuisines, elle redoutait d'avoir à le rencontrer, honteuse de son propre comportement qu'elle qualifierait même d'immature ou de grossier.

Cet homme faisait naitre en elle des sentiments partagés. Elle avait voulu le remercier lors de leur entrevue plutôt mais elle avait fini simplement par lui proposer son aide qui n'en était pas vraiment une puisqu'elle la considérait comme le résultat de son embarrassement.

Elle passa deux doigts lentement sur son front comme pour chasser une migraine, et trouva sa mère en pleine besogne dans les fourneaux.

- Mère ? Que prépares tu de si bon matin ? fit-elle en essayer de chasser ses pensées et de controler les battements erratiques de son cœur qui ne semblaient vouloir s'estomper.

- Siya, ça tombe bien que tu sois là ! Une lettre de Fiona m'est parvenue il y a une heure. Elle aimerait que tu lui apporte la confection que tu avais fais l'autre jour, te rappelles-tu ? Celle qui a soulagé mon mal de dos, celle que tu prépares si bien !

- Est-elle souffrante ? Que lui ai-t-il arrivé ?

Siya n'était pas d'humeur pour une sombre nouvelle après les quelques péripéties de la veille et de la matinée.

- Elle est tombée d'un escabeau alors qu'elle tentait d'enlever la poussière de sa librairie, rien de grave ne serait-ce que ses douleurs.

Il est vrai que Siya avait un don dans la botanique et ; depuis bien jeune ; son rêve était d'ouvrir une herboristerie dédiée à sa passion des plantes médicinales, afin de préparer toute sorte de remèdes capables de guérir tous les maux du royaume.

D'ailleurs les meubles de sa chambre étaient recouverts de divers parchemins sur le sujet des bienfaits des feuilles traditionnels nutritives et toniques agissant avec ménagement et fermeté sur l'être, le corps et l'esprit.

Malgré cette aspiration, elle jugeait avoir beaucoup à apprendre avant de se lancer dans cette voie, d'autant plus que ses parents avaient besoin d'elle pour alléger le fardeau du labeur en taverne. Un fardeau mais aussi une bénédiction que de rester près des êtres qu'elle aimait le plus au monde.

- Je m'en vais de ce pas, mère. A ce soir !

Quelle bonne nouvelle pour se changer les idées, quoi de mieux qu'un court échappatoire en ville.

- Merci Siya, n'oublie pas de te vêtir chaudement, il commence à faire de plus en plus froid alors que l'hiver approche.

- Oui ! fit-elle en remontant les escaliers pour une énième fois à la recherche de son manteau en brebis gris tricotté par sa chère mère.

Avant de prendre route, elle jeta un coup d'œil de par la petite échancrure du quartier de son frère, et elle le trouva toujours endormie probablement épuisée par son long voyage. Rassurée, la jeune femme pu enfin se diriger vers les écuries ou elle tomba sur son père transportant une dizaine de buches vers la réserve situé derrière les cuisines. Un homme à l'aspect grisonnant mais d'une force et sagesse d'esprit incomparable.

- Père, je m'en vais en ville. Je ne serai pas longue.

- Bien, sois prudente, répondit-il d'une voix joviale , Je m'en vais rapporter ça à l'intérieur. Notre invité est bien généreux il m'a épargné le long travail d'abattage en coupes du bois que j'ai ramené hier soir.

La jeune femme aux yeux verts resta silencieuse mais hocha la tête par l'affirmative avant de délier sa monture : une jument à la robe grise qu'elle avait nommée ironiquement Blanche.

- Blanche, je suis sous ta tutelle aujourd'hui. Voudrais-tu m'emmener chez tante Fiona ? murmura-t-elle en la caressant.

Son cheval lui répondit par un hennissement, ce qui la fit sourire avant de sauter en selle avec une précision calculée.

Siya n'en était pas consciente mais à travers sa fenêtre au quatrième qui donnait sur les écuries, se tenait raide et immobile l'homme à l'allure féroce, un cigare à la main. Et, derrière des nuages de fumées ses prunelles scrutait encore et toujours le moindre de ses mouvements...

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