9. Socole
"J'avais bien raison. Une forte certitude que leurs dires ne peuvent ébranler."
C'était un parchemin d'une teinte ivoire à la texture granuleuse. Siya l'ouvrit sur toute sa longueur et telle une bobine il tomba sur le sol en se déroulant jusqu'à arriver au pied de son lit.
On pouvait remarquer de tout son long qu'il avait été rédigé à la main d'une plume avec une calligraphie soignée, élégante et ornementée bien différente de son aspect terne à plusieurs stries de sa façade enroulée.
Avec curiosité, Siya effleura les écrits du bout de ses doigts quand soudain ses yeux s'élargirent tels deux grosses perles scintillantes.
Car ce qui attira en premier lieu toute son attention fut une illustration des plus lugubres qui redressa ses poils: un mélange d'encre noir traçait les contours détaillés d'une créature étrange qui semblait émerger du parchemin, capturant l'essence de la nuit.
Les traits de l'encre semblaient vibrer comme si elle la dévisageait d'un regard sombre ou l'on ne distinguait que très faiblement ses iris, comme possédé d'un incurable mal être.
Siya observa attentivement le dessin. La créature représentée était une chimère nocturne, l'essence terrifiante du mal, une image saisissante et troublante d'un visage presque cadavérique aux yeux tels deux cavités sombres perçantes et hypnotiques semblaient détenir une rage insatiable.
Et ses canines différait de celle d'un homme par leurs caractères effilées, brillantes comme des lames d'argent, transmettant l'intention délibérée de blesser et se nourrir chair et souffrance.
Il y avait une certaine sensualité dans cette illustration, mêlée à une menace palpable, qui captivait le regard et attirait l'esprit dans un tourbillon de fascination morbide.
Car avec son réalisme troublant et sa représentation puissante, ceci éveilla en la jeune femme une fascination mêlée de crainte semblable à celle qu'elle éprouvait en compagnie de l'homme avec qui elle avait conversé plus tot.
Siya pressentait que ce qu'elle découvrait était bien plus qu'une simple image, mais une invitation à explorer les mystères les plus obscures et les recoins les plus sombres de l'existence de cette créature du passé sans doute ?
C'est dans cette perspective qu'elle commença silencieusement sa lecture, en ignorant les innombrables frissons qui lui parcouraient l'échine...
J'avais bien raison. Une forte certitude que leurs dires ne peuvent ébranler.
L'autre jour je ne divaguait pas car ce n'était ni le fruit de mon imagination, ni une certaine démence face à mon âge avancé comme ils le prétendent !
Alors me voici à le remettre sur papier, que cela puisse amener la vérité à d'autres âmes honnêtes et sincères, le témoignage de ma découverte. De ce nouveau combat que nous devons mener. De l'invasion d'un plus grand mal que ce que nous pourrions nous imaginer.
Ils se sont réveillés et ont soif de vengeance. La fin est proche.
Siya s'arrêta un moment avant de continuer en se remémorant l'échange qu'elle avait eu avec le mendiant du marché. Était-ce lui l'auteur de ce parchemin ? Ou lui avait-il légué ses trouvailles ?
La jeune femme plissa ses sourcils mais ne s'attarda pas sur ses réflexions et continua sa lecture, de plus en plus curieuse à en connaitre davantage malgré une grandissante appréhension.
J'ai fait l'erreur d'en croiser un sur mon chemin. Et puis ma vie n'a jamais été la même depuis. Ce jour fatidique Il déambulait dans le marché d'Acra se fondant dans la masse humaine avec agilité et grâce comme s'il était un homme. Comme s'il vivait. Comme s'il ressentait. Comme s'il respirait...
Il portait une cape sombre par-dessus une chemise blanche en laine, ses cheveux sombres tombaient en cascade sur un visage beau. Il parlait également notre langue, étrangement, comme s'il l'avait apprise en étant jeune. Le produit de sa propre déception.
Comme j'errais depuis plusieurs jours dans les rues par mes propres circonstances personnelles dont je ne m'attarderais pas sur ce parchemin, j'ai décidé de le suivre, curieux d'observer cet étrange inconnu bien vêtu qui ne ressemblait en aucun cas à nos confrères mirabelliens. Je fit bien attention avec minutie et soin pour ne pas me faire remarquer. De toute façon je n'avais rien à faire de mon temps libre...un mendiant comme moi ne pouvait reprendre la besogne, mes articulations et ma force physique ne sont plus ce qu'ils étaient.
Il arpenta les petites ruelles sombres durant de longues heures jusqu'à traverser les portes d'une chaumière bien connue pour sa débaucherie. J'attendis derrière le socle d'une torche bleutée faiblement éclairée, déçue par ma curiosité presque maladive.
Après de longues minutes qui me parurent des heures l'homme ressortie mais pas seul. Il avait de la compagnie: une belle jeune femme élancée à l'accoutrement loin d'etre modeste lui enlaçait le bras. A ce moment précis, je me rappelle de mon indécision à continuer mais ma curiosité irrépressible me poussa à le suivre secrètement. Ou plutôt les suivre puisqu'ils étaient à présent au nombre de deux.
Ils marchèrent un long moment encore en silence , dont je ressenti l'effort intense. Lorsque soudainement, l'individu s'arrêta brusquement. Nous étions à présent bien loin du bruit des passants, entre la ville et le début du fleuve Sayr à l'ouest de la forêt d'Oris. De cette halte soudaine je me dépêcha de me cacher sous des buissons touffus.
Un long silence ce fit alors que je guettais le moindre de leurs mouvements à travers les interstices végétales. Je me promis de brousser chemin à la moindre preuve d'intimité ne voulant pas me montrer indécent, mais une petite voix de mon subconscient me cria de rester caché.
La jeune femme, une belle blonde redressa les pants de sa robe de telles sorte que son cou ne soit bien visible en un sourire dubitatif, son regard ne quittant pas ne serait-ce qu'une minute celle de l'homme silencieux comme hypnotisé par son charisme inné.
Inoffensive. Naïve et d'une crédulité aveugle.
Comme si elle désirait lui offrir son monde. Possédée par un désir d'abondonner tout espoir.
Possédée par le désir d'un sacrifice...
C'est alors que les prunelles de ce dernier se transformèrent en deux fentes colorés et que d'énormes canines ne se dévoilent également. Sa taille aussi avait changé, de meme que sa chemise blanche à moitié déchiquetée.
La nature des alentours devint sauvage tel ses sombres intentions.
Le souffle coupée et le corps immobile, incapable de quelconques mouvement et l'esprit scarifié. Je ne pouvais qu'assister à cette horrifiante abomination.
La jeune femme demeurait sous son constant controle, innafectée par cette menace qui accompagnait son changement de physionomie et avant de s'abattre sur elle. J'entendis pour la première fois son nom. Le nom de cette créature sans merci. Socole.
Le sang fut versé et déversé nourrissant la terre d'un liquide sordide dont la trainée de déversa dans les profondeurs du fleuve Sayr dont les milles reflets s'embrumèrent.
Socole. Un socole avait frappé.
Ce n'était ni le premier ni le dernier.
Et ces buissons ?
Il ne me couvraient guère car ces deux fentes me transpercèrent alors qu'un cri strident sortit de ma gorge aux cordes vocales lacérés.
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