"Pire que le plus ténébreux des cauchemars."

Une goutte. Puis une seconde. Puis des milliers qui traçait un chemin sinueux.

Rougeâtre et vermeille, cette couleur qui teintait le sol boueux d'une traînée telle une pluie de sang.

L'annoncement d'un sinistre présage.

Le début d'un déluge.

Une prière silencieuse dévala ses lèvres alors qu'elle s'engouffrait de plus en plus profondément dans les ténèbres de la forêt d'Oris, laissant derrière elle, à chaque pas; des broussailles touffues de végétation.

La jeune femme sentait la fraicheur de la nuit pénétrer ses poumons, un contraste glacial avec l'atmosphère chaleureuse qu'elle venait de quitter. Le froid mordant piquait sa peau, faisait naître de petits frissons qui parcouraient son échine, s'ajoutant à sa peur grandissante au fur et à mesure que les minutes passaient.

Le vent sifflait à ses oreilles, semblant lui murmurer des avertissements que son esprit agité refusait d'entendre. Il s'engouffrait dans ses cheveux défaits, les faisant voltiger dans une danse sauvage. Mais elle ne ralentissait pas pour autant.

Non, le visage horrifié de son frère refaisait surface à chaque pas. Les détails de son désespoir. De sa déchirante rencontre...Chaque bruissement de feuilles, chaque craquement de branches s'ajoutent à son angoisse mais elle se devait de continuer, peu importe les risques.

L'air tel son cœur était lourd et empli d'une ambiance oppressante , comme si les arbres eux-mêmes retenaient leur souffle.

"Allez Siya, tu es une femme forte." se répéta-t-elle en tremblant.

Alors qu'elle continuait sa progression, manquant à plusieurs fois de tomber, le produit de ses nerfs , le silence de la forêt fut rompu une lueur faible et vacillante qui émergea dans l'obscurité, attirant son attention. Siya s'approcha avec précaution et découvrit une clairière éclairée par de petites lucioles, un contraste important avec la terrifiante sordidité d'un sol écarlate.

Elle s'avança prudemment. Et puis le temps s'arrêta subitement. Suivi par son coeur manquant un battement. Puis un second.

L'origine du chemin écarlate fut retrouvée.

Car soudainement elle aperçut quelque chose... La silhouette d'une grande créature à quelques mètres de la lumière des lucioles. Tel un mirage. Un épouvantable sortilège.

Mais cette dernière lui était familière...

Pire que le plus ténébreux des cauchemars.

Deux fentes larges de prunelles sombres tels la nuit la dévisageaient sans aucune émotion.

Des yeux de la nuit, luisant d'un éclat glacé dans lesquels les cauchemars prennent vie, là où les espoirs se brisent et les sourires s'enfuient.

Pire que le plus ténébreux des présages.

Une silhouette grande semblable à celle du parchemin. Mais beaucoup plus sauvage et terrifiante.

Imprégnée d'un liquide sanguinaire: ses cheveux étaient en sang. Ses vêtements imbibés de sang, ses mains allongées étaient en sang. Il baignait dans le sang.

Et elle comprit son origine lorsqu'elle baissa son regard et qu'elle discerna sa monture déchiqueté à même le sol.

Blanche, son cheval adoré. S'était son sang qui l'avait guidé jusqu'ici.

Comment pouvait-il accomplir un acte aussi cruel ? Était-ce vraiment lui qu'elle voyait dans cette créature ou était ce le produit de son imagination ?

Un cri d'horreur et de douleur s'échappa de ses lèvres, déchirant le silence de la forêt.

- Charles !

Siya se précipita pour le rejoindre, son corps la guidant instinctivement. Plus elle avançait vers la créature, plus sa ressemblance était réelle et inévitable. Une constatation amer.

Sa chemise qu'il avait porté la veille était déchirée au niveau de son torse. Ses cheveux étaient terne et avaient perdu de leurs éclats, elle plongea à nouveau son regard dans le sien, son sourire et sa joie de vivre n'étaient plus qu'un spectre de son passé et...

Siya voulut s'approcher davantage , lorsqu'un rugissement bestial répondit à son cri de terreur, faisant trembler les arbres alentour.

- Va-t'en ! Ne me suis pas !

La voix de Charles gutturale et méconnaissable résonna brièvement avant de se perdre dans les profondeurs de la forêt.

- Charles, attends !

Sans hésitation, elle se lança à sa poursuite. Elle ne pouvait accepter que son frère soit perdu à jamais , réduit à cette abomination. Les larmes de terreur brouillaient sa vision, mais elle ne l'abondonnerai pas. Jamais. Elle trouverait un moyen.

Les cris déchirants de la créature résonnaient à travers la forêt, mêlés à des bruits d'agonie.

Siya courait , ignorant la fatigue qui s'emparait de ses muscles. La créature lui échappait par moments, se faufilant entre les arbres et les ombres. Mais Siya poursuivait, guidée par son amour fraternel. Car Charles ne pouvait pas être cette créature. Non, il ne devait pas l'etre.

- Charles, c'est moi Siya ! Je ne te laisserai pas ici, jamais ! Charles ! Charles attends ! cria-t-elle, sa voix déchirante se brisant par sa douleur.

A ses dires, la créature s'immobilisa à quelques mètres d'un buisson.

Elle ne pouvait pas entièrement l'apercevoir, la lueur dansante des lucioles s'était éteinte comme son dernier espoir lorsqu'il prononça le regard terne:

- Si tu t'approches, je t'enlève la vie.

Sa part d'humanité ne subsista pas. Non, elle s'éteignit tel la vacillante lumière des lucioles.

Et un voile d'ombres tomba sur elle...

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Voilà, voilà pour ce chapitre. C'est assez court mais plein d'émotions !

J'ai eu du mal à l'écrire honnêtement car cela m'a rappelé une petite histoire propre à mon expérience.

Cet espoir de sauver quelqu'un qui n'aimerait pas etre sauvé ou du moins qui ne le montres pas.

Dites moi ce que vous en pensez dans les commentaires !

A+