14. Des yeux tels des lanternes

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"Je suis un paradoxe vivant, une énigme en chaire que tous les biens du monde ne peuvent guérir."

Pdv inconnu

Je ne désirais pas partir. Pourquoi ? Alors que je l'avais retrouvé et que nous étions liés par la lumière.

Je l'avais enfin trouvé, ce lien aux débuts fragiles mais intenses. Une seconde chance. Quelqu'un qui aurait ce potentiel éminent pour me comprendre. Ou du moins tenter ?

Je l'ai observé, ses moindres gestes. Et puis je ne pu que la contempler et me demander :

Quelle était sa provenance ?

Pas très loin de Mirabelle fut la réponse, ma curiosité fut fascinante.

Dans l'éclat d'un regard en quête d'horizons, bien loin des cieux et les vagues en frisson, le voyageur avide que je suis, à l'âme éprise d'ailleurs, a bien exploré les plus beaux endroits du monde.

Mes yeux sont des lanternes, avides de lumière, sous chaque ciel nouveau, mon esprit se libère, des montagnes altières aux déserts de sable fin. J'ai exploré le monde, sans jamais dire « fin ».

Des forêts, des marées de rivières chuchotant des chants de la Terre, des contrées aux milles frontières, des langues parlées et des personnes rancunières.

Dans un but ultime trouver un trésor au fond de chaque toile et quitter cette carcasse que je traine d'une machine ambulante sans appui et perdu.

Mais malgré ces trésors, ces panoramas grandioses, ses semblants d'attaches, le vide se glisse, insidieux, en mon cœur morose.

Comme la majorité d'entre nous c'est une ombre fidèle, qui ne nous quitte jamais. Un écho de silence dans mon âme emporté. Ce vide est une image de la créature que je suis qui me sépare du monde, même au sommet, ma force, agilité et mes sens avancés ne peuvent compenser la solitude qui m'inonde.

Mon cœur est un navire, voguant vers l'inconnu, dans l'espoir que le vide, un jour, sera vaincu. Il cherche l'essentiel, l'ultime trésor caché derrière les étoiles, dans ce vaste tableau, ou les couleurs sont voiles, vagabond, prisonnier de sa propre condition.

C'est une absence cruelle que les richesses du monde ne peuvent combler.

Les rires résonnent, les fêtes enivrent mais mon existence s'éteint et dérive.

Je suis un paradoxe vivant, une énigme en chaire que tous les biens du monde ne peuvent guérir.

Socole. Tel est le nom de la créature que je suis. Un rappel constant de la douleur de l'abscence d'un cœur comprimé à jamais.

Une abomination à l'allure d'un homme. Comme si je vivais. Comme si je ressentais. Comme si je respirais...

Une supercherie illusoire d'un fragile humain aux rêves de passion et victoire.

Seulement, cette fois-ci dans mon voyage suivant mon intuition, en la voyant , il s'est passé quelque chose, l'odeur de l'herbe, de l'air ou peut-être sa voix amplifiée par mes sens acerbes ?

Il n'y avait plus de désespoir.

Car pour la première fois, ce fut la première fois que je me sentais vivant, moi qui avais exploré les plus merveilleux paysages. Moi, le monstre que je suis.

Une euphorique et fascinante pensée me traversa l'esprit. Et si après tout cela pourrait tout aussi bien etre réel ? Et si par miracle, pouvait-elle guérir tous les maux du corps et de l'esprit ? Guérir cette solitude macabre et qui se nourrit de ma propre désolation ?

Un frisson agréable me parcourut, une sensation nouvelle dans mon cœur de pierre, parce que je n'ai jamais été plus vivant.

Seulement un soir, l'appel qui coulait dans mes veines retentit. C'était un départ amer causé par ce dernier si puissant qui me guidait vers le commencement. La foret d'Oris, lieu de mon propre espoir et désolation.

Je ne désirais pas partir mais il est temps de faire face à ce qui était et à ce qui serait...

...

Les premiers rayons de soleil s'étiraient paresseusement à travers les rideaux, créant des motifs lumineux et dansants sur les murs d'une pièce entourée de livres tel un sanctuaire dédié à la connaissance. Dans cet éclairage doux et matinal, la jeune femme semblait flotter dans un état intermédiaire, un royaume de demi conscience ou le monde extérieur et son esprit fusionnait en une symphonie onirique.

Son souffle était lent et régulier, un doux murmure qui se mêlait au rythme apaisant de sa respiration. Les draps entouraient son corps d'une étreinte chaleureuse, la maintenant dans une torpeur délicate. Ses paupières frémissaient légèrement, signe de l'activité qui se déroulait derrières elles, mais elle restait toujours suspendue à la lisière entre le sommeil profond et l'éveil.

Des fragments de rêves défilaient devant son esprit, des images floues et éphémères, une course effrénée dans un chemin de broussailles aveuglée par la lumière de minuscules lucioles tels des lanternes qui semblaient à la fois familières et lointaines. Le contact doux d'un doigt qui essuie une larme, une étreinte amicale et fraternelle, un feu de braise et des diners en famille, une saveur d'une soupe aux légumes chaude et délicieuse...

Elle était enveloppée d'une sensation de légèreté, comme si elle flottait au-dessus des nuages, ses pensées voguant dans un océan de tranquillité.

Puis, lentement, presque imperceptiblement, ses sens commencèrent à se reconnecter au monde qui l'entourait. Le parfum délicat des fleurs fraîches s'infiltra dans ses narines, une douce brise caressa sa peau, et le léger bourdonnement des oiseaux accompagnés de cris de passants parvint à ses oreilles, comme une mélodie lointaine.

Un frisson parcourut son échine, un frémissement délicieux qui se propagea dans tout son être. Ses paupières papillonnèrent enfin, révélant des yeux encore voilés, mais scintillants d'une lueur d'éveil. Son regard se posa sur le plafond, captant les jeux de lumière qui dansaient au gré du vent.

Les sons du matin se firent plus distincts, laissant filtrer des détails qui avaient jusqu'alors été noyés dans le murmure de l'inconscience. Les oiseaux chantaient leur douce sérénade, tandis que le doux bruissement des feuilles apportait une touche apaisante à l'atmosphère. La jeune femme se laissa emporter par ces sensations, s'imprégnant du monde qui reprenait vie autour d'elle.

Siya s'étira lentement, sentant les contours doux et inconnus d'un lit sous elle. Les draps étaient soyeux et l'oreiller moelleux, mais ce n'était pas son lit habituel. Elle cligna des yeux, désorientée, et prit conscience que la pièce qui l'entourait était étrangement familière, mais aussi différente. Les murs arboraient des motifs floraux délicats, et le parfum d'encens flottait dans l'air, en plus des centaines de livres posés un peu partout qu'elle associait généralement à la demeure de sa tante Fiona.

Alors qu'elle commençait à se redresser, son regard se posa sur les visages préoccupés qui la fixaient avec soulagement. Sa mère, douce et aimante, se tenait à son chevet, sa main dans la sienne, le visage tiré par l'inquiétude, tandis que son père se trouvait de l'autre côté du lit , tentant de la masquer derrière un sourire rassurant. Et là, à côté d'eux, se tenait sa tante Fiona dont les traits étaient semblables à celle de sa mère , les yeux embués d'émotion.

- Siya, ma chérie, tu es enfin réveillée, murmura sa mère, passant une main tendre sur son front.

La jeune femme secoua légèrement la tête pour chasser la confusion.

- Que...que s'est-il passé ? finit-elle par chuchoter, sa gorge sèche.

Sa tante Fiona sourit doucement, posant une main apaisante sur son bras.

- Tu es chez moi, au cœur du centre-ville.

- Tu as perdu connaissance, nous...avions eu si peur...il te fallait consulter et vite...la coupa Douria, la mère de famille, cela ne t'est jamais arrivé...de perdre connaissance.

Un frisson parcourut l'échine de Siya. Les événements vécus lui revenaient en blocs en mémoire. Le dernier étant de se souvenir distinctement de la chambre vide, comme si Charles n'avait jamais existé, sauf pour elle. Ce terrible cauchemar. Elle se rappela de la confusion et panique qui l'avait submergée. Elle avait tenté de convaincre ses parents de l'existence de leurs fils mais en vain. Personne ne semblait le connaître à l'exception de sa propre perception.

- Combien...Combien de temps ai-je dormi ? demande Siya, sa voix tremblante.

Tous la dévisageaient avec inquiétude avant que sa tante ne prenne la parole.

- Quatre jours.

"Quatres jours de perdus", ne pouvait s'empêcher de penser la jeune femme.

Le son lointain du marché animé pénétra dans la pièce, faisant écho à la réalité qui se déroulait au-delà de ces murs. Cependant, Siya ne put s'empêcher de se sentir frustrée et impuissante. Elle aurait aimé expliquer tout ce qu'elle avait vécu, sa recherche de Charles, l'étrange disparition de son existence, réessayer de convaincre cette fois-ci sa tante ? Mais elle se rendit compte que les mots semblaient faibles, inadéquats pour décrire l'étrangeté de la situation.

Alors qu'elle commençait à retomber dans ses tourments , la porte de la pièce s'ouvrit soudainement, révélant un homme vêtu d'une blouse blanche et portant une paire de lunettes à monture fine. Il avait un air sérieux, mais bienveillant, et tenait un petit carnet à la main.

- Ah, vous êtes réveillée mlle Siya, dit-il d'une voix calme, je suis le docteur Harrington. Comment vous sentez-vous ?

Siya hocha la tête, se sentant encore un peu étourdie.

- Je... je vais bien, je crois.

Le docteur Harrington sourit et lança:

- C'est bien de l'entendre. Vous avez eu une assez longue période d'inconscience, probablement due à un choc émotionnel. Vous devriez vous reposer davantage, et surtout vous approvisionner.

Alors que le docteur continuait à poser des questions sur son état, Siya se rappela le parchemin qu'elle avait laissé à la taverne. Et plus particulièrement un nom. Une personne de la même profession.

- Je vous laisserai vous reposer maintenant. Si vous ressentez le moindre malaise, n'hésitez pas à me le faire savoir, entendit-elle submergée par ses propres pensées, et elle s'entendit presque crier, sous les regards incrédules de sa famille, lorsque le docteur termina finalement son examen et s'apprêtait à partir.

- Excusez-moi docteur Harrington, commença-t-elle, le docteur Wiljauke . Le connaissez-vous ?

Son esprit tourbillonnait, en ébullition comme possédée par une nouvelle détermination.

"J'irai jusqu'au bout, jusqu'au bout de ma folie, pour toi Charles".

Sa seule piste tangible, les souvenirs d'un vieux parchemin.

Une adresse, gravée dans son esprit.

Docteur Wiljauke, chemin du nord 24 ,marché d'Acra, Mirabelle.

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Coucou cher(e)s lecteurs !

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On s'approche petit à petit du sens du problème...d'une découverte...un peu comme un voyage jusqu'au centre de la terre.

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