La Forêt Vive
^°> Lui
*^> Elle
^°> Je la regarde jouer avec quelques fleurs, d'une espèce protégée je crois. Alors que je m'apprêtais à lui faire remarquer, j'ai changé d'avis dès lors que sa tête se relève. Son visage est comme apaisé, je ne l'avais jamais vu ainsi. Depuis que nous sommes partis je n'ai pas questionné mon choix. Il me semble naturel de la suivre là où elle vagabonde avec autant d'assurance.
*^> L'Autre m'observe silencieusement tout en rassemblant du bois, sans doute pour un feu. S'il savait à quel point sa présence me rassure de cet endroit qui autrefois me faisait rêver. Pourquoi cela a-t-il changé ? Le vent se lève, la nuit tombe, et dans la forêt, quand les sangliers grommellent, les oiseaux dorment. Le silence n'a rien de rassurant, mais le bruit, encore moins.
*^> Peut-être devrais-je l'aider, peut-être. Il est déterminé. Je ne peux l'interrompre.
^°> Rien à manger, mais nous passerons la nuit ici. Notre première nuit totalement seuls, sans lendemain, sans réveil. Il me semblerait qu'elle ait compris. Si ça la dérangeait, elle m'en aurait parlé.
*^> "Plus ça va plus je me dis que c'est qu'une question de timing, ça ne peut être que ça. Notre heure viendra, un beau jour on tâtera le bonheur du bout des doigts, on le rendra contagieux, loin des joies et tristesses éphémères et banales de la vie."
^°> "La vie n'est qu'une succession de joies et de tristesses qui te font te sentir heureux... ou pas."
*^> "Tu le penses réellement ?"
^°> "En fait j'en sais trop rien. C'est peut-être comme l'Amour avec un grand A, tant qu'on ne l'a pas expérimenté soi-même, on ne peut pas y croire."
*^> "Ce ne sont que des définitions variables, ça dépend de ta tolérance et de ta témérité. Et tu peux toujours y mettre des barrières invisibles. Je sais que c'est le problème au fond de moi : j'ai dressé des barricades pour accéder aux choses qui me rendraient heureuse. Il faut les abattre."
^°> "Voilà donc le début de notre Quête, détruire des barrières invisibles ! J'ai connu moins compliqué... " Elle ne sourit pas. J'ajoute vite : "Je t'aiderai tant que je le peux."
*^> "Je n'ai pas besoin de toi. Laisse-moi. Vis ta vie. Il faut que l'on dorme pour se lever tôt, la Nature n'attend pas. Il faut qu'on s'écrive partout dans cette foutue forêt."
^°> Une nuit courte. Une proximité pratique. Il fallait commencer à s'habituer à notre nouvel habitat. Je peinais au fond de moi, j'avais besoin de proximité humaine qu'elle ne me donnait pas et que je ne voulais pas qu'elle me donne seulement pour moi. On vient ici pour ça. Pour savoir pourquoi et comment on doit envisager autrement les choses. Et cela allait durer des semaines encore. Je l'espère, enfin j'en sais rien.
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