À la recherche du Présent
^°> Lui
*^> Elle
*^> Je ne sais pas s'il s'en rend réellement compte, car je pense que c'est encore plus flagrant pour lui. Mais on s'assimile beaucoup ensemble. L'un prend les habitudes de l'autre. Doucement, imperceptiblement. C'est une chose tout à fait naturelle, c'est comme ça que commence notre évolution dans la vie. Nous ne sommes que des pâles copies d'une multitude d'observations.
^°> Elle me traverse d'un profond regard. Avec un fond de spleen. Je me lance dans un poème.
"L'oeil résistant s'envole aux éclats verdoyants,
Quand le coeur bat au rythme de ton escampette"
*^> "Transmets-moi ton monde, hurlant et ondoyant,
La nature est-elle l'irréelle interprète ?"
^°> Je ne m'attendais pas à cette suite. Elle se découvre si rarement, et c'est forcément ici au centre de notre création qu'on se voit à s'offrir... Je voulais continuer. Mais je n'ai pas pu. Je ne l'explique pas. Tout ne s'explique pas, il fallait peut-être que je m'en rende compte un jour.
"J'ai une question puérile, tu crois que tout à une explication ?"
*^> Tout a un début, tout a une fin. Tout dépend ce qu'on inclut dans l'explication que l'on attend. Rien n'est puéril, la puérilité est une notion inventée pour que les gens acceptent cet esclavage moderne, de devenir ce que les autres veulent qu'on soit, pas ce qu'on veut devenir ou ce qu'on a le temps de devenir. On a besoin de puérilité comme on a besoin de manger et de boire pour vivre. Une vie sans insouciance n'est pas une vie souhaitable. Un peu de légèreté béate est un péché qu'on devrait pouvoir s'autoriser...
^°> "Tu m'écoutes ?"
*^> "Oui oui, mais je n'en sais rien, écoute. Ne te prends pas la tête avec des bêtises pareilles"
^°> "Des bêtises ? Je cherche à trouver du un peu de sens, c'est ce qu'on cherche tous non, ce putain de chemin qui nous permettrait d'être mieux non ?"
*^> "Que sais-tu de ce que je cherche ? Ne prends pas ton cas pour une généralité. Tu es tellement égoïste."
^°> "Et alors, qu'est-ce que ça peut bien te foutre bordel ?"
J'avais hurlé ça.
*^> Je lui saute dessus et le fais tomber au sol. L'embrasse, le frappe du poing sur la poitrine. Il stoppe mon poing. Je me calme en étant à califourchon sur lui. Nous nous regardons pendant un instant qui parut éternité. Nous y étions, finalement. Dans notre monde, il se formait entre nos regards, il se tissait à longueur de silences, notre environnement se distordait, s'effondrait. Je plantais mes ongles au-dessus de sa clavicule, il plantait les siens dans le bas de mon dos, en regardant viscéralement à travers mon esprit, pour ne jamais arrêter de créer ce nouveau monde entre nous. J'ai cherché toute ma misérable vie ce lieu où je serais moi-même, et au lieu de perdre mon objectif une fois atteint je suis tombée en extase devant les espaces infinis qui s'étendaient à une vitesse astronomique entre nos yeux, des gerbes de couleurs éclatant en mille feux dans des directions improbables, une myriade de futurs dont seule la perspective satisfaisait mon désir de vivre. Il était là, le confort que je cherchais, pas dans une vieille cabane ou dans un appart de bobo, il était dans ses yeux et le sien dans les miens...
^°> Si une brise soudaine ne m'avait pas réveillé je serais resté dans cette transe. Je voulais y rester, en réalité, s'ouvrir chacun a l'autre, laisser derrière cette ambiguïté gênante d'où naissait des silences insoutenables, ce saut en avant a fait naitre quelque chose d'inattendu, que je n'arrivais pas à nommer mais que je ne voulais pour rien au monde quitter. Et ça, je me foutais tellement de l'expliquer, pourvu que je le vive encore et encore.
^°> Peu à peu, nous édifions un nouveau repère, les feuilles et les fleurs de cerisier autour de nous n'étaient plus qu'un tas d'artifices délicieux qui complétaient l'instant, comme un bruit de fond qu'on savourait sans y prêter attention, sans chercher a le caractériser et poser une étiquette dessus plus pécise que "confortable", "doux", "automne"... Je la regardais. Non je ne la regardais pas. Je ne l'admirais pas non plus. Je me projetais dans cet instant que nous avions créé, "corps et âme", comme on dit. Nos corps qui s'étaient subitement dénudés s'échangeaient leur vision par le simple toucher. Tristement, nos visages restent fermés. Dans ses yeux, je relis des bribes de cette beauté.
*^> Arrête de me regarder ainsi. Arrête ! Pourquoi ces mots ne veulent-ils pas sortir de ma bouche ? Ça ne va plus, plus du tout. C'est comme si je ne voyais plus que lui, je ne comprends rien, tout est vide, je me sens lourde, je manque terriblement de force. Mon corps m'ordonne de rester là, et profiter de cet instant magique, néanmoins mon esprit était totalement contre. "Fuis ! Fuis !", me dit-il, "Va-t’en ! Eloigne-toi de cet individu suspect !", mais ma main se mit à caresser son torse du bout des doigts très très doucement...
Annotations
Versions