Kariléquo
Un lion menaçant fit reculer Yoshitérù.
— Ô toi ! Roi sur terre, que vas-tu faire de moi ?
— Devine petit bonhomme, tu comprendras parfaitement qu'en tel lieu, je décide, comme bon me semble, du devenir de mes proies.
— Méfie-toi, noble roi, j'ai dans le corps la maladie des hommes.
— Tu te défends comme tu peux blanc bec. Avec moi, ton jeu ne prend pas. De quelle maladie parles-tu ?
— Celle qui ronge les sangs, pourrit la chair, détruit la vie à petit feu : il s'agit du crabe. Le terrible crabe est si petit qu'une seule bouchée suffirait à te contaminer.
— Hé ! Hé ! Blanc bec ! Je ne crains pas cette maladie qui, je le sais, ne se transmet pas ainsi. Tu as devant toi Kariléquo, le lion instruit.
— Quel honneur Kariléquo ! Ta réputation de roi instruit n'est plus à faire. D'ailleurs de moi, tu ne ferais qu'une seule bouchée, n'est-ce pas ? Quel est donc ce roi minable, qui se contenterait d'un si frugal repas ? De mon côté, un animal comme toi conviendrait parfaitement à combler ma faim.
— Tu oserais me défier sur mon domaine ?
— De défi je ne te lance qu'une perche qu'il te faut saisir vite avant que la mort nous unisse. Une seule de mes morsures suffirait à t'injecter la maladie du crabe.
— Ainsi, tu ne me crains pas ?
— Ni toi, ni personne. Laisse-moi passer, car je dois mettre à l'abri mon dernier trophée, celui de l'éléphant Dredka qui, cette nuit, ne put m'éviter.
— À dire trop d'âneries, je commence par douter de ta sincérité.
Yoshitérù sortit de sa poche l'éclat d'ivoire prélevé la semaine précédente.
— Vois en quoi j'ai transformé Dredka, le pachyderme : en cure-dent.
— Tu m'impressionnes. Mais attention :
Qui peut se sauver la vie une première fois,
en trompant son ennemi par un subterfuge malicieux,
doit rester sur ses gardes lors d'une prochaine rencontre.
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