un petit rien de fourmi
Une fourmi s'engageant sur la planche pour traverser, s'adressa à Agapatou :
— Dis donc l'emplâtrée, tu me bouches le passage. Ne compte pas sur moi pour détourner mon chemin. Ce raccourci nous fait gagner un temps précieux, à moi l'éclaireur et à toute la colonie en attente. Soit tu avances. Soit tu acceptes que je te passe sur le corps.
— Je refuse que tu me grimpes dessus. Je refuse de quitter l'endroit. Le vertige me tétanise à présent.
— Sache que, si la nourriture sur l'autre bord est abondante, tu risques de nous avoir sur le dos un bon moment.
— Qu'importe. Votre compagnie sera ma distraction.
— Se distraire de ceux qui effectuent une tâche laborieuse, voilà donc une drôle d'occupation.
— Quitte à perdre son temps à contempler le vide, je préfère me divertir avec les actifs. Les encourager me donnera, je l'espère, la volonté de sortir d'ici.
— Nous sommes des milliers. Il sera plus facile pour nos équipes d'éliminer l'obstacle que tu représentes. Puisque nous ne pouvons te chevaucher, serais-tu d'accord pour te déplacer ?
— Je ne peux, car mon poids risque de briser la planche
— Répartissons la charge. À nous toutes, nous te transporterons bien allongé de telle manière que la portance ainsi démultipliée réduirait les risques d'effondrement.
Agapatou fut véhiculée sans brusquerie, par une multitude de courageuses fourmis, sans aucun à-coup.
— Vous m'avez tiré de ce mauvais pas.
— C'est ta seule volonté qui t'a donné l'énergie nécessaire pour t'en sortir.
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