Quand le jaguar part en guerre

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Tous les habitants de la vaste forêt humide avaient peur d'un jaguar très redouté et dangereux. Terrorisés, ils le craignaient, le respectaient. Un jour, ce jaguar rencontra sur son chemin, Yoshitérù. Le grand jaguar menaça Yoshitérù :

— Ton heure est arrivée, je vais te manger !

— S'il te plaît, ami ne me dévore pas ! supplia Yoshitérù.

Mais le jaguar répondit en rugissant :

— Je vais te croquer et ne m'appelle pas ami, car tu n'es pas le mien. C'est moi qui suis le neveu de Kariléquo le lion instruit qui m'a raconté ta rencontre et ta mauvaise ruse. Aguerri, je le suis. À présent, as-tu très peur de moi ?
— S'il te plaît, ne me mange pas jaguar ! répondit Yoshitérù en tremblant. Accorde-moi une dernière chance. Demande-moi ce que tu veux. J'accomplirai tout ce qui pourra augmenter la puissance et la notoriété de ta grande famille.

— Si tu veux. Toi blanc bec, je te demande de relever le défi que je t'impose. Après cela, tu satisferas mon appétit.

— Je suis prêt, grand jaguar ordonne, j'exécute.

— Je ne te crains pas blanc bec, ni toi, ni personne. Je te propose de mesurer nos forces. Je réunirai tous les grands animaux de la forêt et toi de ton côté tu prépareras ton armée. Tu rassembleras tous les insectes et les petites bêtes pour affronter la mienne. Quand chacun de nous sera prêt, nous pourrons commencer la guerre et nous constaterons qui gagnera.
Yoshitérù réfléchit peu, mais vite et accepta ce que le jaguar lui proposait. Ils feraient la guerre. Les animaux de la forêt contre tous les insectes. On verrait bien qui serait le plus fort. Le jaguar et Yoshitérù se séparèrent.
Les deux chefs préparèrent leur armée.

Le jaguar rassembla les pumas, les pécaris puis convoqua les ours. Il réquisitionna les fourmiliers, les lapins, les tatous et les chevreuils, enrôla les loutres et les cabiais, soudoya les agoutis et engagea les tapirs.

Pendant ce temps, Yoshitérù un peu inquiet travaillait dur pour former une armée capable de lutter contre celle du jaguar. Il alla chercher toutes les guêpes, les araignées et les abeilles, supplia les fourmis, les scorpions et les mouches, sollicita la participation des moustiques, des poux et des mélophages

Les jours passèrent. Enfin arriva celui tant attendu : le jour du combat. La grande clairière servirait d'arène. Le jaguar se présenta le premier avec tous les grands animaux de la forêt. Le chevreuil, en tête, portait le drapeau à l'effigie du jaguar entre ses cornes.

— GrrR ! GrrR ! GrrR !

Yoshitérù vint ensuite avec son armée volante et bruyante d'insectes et de petites bêtes :

— BzzZ ! BzzZ ! BzzZ !

Le jaguar et Yoshitérù se saluèrent et le combat commença.

Yoshitérù grimpa dans un arbre pour mieux diriger son armée. De là-haut, il commandait :
— Moucherons et abeilles ! Aux oreilles !

Alors, en nuée dense, ceux-ci s’élancèrent dans les yeux des gros animaux qui ne pouvaient plus rien voir, rien entendre.

— Sangliers ! Piétinez-les ! Répliqua le jaguar.

Yoshitérù continuait de donner ses ordres :

— Frelons et mouches ! Dans les bouches !

Alors, tous les frelons et les mouches entrèrent dans les gueules des animaux provoquant piqûres, quinte de toux et crachats.

— Musaraignes ! On enchaîne ! Le jaguar harcelait les rongeurs.

Le chef de l'armée des insectes n'oubliait personne :

— Bourdons et araignées ! Dans les trous de nez !

Alors, tous les bourdons et les araignées attaquèrent les grands animaux, leur

mordirent les narines.

Prenant l'ascendant sur les ennemis désarçonnés, Yoshitérù sortit son arme secrète :

— Pucerons et poux ! dans le cou !

Alors, les puces et les poux s'infiltrèrent dans les poils des gros animaux irritant ces hôtes rendus fous.

Avec le dernier ordre donné à ses lignes arrières, Yoshitérù porta l'estocade :— Scorpions ! Sous les queues !

Ainsi continua le combat... — Scarabées ! Entre les pieds!... si bien qu'au bout de peu de temps — Mantes ! Soyez moins lentes !... Le jaguar s'avoua vaincu... le jaguar se rendit... — Fourmis ! Replis !... Toute l'armée du jaguar se sauva à grande vitesse et peut-être bien que certains animaux courent encore aujourd'hui et se grattent contre les arbres !

Yoshitérù et ses compagnons gagnèrent la guerre.

Les habitants, contents et fiers du triomphe de ce vainqueur, à grandes embrassades le remercièrent.

Les joueurs de zampoña et de la mama quena égayèrent la grande fête organisée en l'honneur de Yoshitérù.



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