La Faim de l'humanité

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Ça y est. Je l’ai.

J’ai le Virus.

Ce n’était qu’une question de temps. De toute façon, toute l’humanité l’aura un jour ou l’autre et pourrira de cette façon. Elle a déjà commencé à pourrir, à aller tout doucement vers une mort certaine, comme un fruit trop mûr.

On aurait pu penser qu’avec ça, la grande nature voulait rendre au centuple tout ce que les humains lui avaient fait. Mais non. Car ce Virus a été fabriqué par les hommes, qui ont fait ce qu’ils ont fait depuis toujours : créer et détruire.

Bref. Ne pensons pas à ça maintenant. Il faut que j’économise ma pensée, tant que je l’ai encore. Comme tout le monde, j’ai pu voir les ravages que ce Virus fait. D’abord, il n’y a rien. Ensuite, on commence à perdre la mémoire, un peu l’usage de la parole. La peau devient un peu plus flasque. Puis, lentement, on perd la tête : on ne sait plus qui on est, d’où l’on vient. On ne sait plus parler. Notre corps s’amaigrit de plus en plus, notre peau devient grise, comme celle d’un cadavre. On se décompose. Doucement, on devient pire que des animaux, concentré sur une seule lutte : survivre. Se nourrir.

Concrètement, on passe d’humain à mort-vivant (ou zombie, selon ses préférences).

Avant que l’on m’expulse de la zone sécurisée (parce que je ne suis maintenant plus dans leur « camp »), j’ai pu prendre des provisions, quelques vêtements, mon couteau et ma moto. Il faut que je trouve maintenant un endroit tranquille, dans les lieux que les humains ont auparavant abandonnés à cause de la surpopulation d’Infectés, qui cherchent à tout moment à les attaquer.

Les Infectés. C’est le nom qu’on leur donne. Ou maintenant, c’est le nom que les humains leur donnent. Il n’y a pas de nous chez les Infectés. Il n’y a plus rien. Juste la Faim.

Après quelques temps à moto, j’ai trouvé une maison abandonnée. J’ai vérifié le périmètre : rien. Je crois que je vais m’installer là.

  Les jours passent.

S’entassent.

Trépassent.

  Et moi, je n’arrive pas à y faire face.

Je me sens petit à petit dépérir. La nourriture commence à se faire rare. Mais bien plus inquiétant : hier, je n’avais pas faim. Ou plutôt, je n’avais pas faim de ça. Je voulais de la viande. De la viande fraîche…

Ma peau semble avoir commencé à fondre. J’ai essayé de me remémorer mon ancien chez moi, la zone sécurisée, ses habitants que je croisais tous les jours. Mais je n’y arrive que partiellement.

Ma moto n’a plus d’essence. J’ai envie de bouger, j’ai envie d’action, de bagarre. J’ai envie de cogner, mordre, arracher. Mais l’endroit est tellement désert qu’il a fallu que je me défoule sur un arbre mort.

J’ai maintenant fini mes provisions. La dernière pomme avait un goût infect.

Ma peau a pris une teinte grisâtre.

J’aime pas le gris. Du coup, je me suis mordu. Je me suis même arraché un bout de peau. Et comme j’avais faim, je l’ai mangé après. C’était bon.

Il faut que j’arrête de faire ça.

Quand je pense à tous les autres habitants de la zone... Eux, ils sont heureux, ils sont pas malades ! Ils sont pas dehors à avoir faim, non, ils mangent ce qu’ils veulent ! J’ai envie de rentrer dans la zone pour les tuer un à un ! Comme ça, c’est moi qui n’aurait pas faim…

Avec mon couteau, je me suis arraché un morceau de ma cuisse. J’ai eu un peu mal. Je l’ai mangé. Ça fait du bien… J’en veux encore…

Mais un bout d’un moment, je me suis rendu compte que ma chair avait un goût de pourri. Je ne peux plus en manger… Elle est infecte.

Je vais cogner contre l’arbre. Parce que j’ai faim et que je ne peux pas manger.

J’ai faim. Je veux manger.

A manger.

Manger.

Faim.

Faim...

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