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Mesdames, messieurs, bienvenus à cette conférence libératrice : "De l'anthropopithèque au transhumanisme"

Je vous épargnerai une longue introduction, attendu que nous sommes tous, ici, entre gens raisonnables et que nous ne tenons pas compte des avis complotistes portées par de pseudo-scientiques au service de l'Ètat qui les utilisent à des fins ignobles : dissentions fourbes ET abrutissement des populations, désormais incapables de penser par elles-mêmes.
Nous avons raisons, ils ont tort : aujourd'hui vous vivrez votre rêve, nous avons respecté l'agenda !
Brouhaha....

—Ah ! Il semble que nous ayons quelques protestations dans la salle et je n'ai pourtant pas commencé ! -l'orateur est agacé- Très bien... Faites-vous connaître, toutes les opinions ont droit d'expression ! Même les sornettes, je me ferai une joie de réajuster vos croyances... Deux doigts timides au troisième rang ? Madame ? Ha, non madame se rétraque... Non ?!... Ho, vous êtes en couple, avec le monsieur à la cravate affreu... Affrétée... Apprêtée, apprêtée... Monsieur, je vous en prie, rejoignez-moi, exposez-nous vos crétin... crédits... pardon je baffouille ce matin... Oui, venez, ainsi j'utiliserai ce temps de communion, avant la libération, pour vous répondre, ça ne posera pas de difficultés... Vous avez vos cartons d'invitation ? Ça ne m'étonne pas, vous n'êtes pas à votre place, ici, mais ça ne fait rien ! Ça ne fait rien, ce n'est qu'un exercice courant pour moi, allons, allons monsieur dépêchons...

Le monsieur se faufile difficilement entre les chaises, subissant une évidente entrave. Lorsqu'il remonte l'allée vers le podium, un pied sournois se tend et l'homme s'étale de tout son long. L'orateur réprime un fou-rire. Prend un ton réprobateur mais son oeil pétille :

—Ho !!! Ce n'est pas très fairplay, ce crochet... tous les con... confabuler est le droit de tous, comme je vous le disais ! Monsieur Cravate va bien ? Tant mieux ! Vous êtes inconsci... très courageux. Je vous en prie, prenez ma place, ne soyez pas trop long et présentez-vous. J'imagine que vous ne vous appelez pas monsieur cravate...-rire de connivence, l'orateur tire son fil- Elle est extraordinaire cette cravate ?! Vous l'avez eu en solde ? À mon avis vous l'avez eu en solde, c'est peut-être un repoussoir volontaire... qu'on vous fiche la paix ? En tous cas elle est un frein à toute forme de comm...

Monsieur cravate arrache le micro des mains du maître de conférence...

—Je m'appelle Jean Péplu ! Je suis professeur des sciences du vivant -L'orateur se rapproche du micro-
—Dans quelle école primaire ? -Rire en salle-
—... Faculté de Poitiers ! -l'autre, se rapprochant, chaque fois qu'il intervient-
—Poursuivez, qu'on n'y passe pas la matinée !
—Je suis venu ici pour vous dire que je publie un article lundi afin de parler de vos pratiques.
—Vraiment ? Hé ! Bien je ne m'y attendais pas ? »

Mouvement dans la salle, la dame du couple, à son tour se lève et peine à rejoindre l'allée sous les grognements des gens qui l'obligent à les déranger. Elle se dirige vers la sortie. L'orateur lève un sourcil et tourne son regard vers Jean Péplu qui s'était tu...

«Et donc quel sujet pour votre article ?
De l'évolution d'un anthropopithèque en savant de comptoir aux entourloupes d'un filou notoire.

Là-dessus Péplu déplace le micro entre le pouce et l'index de son autre main, fait mine de le tendre à l'orateur en le regardant droit dans les yeux, mais le lâche juste avant qu'il ne s'en saisisse...
Les pupilles du maître de conférence se dilatent, le micro tombe au sol, tonitruant le bruit de sa propre chute.
Jean Péplu ne perd pas de temps et marche vivement vers la sortie. Les premiers rangs du public stupéfait et agressé par le bruit du micro n'ont pas le temps de réagir néanmoins, en sortant, Péplu réussit à éviter une volée de chaises venues des dernier rang... Mais pas l'ouvreuse.

Brouhaha agitation, on affirme à la dame qu'elle n'a rien, à peine un petit bleu, ici ou là que sa douleur à la tête est sûrement le résultat de la forte chaleur... Elle sort, on récupère les chaises entières, quelques lanceurs restent debout. Le maître reprend :

« Monsieur Gachette, bloquez la porte je vous prie, je ne veux plus que l'on soit dérangé ! Cette déplorable contribution est de mon fait. Chers amis, je vous prie de m'excuser. Voyez la violence de nos détracteurs, c'est déplorable... Un article... Auquel, bien entendu, nous ne pourrons répondre. C'est tellement mesquin ! J'aurais dû me méfier, porter une cravate aussi moche témoigne d'une bêtise abyssale ! Tâchons d'oublier ce déplorable incident.
L'anthropopithèque et le transhumanisme ? Il s'agit de l'évolution ultime. Considérez l'anthropopithèque, mais il en va de même pour jaguar, les corbeaux, les baleines... toute créature biologique possède sa constitution, coeur, foie, poumons, reins, fourure, -oui nous aussi, nous avons nos fourrés-, cette énumération me conduit au propos suivant : à quoi tout cela sert-il ? Quelle perte de temps ! Quelle pollution pour la planète ! Tous ces organes sanglants, ces poils écoeurants et malodorants. Jugez donc : sans coeur, plus de psy, de cardiologue, d'amour désenchanté, sans foi, ni loi, heu, non ! Sans foie, sans foie, sans poumons peu importe la composition de l'air, sans reins, sans fourures, sans rien, plus d'exploitation de notre pauvre Terre, mais surtout, enfin, la liberté ! »

À ces mots un homme se lève de sa chaise, pour faire glisser un drap masquant un cube massif placé au côté de l'orateur.

« Alors voici, devant vous, la merveilleuse future nurse de vos esprits ; nous nous sommes permis une fantaisie en lui peignant petit lapin blanc, sur le côté, c'est charmant ! Cette magnifique boîte d'acier, de câbles, de processeurs, de cartes électroniques, reliée à toutes les I.A. du monde, vous emmènera ailleurs, partout où vous le souhaitez, l'éternité vous appartiendra. Comme ça été le cas avant vous pour les villes de Lyon, Grenoble, Saint-Hilaire et même quelques trous du c... coins perdus en France, mais ravissants. Vous avez la chance inouie d'entrer dans votre nouveau monde, sans mur, sans limites, sans faim ; aujourd'hui.
Personne, aucun Jean Péplu ici-bas n'empêchera cette merveilleuse évolution ! Cela fait des mois que nous vous en parlons et que vous attendez ce moment.
Nous allons procéder ! Levez-vous, poussez les chaises, donnez-vous la mains... très bien., formez une file. »

L'agencement de la queue-leu-leu prend quelques minutes, les participants très exités se regardent les uns les autres avec une expression de joie profonde.

« À présent mes amis, que les deux messieurs qui commencent et finissent cette ligne saisissent chacun la poignée de droite et de gauche de la nurse ! Je vous souhaite à tous une excellente transhumance. Vas-y Gégé, envoie la sauce ! »

Les participants n'ont pas le temps de s'étonner du changement de ton de leur maître à penser qu'ils sont déjà tous à terre partis, peut-être, vers une certaine forme de transhumance céleste.

Gégé et Antoine ramassent les porte-feuilles, ils ont reçu leurs contributions en amonts mais même quelques sous, faut pas gâcher...
«Bon pu le choix, mon Gégé, on s'tire aux Carpattes, c'est devenu risqué ici avec des Jean Péplu... »

Cette histoire n'a aucune morale, mais c'est un avertissement, les loups sont partout ! Ho ! Et dans la mesure ou on ne sait pas très bien si le ciel est habité, je vous suggère d'attendre tranquillement qu'on vienne vous chercher...


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