Les collègues de Cécile, à l’école primaire Jean Moulin, ont constaté depuis quelques jours un changement dans son attitude.
Oh, pas grand chose. Juste des petits signes qui les surprennent. Par moment elle semble perdue dans ses pensées. Elle est moins attentive dans les réunions pédagogiques.
Elle était toujours prête à s’enflammer pour défendre les enfants en difficulté. Et maintenant sa fougue semble émoussée.
Sa compétence n’est pas remise en question et elle mène toujours sa classe avec entrain. Mais dès qu’elle en sort, elle paraît tourmentée.
Et ses collègues s’interrogent.

Cécile, en effet, a l’esprit ailleurs.

C’est la fin de la journée. Dans sa salle vide, elle corrige les cahiers des enfants de sa classe de CP.
Mais son regard est souvent attiré vers l’extérieur, vers les toits de la ville qui l’entourent.
Mais elle ne voit rien.
Des pensées l'obsèdent.

Elle a trompé Romain et elle culpabilise.
Mais elle ne regrette pas !
C’est compliqué dans sa tête qui était remplie de certitudes !

Elle a joui avec un autre homme. Il lui a arraché des cris qu’elle ne pensait réserver qu’à son mari.
Elle a ouvert les portes d’un territoire secret que seul Romain avait le droit de pénétrer.

C’est compliqué dans sa tête.

Non je ne suis pas une salope, une traînée qui couche avec le premier venu. S’insurge-t-elle en silence.

Et pourtant.
Pourtant, elle a cédé à des pulsions qui la taraudaient depuis des jours et des jours. Elle n’a pas su résister. L’envie était devenue trop forte.
L’envie de goûter à un fruit défendu.

L’amant n’a pas eu besoin de faire beaucoup d’efforts. Elle est allée au devant de lui.

Une simple main posée sur sa cuisse dans une voiture de TGV a enclenché un processus qu’elle ne maîtrise plus.

Dixième anniversaire funeste pense-t-elle !

Depuis le retour de Paris avec Romain, l’envie de baiser n’avait fait que s’amplifier.
Baiser, il n’y a pas d’autre mot !

Elle a cru que le rêve serait le point final de cette aventure.

Non.

Il a été au contraire d’une telle intensité qu’il a investi son esprit et tel un ver dans le fruit, il s’est installé et y a creusé son sillon.

Elle est en manque.

La masturbation l’a un temps rassasiée. Mais elle en veut plus.
Elle provoque Romain plus que de coutume espérant qu'il éteigne l’incendie qui couve. Il ne comprend pas le rôle de pompier qu'elle veut lui voir jouer.

Ou attend-elle le pyromane ?

Et la braise la consume.

Alors, elle a entrevu une échappatoire. Assouvir le corps pour redonner le pouvoir à la raison.
Baiser pour faire retomber la pression.

Et elle s’est faite baiser. Elle y a pris beaucoup de plaisir.

Elle a retrouvé le calme dans son corps et elle a cru être libérée.
Et ce soir, devant ces petits cahiers dans lesquels les enfants écrivent des mots si naïfs et spontanés, elle sait.

La braise est toujours là.