La nature pour guide
Éleuthère se tait. Les longues minutes à marmotter ont chassé le peu de clair-obscur. Il fait noir maintenant. Les jambes frêles et chancelantes et les rides creusées, elle se retourne doucement en s’aidant de sa canne, puis repart en boitant sur le chemin inverse. Éleuthère n’y voit guère devant. Difficile à cette heure avancée de discerner grand chose... même le chantre de bois aux branches dénudés se fait mystérieux. La pénombre le cache et elle ne l’entend plus. Le vent qui de son souffle, aime à le traverser, s’en est allé ailleurs et l’a mis au repos.
La lune haute et ronde dirige la vieille femme à travers la nuit froide. De sa clarté blafarde, elle révèle les silhouettes des repères connus. Et voici le tronc d’arbre à la fleur perpétuelle qui toujours refleurie. Par ses pétales rouges et sa tige dressée, le fier résineux montre la voie à suivre. Puis, vient le dédoublé. D’aspect reconnaissable, l’arbre scindé en deux la fait tourner à gauche.
Éleuthère entend le nid crissant des hannetons et le bruit de leurs élytres rigides. C’est par ici qu’elle doit marcher. Aidée des odeurs de la nature environnante, des hululements de chouettes, du croassement d’un corbeau locataire d’un arbre centenaire et des déplacements habituels de la faune nocturne, elle continue tout droit durant deux kilomètres.
Il fait froid à cette heure. Le vent glacé mugit sur les cimes des arbres. Il transperce les os de cette pauvre femme qui chemine à petits pas souffrants.
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