Épilogue
Je pense que si David n'avait pas été là, je me serais suicidée. Je n'avais qu'à décider d'assister en direct à un lever de soleil, et ses rayons brûlants m'auraient aussitôt réduite en poussière. Mais il fallait que je le protège comme il m’avait protégé, lui qui n'avait plus que moi, moi qui n’avait plus que lui.
Je restais longtemps inconsolable.
Puis, petit à petit, mon cœur s'éveilla. À voir les efforts que faisait David pour me rendre la joie de vivre, je sentais de nouveau ce sentiment d'autrefois me remuer. Je ne m’attardais guère sur le sujet. Je n’étais pas encore prête. Ce n'est que plus tard que je compris que j'aimais de nouveau. Que je l’aimais, lui, de nouveau.
Un jour, il me dit :
— Sarah, je veux devenir comme toi.
— Comme moi ? Un vampire ?
— Oui.
— Tu es fou ; qui voudrait une chose pareille ?
— Moi.
— Il y a un risque que tu meures au lieu de devenir un vampire, tu sais ?
Il plongea ses yeux dans les miens. Il y avait mûrement réfléchi, et je vis qu'il était résolu.
— Je le cours. Je t'aime.
Je craquais. Je le pris dans mes bras, l'embrassais à pleine bouche, longuement, puis le mordis à la veine jugulaire, à pleines dents, et j'aspirais, je bus, je le sentis se refroidir, se raidir, se débattre un peu, car un intense désir de vivre luttait contre sa volonté, un désir de son corps qui se mourait et luttait pour s'en sortir. Mon estomac se remplit de son sang, si chaud, si nourrissant.
Lorsqu'enfin il fut sur le point de s'évanouir, je me perçai d'un coup de canine acérée les veines du poignet droit, et laissais couler mon propre sang dans sa bouche. Il avala par réflexe, et j'attendis, toute une journée, que la transformation s'accomplisse.
David et moi sommes heureux ensemble. Nous avons repris les recettes secrètes de Jean (il les avait notées dans un carnet que j’avais récupéré) et nous avons un succès fou lors des Solstices d’Hiver.
Cependant je n’oublierais jamais Jean. Il garde une place au fond de mon cœur. Toujours je me souviendrais de celui qui m'avait arraché au monde des humains par amour ; de celui à qui j’en avais tant voulu, et que j’avais tant aimé...
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