Chapitre 7
Long Train running _ The Doobie Brothers
Enfin, je pouvais poser mon cul sur un vrai siège, enfin un minimum de confort pour mes vieux os. Je m'étais étalée de tout mon long sur la banquette made in USA, comme un cachalot sur le doux sable blanc de l'été.Sauf que moi je ne comptais pas encore m'y laissée mourir, à moins qu'Eliott décidait soudainement de causé notre mort prématuré. Il nous avait juré être un bon conducteur mais aux vues des disputes qui s'envolaient entre lui et Sam je préférais prévoir toute les possibilités. Il était possible qu'aujourd'hui soit mon dernier jour et...
- Putain Sam, explique mieux, je peux pas regarder la carte pendant que je conduis !
- Tu pourrais au moins être aimable Eliott Morel !
- Nan mais je rêve ou quoi, tu es censé me donner une direction et tu chantonnes sans jeter un ridicule coup d'œil sur le plan.
- On n'est pas tous...
- OH ! Vous avez pas bientôt finit de vous engueuler ? Vous m'empêchez de penser ! finis-je par lancer pour mettre fin à leurs beuglements.
- Toi ?! Depuis quand tu as un cerveau ?
Le sourire d'idiot d'Eliott se figea alors que je lui balançais le coussin le plus solide à la figure.
- Stop ! arrêtez vos conneries, je ne compte pas mourir aujourd'hui, dit Liam en attrapant mon poignet qui se dirigeait déjà vers un autre missile. Eliott arrête de hurler ça n'avances à rien et toi Sam soit un peu attentive, si ça t'embête je peux prendre ta place. Et toi, Phoebe, tu cesse tout de suite de menacer nos vies.
- Ok, ok. J'écoute la voix de la sagesse. Écoutons tous la voix de la sagesse !hurlais-je dans toute la voiture me prenant pour un prêtre en pleine messe.
Tous se mirent à rire et l'atmosphère se détendit un peu. Sam avait cessé de siffloter pour observer plus attentivement le chemin. La route jusqu'à Philadelphie ne serait pas de tout repos, et nous pouvions encore observer les traits tendus sur le visage d'Eliott quand sa copilote mettait plus de 2 minutes à réfléchir. Ayant perdu le fil de mes pensées je n'avais plus d'occupation alors, comme n'importe quel enfant, j'eus l'envie soudaine de déranger mes deux collègues de l'arrière du bus. Elyne était restée calme depuis que nous étions partis, les yeux rivés sur le paysage. Mais j'avais remarqué l'écran de son téléphone s'allumer à plusieurs reprises sans qu'elle ne le prenne dans ses mains.
- Tu comptes répondre un jour ou le mec qui te harcèle n'est pas un assez bon coup ?
- J'aurais largement préféré te dire que c'était un plan Tinder, dit-elle un sourire triste aux lèvres.
- C'est qui l'abruti qui te soûl, je peux lui casser la gueule en rentrant si tu veux !
- Évite quand même, je pense que mon père n'apprécierait pas.
Je pris l'objet du crime pour me rendre compte que sur l'écran la même phrase revenait à l'infini sur le fond d'écran noir :
Appel manqué de Maman
Appel manqué de Maman
Appel manqué de Maman
Appel manqué de Maman
Appel manqué de Maman
- Mes aïeux ! Elle a pas compris le principe de vacance entre amis ta vieille.
- Pourquoi tu ne lui réponds pas ? demanda doucement Liam qui s'était rapproché peu à peu.
- Peut-être parce que c'est ses vacances et qu'elle a un peu envie d'être tranquille.
- Je ne t'ai pas posé la question à toi Pheobe.
- Arrêtez ! Pheobe à raison, j'ai envie de profiter de vous sans l'avoir sur le dos. Elle est toujours derrière moi, je pensais qu'en étant loin je pourrais être un peu tranquille mais à priori je me trompais.
- Tu sais quoi, tu lui réponds et elle te lâchera après.
- Je n'aime pas dire ça, mais je suis d'accord avec Pheobe, répond, elle tirera moins sur la corde une fois qu'elle te saura en sécurité.
- Merci Liam, je le prends bien, dis-je en lui lâchant un sourire digne d'un politicien en campagne.
Elyne prit son téléphone en écoutant, une nouvelle fois, la voix de la raison.Elle ne semblait pas ravie de devoir parler avec sa mère. Cela dit, je pouvais la comprendre : avoir quelqu'un sur son dos 24 heures sur 24 devait être un véritable calvaire. Malgré notre éloignement depuis quelques années, voir le visage déconfit de la petite Elyne me rendait triste.
- Maman ? Oui je vais bien, on était à New York hier et on est sur la route aujourd'hui. Oui tout le monde est très gentil. Oui. Oui. Oui. Tous les jours ?! Bon d'accord j'y penserais. Oui on mange bien. Je dois y aller quelqu'un m'appelle. Au revoir. Ouai, ouai.
Pas un sourire au cours de l'appel, il fallait que j'en sache plus.
- Alors, c'est bon ? rassurée ?
- Elle m'appellera tous les jours pour savoir comment je vais.
- Quoi ?! Pourquoi tu lui as pas dis non ?
- ...
Elyne s'était refermé sur elle-même d'un coup, le regard perdu sur le bout de ses chaussures. Bravo Pheobe, t'as vraiment les meilleurs conseilles du monde...
- Eliott, t'en a pas marre de conduire ? demanda Liam l'air gêné.
- Tu rigoles ou quoi ? C'est le trajet le plus cours qu'on aura à faire, on va pas changer de chauffeur.
- J'ai envie de conduire, allez laisse moi un peu devant, on sait tous que si tu passes une minute de plus avec Sam en copilote tu vas commettre un meurtre.
Eliott sourit et s'arrêta pour laisser Liam prendre sa place. On savait tous que la seule personne capable de remonter le moral des autres, c'était Eliott. Il n'avait jamais montré aucune gêne auprès des gens, il saurait rendre le sourire à Elyne. Il fit quelques pas et choisit la place à côté de la petite bouille triste de service. Il la décala sur le côté d'un grand coup de fesse. Elle ne dit rien.
- Alors les filles, vous ne nous avez même pas montré ce que vous avez acheté.
- Elyne s'est fait plaisir, dis-je avec un sourire malicieux en voyant une once d'émotion apparaître dans ses yeux tristes.
- J'ai hâte de voir ça.
Elyne releva la tête d'un coup, ces yeux baignés dans une angoisse puissante.
- Je n'ai pas très envie d'aller les chercher.
- Oh allez ! Montre dont à tonton Eliott ce que tu as pris.
- Je m'en occupe, ne bouge pas Elyne.
J'empoignais le sac commun avec tous nos achats de la veille pendant qu'Eliott tenait Elyne dans ses bras pour l'empêcher de bouger. Lorsque mon butin fut bien installé sur la table les yeux de notre victime étaient devenus deux bulles de panique. Je prenais un malin plaisir à fouillé dans le sac le plus lentement possible. Mais qu'allais-je choisir ? L'appareil photo ou l'objet secret ?Étais-je assez diabolique ?
- TADAM !
Elyne se renfonça dans son siège et souffla en voyant dans ma main son appareil photo. Je lui fis un clin d'œil signifiant : « Ne t'inquiète pas ma belle j'emporterais ton secret dans ma tombe ». Eliott me prit l'appareil des mains, le fit tourner l'objet le plus mystérieux de tout les temps.
- Comment ça marche ton truc du futur ? T'es sûr que tu t'es pas trompé d'achat ?
- C'est un Polaroïd, donc plus un objet du passé que du futur, le rembarra Elyne l'air plus assuré qu'il y a quelques minutes.
- Mais oui Eliott, ce n'est pas n'importe quel appareil photo Eliott c'est un Polaroïd 2000 ! lançais-je provoquant une soudaine hilarité générale.
Alors que le bruit de la route s'effaçait sous nos rires, Eliott se décida à inaugurer l'appareil. Il prit un selfie de nous 3 et la toute première feuille sortie, noire.
- Elyne, je suis désolé mais ça marche pas du tout... dit Eliott déçu.
Elyne sourit et son visage s'égaya, elle lui reprit l'appareil, sorti la feuille et d'un mouvement de poignet délicat la secoua doucement. Nous échangions un regard complice nous moquant de la stupidité d'Eliott. Peu à peu nos trois visages apparurent sur la feuille et Elyne attrapa le bras d'Eliott comme une mère expliquant la vie à son enfant.
- Un Polaroïd ce n'est pas un numérique Eliott. L'image vient après quelque minute mais pas besoin d'imprimante puisque l'objet est tout de suite en ma possession.
- C'est génial ! s'exclama notre ami inculte.
- T'es vraiment perdu Eliott c'est fou, dis-je en me moquant de lui.
- Très amusant Pheobe, je suppose que toi tu sais tout. C'est vrai que tes amis avaient l'air d'être de vrais génies.
- J'aime me sentir supérieur, souriais-je. Pourquoi tu penses que je traîne avec toi ?
La voiture s'arrêta enfin. 2h30 s'étaient écoulées sans qu'aucun d'entre nous ne s'en rende compte. Ce premier trajet nous avait tous rapproché.Liam et Sam nous joignirent, un grand sourire sur leur visage. C'est alors qu'une idée me traversa l'esprit. J'empoignai le couteausuisse toujours dans ma poche. Il était usé, mon père me l'avait offert à mes 5 ans, avant de partir pour ne jamais revenir. La table immaculée en bois qui me faisait face méritait une petite amélioration made in Pheobe. J'entrepris ma tâche sous le regard affolé de mes amis.
- Pheobe arrête ! T'es devenue folle ! me lança Liam en essayant de m'intercepter.
Heureusement j'étais assez souple pour m'échapper de son étreinte. Je lançais un regard implorant à Elyne et Eliott pour me laisser faire. Ils comprirent et attrapèrent mes opposants, les éloignant de la table.On formait une bonne équipe. Enfin tranquille, je pouvais terminer mon travail. Après une bonne demi-heure à creuser le bois et élimer mon couteau j'avais enfin fini. Sam et Liam s'agitait inquiet sur leurs lits. Faut apprendre à me faire confiance les amis !
- C'est bon ! Venez ! leur criais-je, fière de moi.
Ils s'avancèrent entre inquiétude et intrique, vers mon chef d'œuvre. Leurs visages s'illuminèrent devant la table. Notre vieille table en bois était désormais à notre image. J'y avais gravé une Proue de bateau.
Les pirates étaient enfin réunis dans leur navire.
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