Chapitre 12
4H30 de UNO et je récolte toutes les foudres du monde parce que je sais placer mes +4 comme il faut ?! La vie est d'une injustice... En attendant Phoebe gagne, Liam se plaint de tricherie et Eliott pleure et ça c'est ma véritable victoire : avoir semé un peu de zizanie.Qu'est-ce qu'ils s'ennuieraient si je n'étais pas là.
- Hillsville nous voilà ! cria Sam en poussant un souffle de soulagement.
Elyne et elle conduisait depuis tout ce temps sans rechigner, elles étaient mes vraies héroïnes du quotidien. Moi, j'étais incapable de me concentrer aussi longtemps sur quelque chose. D'autant plusqu'Elyne n'avait fait aucun commentaire sur mon action d'hier soir. Comme si avoir jeté un téléphone n'était qu'un détail,voire qu'il ne s'était rien passé. Elle avait simplement dit à la cantonade : « ne vous en inquiétez pas, c'est mieux comme ça ». Ce petit bout de femme était de plus en plus impressionnant. Toujours était-il que l'heure du repas approchait grandement, ce qui laissait notre ami Eliott se transformer peu àpeu en larve humaine.
- SAM ! OH SAM ! Je ne survivrai pas... Sustentez-moi, lâcha-t-il la tête penchée hors du canapé, la bouche grande ouverte.
- Ferme un peu tes yeux, et tu regretteras ton action jeune homme, lui lançais-je avec un rire démoniaque.
- Toi je te parle plus sale tricheuse. J'en ai marre que tu gagnes tout le temps, le hasard et la chance ne peuvent plus être tes excuses. Je veux dire, même gamine tu mangeais tous nos petits chevaux...
- Ce n'est ni une question de chance, ni de triche, tout est dans le calcul et le bluff.
- Trouvons un casino, avec elle nous allons devenir millionnaires ! me jeta Liam à la figure.
- Les garçons arrêtez de l'embêter, juste parce que vous n'assumez pas de vous faire battre par une fille.
- Merci Elyne de me défendre contre la force patriarcale.
Elyne s'était jointe à nous et observait les garçons avec un sourire en coin.Cette petite était mon chevalier servant : je lui aurais offert le monde si je n'avais pas autant la flemme de manière générale.Le bus enfin garé devant un vieux diner, Eliott se jeta dans l'air extérieur, humant déjà les odeurs de fritures qui émanaient du restaurant. Hm... Intéressant comme nom pour un diner à Hillsville : The Hillsville Diner... Je n'aurais jamais deviné... Elyne avait pris une photo souvenir de l'endroit,peut-être ce petit restaurant nous réservait de petites pépites.
- Dieu soit loué ! La nourriture est là !
- Eliott, je commence à croire que tu as un vrai problème avec tout ce qui touche à l'alimentaire, dit Sam en sortant du bus à son tour.
- Mais non, les demis-orcs ont simplement besoin de beaucoup s'alimenter Sam. Tout est parfaitement normal ici, répondit Elyne en prenant Eliott sous son bras (sur la pointe des pieds évidemment, compte tenu de la petite taille de ma sauveuse).
- On est sûre que l'endroit vaut la peine ? demandais-je en observant la devanture.
- Honnêtement, on a tous faim et l'objectif est de manger, trouver un motel et dormir pour repartir de bon pied demain, me dis Sam. Alors on va pas pinailler : un burger, c'est un burger.
Les nappes à carreaux avaient ce quelque chose de familier qui me mit tout de suite à l'aise. Une femme blonde d'une quarantaine d'année nous installa tous les cinq autour d'une de leurs tables et nous laissa les menus. Heureusement que j'avais passé plus de temps devant des séries téléchargées illégalement en anglais plutôt que d'assister aux cours parce que je connaissais tous les mets proposés. Alors de manière évidente je choisis le Chicken Fried Chicken parce qu'après tout, viva el pollo !
- Dites, ya que moi qui connais juste le burger dans ce menu ? demanda Eliott peiné.
- Non t'inquiète, personne n'a jamais mangé de choses pareilles, répondit Liam en lui tapant sur l'épaule. Au moins on n'aura pas à réfléchir longtemps.
Au moment où j'allais leur proposer des explications la femme blonde avec son adorable embonpoint prenait déjà la commande.
- So Young guys, what would you have tonight ? dit-elle en souriant.
- Five burgers please and water, se démena Sam de son plus bel accent.
- OH French ! Je pawle oun pew le fwanssai, nous lâcha-t-elle avec un clin d'œil. So five burgers ?
- NON ! m'écriais-je (depuis quand la nourriture me faisait cet effet ?). A fried chicken, please.
- No problem ! I'll come back with your meal.
Tous me regardaient avec un air atterré, mais oui, j'avais envie de manger du poulet et pas cet éternel Burger que l'on trouve à chaque coin de rue,même en France. Le poulet frit, ça c'était quelque chose que les Français ne maîtrisaient pas du tout. Nos assiettes arrivèrent et nous bavions tous de faim. Nous mangions dans un silence religieux.Ce n'était pas bon.... C'était un délice ! La friture croquait sous la dent, pas molle comme celle de chez KFC, le poulet était tendre et goûtu. La purée, appelée ici « mashed potatoes », était relevée comme il fallait... Je me régalais,à cet instant je comprenais mieux pourquoi je m'étais embarqué dans ce voyage. Quant à mes quatre compères, ils laissaient la sauce de leur burger couler sur leurs joues sans même s'en rendre compte.
- C'est vraiment un des meilleurs burgers de ma vie et, venant de moi, c'est un vrai compliment.
- J'avoue que là Eliott, je te rejoins, répondis-je alors que nous goûtions chacun l'assiette de l'autre.
Plus les bouchées se succédaient, plus nous nous enfoncions dans nos chaises, entraînés par notre immense plaisir et par le poids des aliments dans nos estomacs.
- So are you good, guys ? vint nous demander notre nouvelle mère pour la soirée.
Elle se contenta de nos jubilations profondes en souriant. Puis elle me regarda un sourire en coin et m'expliqua qu'ici la tradition de la purée était des'en mettre sur le nez et de faire une photo . Elyne avait déjà sorti son polaroïd, prête à me ridiculiser. Étrangement, je ne fis pas d'histoire, je me fichais que l'on se moque de moi, ici je me sentais bien et sans aucune crainte, comme dans la cabane chez Sam. Alors sans hésiter je plongeais mon nez dans mon assiette alors qu'Eliott faisait de même. Hop ! Une belle photo, deux idiots avec de la patate sur le nez venait d'entrer dans notre album de vacance.
Après avoir remercié mille fois la serveuse et le cuistot, nous nous dirigeâmes vers le motel qu'ils nous avaient indiqué. Une chambre avec deux grands lits nous comblera largement. Alors que nous étions tous les cinq au ralenti, causé par tout ce gras ingurgité, nous étions bienheureux de nous jeter ensemble sur un vrai lit ce soir. Puis une douche, une bonne douche dans une vraie cabine. Avec un peu de chance, ils me laisseront mettre de la musique à fond... Cette vulgaire chambre nous promettait une excellente soirée. Tout ça avant de repartir demain vers notre dernière escale avant Columbia.
Le motel était simple et, à nous cinq, ne coûtait pas une fortune. La déco un peu vieillotte me donnait l'impression d'être chez ma grand-mère et me réconfortait. C'était avec elle que j'avais les meilleurs souvenirs. Toute mon enfance, elle avait été là. J'aurais tant aimé pouvoir lui présenter mon équipage mais elle était partie trop tôt, comme toutes les bonnes choses de la vie. Les larmes me montaient aux yeux. Je n'y pensais jamais en règle générale. Pas maintenant Phoebe ! Contiens-toi et profite ! Liam, Elyne et Sam s'étaient déjà allongés sur un lit commun, les mains sur leurs estomacs et Eliott était affalé la tête, sur le tapis. Ils étaient là , eux, avec moi, pour de vrai, je devais en profiter avec qu'eux aussi ne disparaissent.
- Je vous préviens, je ne dors pas avec Eliott ! les prévins-je.
- Quel dommage, j'en mourrais d'envie ! répondit Eliott, un sourire en direction de mon décolleté.
Après l'avoir volontairement écrasé sous mes pieds, je pris la décision de me décrasser en premier. Si je restais dans cette pièce une minute de plus les larmes couleraient, je le sentais. J'enviais tant Elyne qui osait nous montrer ses sentiments, moi jamais, jamais je ne pourrais. L'eau chaude ruisselait à présent sur mes cheveux sombres, mes épaules et le reste de ma peau. Seules mes joues se trempaient d'une eau salée qui ne m'avait pas manqué. Je me sentais bien ici. Si bien que je me prenais au jeu des adolescentes de tous les films culculs : je me posais des questions existentielles sous la douche. Quel cliché ambulant je peux être parfois... Je me demandais bien comment les autres réagiraient en apprenant que j'étais déscolarisée depuis un an et demi. Pas le choix quand il fallait surveiller sa mère alcoolique H24 dans le risque qu'elle retombe enceinte après un énième rendez-vous d'un soir. Je devais m'occuper d'elle comme d'une gosse. Alors le petit boulot dans le Auchan de la ville m'avait bien aidé à survivre. Enfin bref, j'avais une vie de merde jusqu-là mais je retrouvais ce qui m'avait sauvé du départ de mon père : mes amis, les seuls et uniques que j'avais jamais vraiment eus. Une fois que je sentais enfin suffisamment bon je sortis pour laisser la place aux autres.
- C'est pas que vous puez mais je pourrais jamais dormir avec vous quatre dans la même pièce que moi, leur dis-je.
- Je suis d'accord, je vais me laver, me répondit Elyne.
- Je viens avec toi, dit Sam en la suivant. Comme au bon vieux temps.
- On avait 4 ans Sam, tu es sûre qu'on a encore cette intimité ?
- Bon d'accord je t'attends hors de la douche mais je viens avec toi on pourra papoter.
- Allez Eliott, c'est ton jour de chance : deux filles dans une même salle de bain ! Fonce, lui lançais-je.
Il émit un grognement la tête toujours dans le tapis pendant que les filles riaient. Une fois la porte fermée il se releva.
- Phoebe, dis-moi, qu'est-ce qui te fait autant penser que je suis un obsédé sexuel ?
- ROOOOH ! Toujours à tout prendre mal, c'était pour blaguer. On sait tous que les puceaux ont les hormones en feu.
- Ok, deuxième a priori à la con de la soirée : on a une gagnante ! me dit Eliott alors que Liam se relevait sur le lit à son tour les yeux grands ouverts.
- Attends, tu l'as fait ?! demanda-t-il.
- Oui Liam mon chère, j'ai copulé avec une fille à plusieurs reprises et même une deuxième. Et, non Phoebe, ça n'est pas mon obsession principale, nous avoua-t-il calmement, assis désormais sur le tapis en tailleur. Pourquoi ça vous étonne que nous puissions parler en tant que trois connaisseurs ?
Un silence gênants'instaura, le regard de Liam me laissa comprendre que lui non plus n'avait jamais tenté l'expérience. Eliott se mit à sourire :
- Je vois que l'arroseur se retrouve arrosé.
- Je m'avoue vaincu... Les gars c'est pas être mon truc.
- T'inquiète je comprends, je préfère les gros tétés aussi, me dit-il en riant.
- Moi non plus je n'ai pas fait ma première fois, avoua Liam alors qu'Eliott tentait de rejeter mon pied de son visage.
- Tu dis ça comme si c'était le moment le plus extraordinaire de ta vie... Alors que franchement le sexe c'est énorme mais ta première fois c'est jamais incroyable. Moi je l'ai fait avec une fille au camp scout où nous envoyait mon père. Faut bien que je trouve de quoi m'amuser là-bas.
- Tu l'as fais sans être amoureux ?
- Euh oui ... C'est plus long de tomber amoureux que d'avoir envie de quelqu'un tu sais.
Les filles sortirent de la salle de bain et Eliott se mit à rire d'un coup, bien trop fort, alors que Liam semblait littéralement perdu. L'hilarité de notre ami fit rire Elyne, qui s'assit à mes côtés.
- Je peux savoir ce qui se passe encore ? me glissa-t-elle.
- Alors là, je ne sais pas moi-même... Enfin c'est Eliott tu sais.
Les garçons foncèrent dans la salle de bain l'air aussi gêné l'un que l'autre. Je ne préférais même pas savoir ce qui se disait dans cette salle de bain... Quoique... J'étais tellement curieuse de les retrouver aussi cachottiers. Nous avions passé trop de temps éloignés les uns des autres. Je voulais tout savoir de leur vie.
- Les filles, vous avez apporté quoi comme maillot de bain vous ? demanda Sam innocemment.
Merci de changer de conversation Sam et de détendre l'atmosphère malaisante de cette chambre.
- J'en ai pris un 1 pièce vert et un 2 pièces vert aussi. Oui j'aime le vert, continua-t-elle alors qu'Elyne cherchait le sien.
- Ils sont super ! C'est tout toi, simple mais efficace, d'une beauté naturelle.
- La ferme Phoebs, t'es con, me répondit-elle et pouffant.
- PHOEBS ! C'est vrai qu'on t'appelait comme ça purée, s'exclama Elyne en sortant un bout de tissu clairement dans son dernier souffle.
- Oui, j'aimais bien ce surnom...
- Pourquoi mettre ça au passé ? Phoebs est toujours là, et n'est jamais vraiment parti de nos cœurs, me dit Sam en m'étreignant.
Maintenant toutes les deux assissent sur le lit nous eûmes tout l'honneur d'analyser ce qu'Elyne nous montrait.
- Tu comptes emmener un éléphant avec toi ? Tu aurais pu choisir quelque chose d'un peu moins ignoble pour ton ami l'éléphant, me moquais-je.
- Je n'ai pas eu le choix, ma mère l'a choisi.
- Elyne tu veux vraiment porter ça, tu es sûre ? s'inquiétait Sam.
- Je vais l'essayer... J'ai perdu du poids c'est un maillot qui date de quelques années.
Alors déjà, le maillot baillait partout, oui, son corps avait changé et ce maillot refusait de s'adapter de toute évidence. Puis, quand bien même il aurait moulé son petit fessier rebondit ce maillot était horriblement laid. Un vieux kaki de grand-mère qui était déjà déteint. Mais le pire c'était ce shortis immonde qui coupait la silhouette. Mais quel enfer ce maillot :
- Je le brûlerais bien mais j'ai oublié mon briquet.
- Ça commence à faire beaucoup en comptant le téléphone. Tu veux détruire toute ma valise ? demanda la concernée avec un sourire en coin, moi je rougissais bêtement en observant mes orteils. Vous avez raison les filles, il va falloir que j'en trouve un autre.
- Ça tombe bien ! Columbia est proche de la côte, on pourrait faire une escale avant d'y aller officiellement, se réjouissait déjà Sam.
Une fois Elyne hors de son maillot et en pyjamas, nous nous étions attaquées à la carte pour trouver une ville portuaire.
- Ici ! Wilmington, c'est juste au bord de l'eau et c'est une grande ville, donc niveau magasin on trouvera de quoi faire, dis-je après avoir observé les différentes possibilités.
- Comment ça ? On va à la plage ?! demanda une voix d'enfant derrière moi.
Eliott sautait sur le lit comme s'il voyait la mer pour la première fois et tout le monde s'imaginait déjà se laisser porter par l'eau salée. Afin de finir la soirée du bon pied je pris l'initiative de sortir mon enceinte, de lancer la musique à fond les ballons. Nous nous déhanchâmes pendant plus d'une heure sur nos musiques préférées passant de la pop, au rap et au rock. De façon évidente nous finîmes la soirée par une bataille d'oreiller avant de nous endormir comme des loques sur nos lits.
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