Amandine est seule dans sa cuisine, elle réchauffe le repas, extrait d'un placard une série d'assiettes, qu'elle recompte puis dispose en pile sur un coin de table. Ensuite elle sort ingrédients et ustensiles permettant de confectionner une citronnade : une planche à découper, un couteau, de l’eau gazeuse, du sucre, des citrons et une petite boîte noire.

Amandine

Pierre aime bien la citronnade. Bien sûr que Pierre aime bien la citronnade. Mais ce que Pierre aime par-dessus tout, bien au-delà de la citronnade, ce sont les petits citrons tout pimpants de Clémentine, et il aime bien mettre dans sa grosse bouche les deux gros pépins de ses deux petits citrons. Et avant les citrons de Clémentine, ce qu’il aimait, c’était les deux melons de Mélanie qui lui servaient de mamelles. Et encore avant les melons de Mélanie, il y en a eu plein d’autres, des vertes et des pas mûres. Ô mon dieu ! Qu’ai-je donc bien pu faire pour mériter un homme comme lui ? Je l’aimais pourtant. Mais maintenant je ne vois pas d’autre choix, ce soir sa limonade aura le goût d’amande d’Amandine. Le goût de l’amertume de l’amande. Amandine n’a pas encore dit son dernier mot. Ce soir il boira sa dose de cyanure et enfin il arrêtera d’empoisonner ma vie. Ce soir je serai libre, mais comment faire après ? Ô comme je l’aime ! N’ai-je donc pas d’autres choix que de le tuer. Pierre, ton cœur était pourtant si tendre, et le mien plein de passion. Je me suis accrochée à toi, et je n’ai pas eu d’autre résultat que d’être précipitée vers le fond. Quel est ce bruit ? Tu rentres déjà ? Je dois me dépêcher pour bien t’accueillir.

Amandine ouvre la boîte noire, et précautionneusement à l’aide d’une petite cuillère ajoute la poudre brune synonyme d’un amour mortel.