Le Docteur Menmal
Depuis la salle d’attente, il était possible d’entendre un cri perçant venant de l'intérieur de la salle d'examen. Le patient venait de vivre une consultation qui semblait l’avoir beaucoup affecté, à en croire les larmes qui coulaient le long de ses joues, alors qu'il quittait le bâtiment d’un pas pressé. Lise n'était pas très rassurée lorsque le docteur l’appela, un large sourire sadique sur son visage.
Elle s’assit sur l’une des deux chaises devant le bureau. Le docteur Menmal prit place en face d’elle.
« Bien, avant que commence notre consultation, je voudrais vous connaître un peu plus. C’est la première fois que je vous rencontre, n’est-ce pas ?
— Oui, docteur.
— Dans ce cas, je vais vous demander de m’appeler Gérard. Vous pouvez me tutoyer, également, et je ferais de même avec vous.
— Si vous… si tu veux.
— Je préfère avoir ce genre de relation avec mes patients et mes patientes. Nous pouvons ainsi avoir confiance l’un en l’autre. Alors, qu’est-ce qui t’amène…
— Lise ! Je m’appelle Lise. J’ai récemment été prise d’un rhume qui a sans doute muté…
— Pas de chance, la roue de l’hiver n’a pas été gentille avec toi !
— Oui… en effet. Le problème est que je suis prise d’une toux depuis deux mois.
— Pas de chance, encore une fois ! Certains naissent fragiles, d’autres non. Tu es destinée à te faire torturer par toutes sortes de maladies.
— Mais… je suis venue pour me faire soigner !
— Et moi je suis là pour gagner de l’argent en faisant mon métier. Merci, captain Obvious ! Je te laisse aller t’asseoir sur cette chose qui sert de lit sur lequel tu n’as pas le droit de dormir, capisce ?
— Oui, oui. »
Gérard commença son travail sérieusement. Un long silence. Il écoutait la respiration de la douce Lise qui n’osait pas émettre un seul son. Le docteur commençait à s’ennuyer et décida alors de relancer la discussion avec une blague.
« Bien. Pour la suite, je vais regarder au fond de ta gorge. Ce n’est agréable ni pour toi, ni pour moi, ne va pas croire que je trouve ça hilarant de voir la glotte de quelqu’un que je ne connais que depuis cinq minutes. Surtout quand elle est détruite par deux mois de toux.
— Ah bon, ça ne te fait pas fantasmer ?
— Tu vois que tu commences à faire des blagues, toi aussi ! Bien, puisque tu vas dans un registre sexuel, essaie de refouler tes idées perverses lorsque je vais mettre un bâton de bois sur ta langue. Et surtout, tu n’es pas une chanteuse professionnelle de métal, alors si tu pouvais éviter d’hurler lorsque je te demande de faire “ah”, je t’en serais reconnaissant. Et je ne fais pas peur non plus, du moins je l’espère. »
Fier de ses blagues, Gérard déposa délicatement un bâtonnet sur la langue de sa patiente pour mettre fin à l’inspection de son corps.
« Voilà une bien belle patiente, en pleine forme !
— En pleine forme ?!
— À une toux sèche près, mais tout va bien dans ton corps.
— Oui mais justement, je suis ici pour ma toux.
— Bien entendu. Mais je dois avouer avoir la flemme.
— Mais non, fais ton boulot !
— Je l’ai fait. Pas correctement, certes, mais je l’ai fait. Ça fera soixante euros. »
Lise lui lança un regard de haine, prête à l’étrangler. Lorsqu’il le vit, il se ravisa :
« Je rigole, Lise. Je n’ai rien vu de spécial, mais je vais te prescrire quelques médicaments que tu peux essayer pour calmer la toux. En attendant, le meilleur remède, c’est le temps dans ton cas !
— Super…
— Pour te remonter le moral, je te propose de prendre un bonbon dans cette boîte. Il te suffit d’appuyer sur le bouton. »
Gérard déposa un jouet mystérieux sur la table. Lise savait qu’il s’agissait d’une énième blague de ce docteur déjanté, mais elle rentra dans le jeu et appuya sur le bouton. La trappe s’ouvrit, une araignée en ressortit et la patiente laissa échapper un cri strident d’épouvante. C’était ça, qui avait fait pleurer le précédent.
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