livre 3 - 10

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Je rentre. Je m'assois aux côtés de Doron. Il ne bouge pas. Il est toujours dans ses pensées perdues. Je le force doucement à s'allonger, la tête sur mes genoux. Je lui caresse les cheveux, le visage. Je sais qu'il adore être blotti ainsi. Je lui dis ma folie, ma perte de repères. Lui proposer un plan à trois avec Pierri était abject. Un manque total de respect. Je suis sincère. Mon amour et mon attrait pour Pierri sont absolus, mais Doron est vital pour moi. Le perdre, ce serait mourir. Perdre Pierri, ce serait la douleur absolue, mais pas la mort, juste l'absence de vie. Je lui dis ce qu'il est pour moi. Ce que je ressens quand il est en moi, cette fusion absolue des sentiments. J’aime le pénétrer, mais son don me transporte, toujours.

Je regarde devant moi. Je sens les larmes couler sur ses tempes. Je continue, lui citant chaque geste de tendresse qu'il avait eu pour moi. Je suis intarissable, car il y en avait des millions, tous gravés dans ma mémoire. Les dire me soulève le cœur, me monte vers la lumière. Je me drogue aux souvenirs. Sa peau et ses cheveux sont doux, son odeur flotte sous mes narines et je suis avec lui, pour lui, emporté.

Je sens son doigt sur ma bouche. Il se redresse et me prend la main. Notre relation, cette nuit, est différente de toutes les précédentes. Je sais, mais cette force est magnifique. Il fait durer, car l'important est l’acte, pas le relâchement brutal qu'on appelle jouissance.

Alors que nous reposons, épuisé, mais refusant de nous laisser séparer par le sommeil, il murmure :

— C'est vrai que tu sens ce que je suis quand je suis en toi ? Si tu savais comme chaque fois est une nouvelle découverte ! Toujours être lié avec toi, ainsi. Il n'y a qu'ainsi que je suis bien !

Je le prends dans mes bras. Le sommeil nous emporte jusqu'aux sourires radieux du matin, se retrouver !

Nous avons trainé. Chaque fois que je tente de me lever, il me retient avec des mamours qui me font fondre. Brusquement, il lâche :

— En fait, tu sais, j'ai peur.

Je ne réponds pas. À l'inverse de la veille, cette fois, c'est moi qui ai ma tête sur son torse, une main perdue dans son pubis.

— Dès que tu es revenu la première fois, j'ai vu que tu ne m’appartenais plus entièrement. Mais tu étais tellement rayonnant, tellement généreux que j’ai accepté ce nouvel Usem.

Il fractionne ses paroles de silence. Sa main caresse le bas de mon dos et mes fesses avec une douceur infinie.

— Je te trouvais plus beau, plus proche, plus distant. Je crois que cela doit ressembler quand on voit son enfant devenir adulte. On l'aime plus fort, mais différemment. Tu comprends ?

« Là où tout s'est joué, c’est quand nous sommes allés diner chez eux. Tu sais qu'on nous demande souvent si nous ne sommes pas frères, car nous avons une ressemblance. Je ne l'ai jamais vue vraiment, mais sur les photos, c'est vrai que nous avons un air de famille. Quand nous allons chez tes parents ou chez les miens, l’autre est reçu comme un enfant de la famille, pas par gentillesse, simplement car il l'est. Tu comprends ?

« Quand j'ai vu Pierri, il m'a glissé à l'oreille : “Bienvenue, mon frère, je t'attendais !”. Mon premier regard m'avait conquis, ses paroles m'ont achevé. (Oh, oui ! Je revoyais son rougissement). Je l'ai reconnu, tu comprends ? Il est le troisième ! Un peu plus gaulois ou normand, mais il est de nous. En discutant avec lui, j'avais mon esprit qui battait et se débattait. J'avais envie de le serrer dans mes bras, d'être à lui, de me donner à lui. Je trouvais la même générosité, la même ouverture, la même plénitude qu'avec toi, tu comprends ?

« Quand tu m'as proposé une soirée à trois, j'ai paniqué ! Je ne suis pas sûr de ne pas tomber amoureux de lui, de te le voler, de te rendre malheureux. C'est trop compliqué pour moi, tu comprends ? »

Il sent forcément mes larmes couler sur sa poitrine. Nos caresses n'ont pas cessé. Je me redresse légèrement pour venir prendre sa bouche, lui faire comprendre dans une infinie tendresse que nous partageons la même interrogation merveilleuse.

Le sommeil nous reprend.

***



Avoue que c’est compliqué ! Ça a l’air merveilleux, mais ce n’est pas si facile que ça !

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