Chère mère... \\ Version inclusive

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  Chère mère,

J’espère que vous allez bien.

Je m’excuse de la manière dont les événements se sont déroulés. Je n’avais pas prévu de disparaître ainsi, en pleine nuit… Mais apparemment, vous nous avez couvertxs dans notre fuite, alors cela guérit un peu ma peine. Je n’aurais supporté vous imaginer apprendre mon départ de la bouche d’an autre.

Néanmoins, j’aimerais, par cette lettre, vous faire comprendre l’entièreté de ma situation. Je crains de ne pouvoir rester très concisx sur ce sujet sensible, mais je tâcherai tout de même d’aller à l’essentiel. Le plus court sera sans doute le plus discret.

J’ai rencontré maîtrxsse Korlynlar ol y a de cela deux ans. Iel vous était probablement inconnux, tout comme pour la plupart des habitantxs, Azatril et moi comprisxs. Ol était inédit pour an barde de vivre dans une ville quasiment entièrement militarisée. Cependant, maîtrxsse Korlynlar avait choisi de s’établir ici, comme voisaine de la forêt, loin de toustes – je n’en sus d’ailleurs jamais la raison.

Imaginez mon émerveillement quand, par un jour d’entraînement particulièrement décevant, je surpris l’éclat d’un luth par-delà les limites de mon environnement connu. Je ne pus m’empêcher d’aller m’enquérir de la source de ces sons. J’aurais pu être victime de quelque piège, car la vie d’an héritièrx de général n’est pas toujours sans risque, mais je dois avouer que ma curiosité l’emporta sur ma prudence.

La musique que je poursuivis provenait d’an elfe juchæ sur une haute branche dont je pouvais seulement apercevoir quelques mèches de cheveux entre les feuillages. Je restai à terre quelques minutes à l’écouter, presque tétanisæ. Après avoir manié l’épée pendant des heures, cet air agit comme un baume réparateur sur mon âme.

Maîtrxsse Korlynlar avait une manière de jouer qui vous enveloppe de douceur. Ses notes étaient claires, ses mélodies merveilleuses et ses histoires, qu’elles fussent tristes ou joyeuses, vous emmenaient dans des régions lointaines peuplées de races qui m’étaient bien inconnues. Vous auriez adoré, mère. Cela vous aurait sans doute rappelé vos jeunes années, à père et vous.

Cette nuit-là, je m’en souviens encore car ce fut ma première ballade à moi aussi, iel jouait l’hymne des bardes des contrées nordiques, qui est typiquement caractérisé par des sonorités empruntées aux talentueuxses ménestrellxs nainxs. Je me suis discrètement hissé sur un arbre à proximité. M’est alors apparue la silhouette mince et gracieuse d’an elfe d’une trois-centaines d’années, vêtux d’étoffes d’une teinte chatoyante, dotæ d’une chevelure d’un noir de jais d’une longueur impressionnante et ornée de fleurs de lilas. Jamais n’avais-je admiré pareille beauté auparavant.

C’est cela aussi qui m’a charmæ, mère, ne vous en déplaise. La musique n’aurait pas eu un tel attrait pour moi si elle était provenue d’une personne moins attachante, de père ou d’Ivellios, le maître d’armes, par exemple. Ceux-là ne sont que des rustres qui ne comprennent rien aux merveilles du monde !

Cette rencontre restera à jamais inscrite dans ma mémoire. Quand iel eut fini sa chanson, iel releva lentement la tête, semblant sortir d’un état second, me jeta un regard brièvement empli de surprise, muant vers la bienveillance. Ensuite, iel me sourit, mais pas d’un de ces sourires narquois que les soldatxs s’échangent pour se provoquer. Non, ce sourire-là était pur, il n’exigeait rien en retour, il était pour le simple fait d’être. Cela ressemblait à un de vos sourires, mère.

Dès cet instant, je sus que je voulais rester à ses côtés et apprendre son art. Iel avait enflammé mon cœur, après l’avoir apaisé. Je lui demandai de m’enseigner après quelques patientes semaines d’écoute admirative. Iel accepta avec plaisir et fierté.

Ainsi devins-je san premièrx élève.

Je compris très vite que je n’étais pas prédisposæ pour la musique. Mes mains étaient trop calleuses, trop rudes à force d’entraînement physique acharné. Mon esprit, ma posture également, étaient celles d’an soldatx. Au début, je craignais de ne jamais y parvenir, de toujours être ce que père avait voulu faire de moi. Mais man maîtrxsse, bien plus optimiste, garda confiance. Iel me dit que c’était une chance, d’être si différentx d’an barde en apparence et pourtant si proche dans mon cœur. Qu’une telle marge d'évolution était un cadeau, que l’enrichissement continuel était la nature même de notre métier. Que le jour où je cesserai d'apprendre, je serais devenu trop orgueilleuxse pour mon titre… Sa vision des choses était bien loin de celle des armes qui voulait qu’un manque de compétence mène à la mort. Une discipline dans laquelle la progression éternelle est non pas une chance, mais une nécessité. Un domaine où les faibles sont railléxs et éliminéxs… Pour maîtrxsse Korlynlar, contrairement à mon père, je n’avais jamais été faible, je n’avais jamais été insuffisantx : j’étais déjà quelqu’un qui méritait son respect.

Iel me tira vers le haut. Du début à sa fin, iel fit preuve d’une patience sans limites et me montra que la voie des bardes était aussi complexe que la voie des guerrièrxs, avec de nombreux embranchements qui ne dépendent pas toujours de notre entraînement, pas plus que toujours de nos aptitudes innées. C’est un savant mélange des deux et d’autres facteurs encore, qui font le développement d’an barde.

  Maîtrxsse Korlynlar, par exemple, se spécialisait dans le violoncelle. Bien que cet instrument ne soit ni le plus simple à transporter ni le moins coûteux, il était celui qui résonnait le mieux en ellui et qui, par chance, correspondait à ses capacités. Ses doigts étaient assez longs, vifs, et vigoureux pour appuyer sur les cordes les plus épaisses. C’était une chance qui n’était pas donnée à toustes, malgré que son absence puisse être compensée. Quant à moi, ol me restait encore à trouver ma voie. Je n’étais pas contraintx de me limiter à la pratique instrumentale. Ol existait bien des manières d’être an barde et maîtrxsse Korlynlar était une source d’inspiration inépuisable.

Ol est bien vrai que le regard que je portais sur ellui aurait paru ambigu à toute autre personne, peut-être même parfois le sien sur moi. Je me suis longuement demandé si c’était l’admiration qui m’animait ou quelque chose de plus intime. Un sentiment que je n’aurai jamais l’occasion de partager ni de confirmer, hélas. En deux ans, je n’eus jamais l’audace de briser la barrière physique qui séparait læ maîtrxsse de l’élève. Et ellui non plus.

  Mon meilleur ami, Azatril, qui était le seul dans la confidence, se moquait parfois de la manière dont je parlais d'ellui. Je l’idolâtrais, disait-il. Je buvais ses paroles et ne m’opposais à ellui en rien. Je m’étais « laissæ changer » sans résistance. Ce serait faire une litote que de dire qu’il n’était pas entièrement satisfait de ces bouleversements. Malgré sa joie de me voir plus heureuxse, il était jaloux. Je passais moins de temps avec lui et, j’avais beau faire des efforts, j’étais moins investix dans nos joutes secrètes. Pour exprimer son mécontentement, il me traita de naïfive et d’imprudentx, inventa de terribles histoires de complot, affirma que man maîtrxsse était an agentx ennemix envoyæ pour me corrompre. Si par corrompre il voulait dire « faire mourir l’esprit do guerrièrx en moi », il avait tout à fait raison. Même si je doute d'avoir pu embrasser cet esprit un jour…

  Je pardonnai vite à Azatril ses paroles malheureuses. Sa vie n’était pas meilleure, pas plus simple, et pas plus un choix que la mienne. Je comprenais sa frustration à voir sa seule bouffée d’air lui être arrachée par an autre et j'étais convaincux qu’il n’avait pas l’intention de me blesser. Peut-être même qu’il y avait une pointe d’inquiétude au-delà de la jalousie.

Néanmoins, je ne le croyais pas le moins du monde. Je ne savais rien de la vie de maîtrxsse Korlynlar, c’est vrai, et sans doute guère plus aujourd’hui qu’alors, mais je n’avais pas besoin de connaître son passé pour connaître son âme.

Ol y avait, chez maîtrxsse Korlynlar, un air de mystère que je ne parvins jamais à éclaircir. Sa musique exprimait une mélancolie latente, une blessure qui ne voulait pas se refermer et qui continuait à læ faire souffrir. Nous n’en parlâmes jamais de vive voix, mais je sentais qu’iel portait en ellui ce poids dont j’ignorais la nature et la profondeur. En deux ans, je commençais à peine à en discerner les contours…

  Cette mélancolie, hélas, je n’avais pas les moyens de la traiter. Malgré mes confidences et la progression de notre intimité, maîtrxsse Korlynlar restait le plus souvent refermæ sur ellui-même, à garder ses sentiments aussi secrets que son passé. Sans doute la solitude l’avait-elle rendux ainsi, avec les années. Sans doute avait-iel perdu l’habitude de s’exprimer, d’être vulnérable – ironique quand on sait que j’avais un défaut identique. Dans ce village maudit, personne ne reconnaissait son art, ne l’écoutait, ne faisait même attention à ellui. Pourtant, man maîtrxsse, jour après jour, s’exerçait. Ç’aurait pu être là en partie la raison de sa lassitude. An barde a besoin d’un public, de retours, négatifs ou positifs, de confrœurs. La place d’an barde est dans la lumière… Et, quand on existe pour personne d’autre que soi, existe-t-on réellement ?

Ol était vrai aussi, selon les paroles d’Aza, que la naïveté était très présente dans notre relation. Je dirais même qu’elle en était le cœur, plus que notre pratique. Nous partagions l’espoir silencieux que notre idylle durerait toujours…

Désolæ, mère, si j’ai pu vous paraître plus distantx que d’ordinaire durant cette période. Je ne pouvais faire autrement, car je savais que cet apprentissage auprès d’an secondx maîtrxsse était sacrilège. Ol fallait que je cache derrière un masque de sérieux ces sourires qu'il m’était de plus en plus durs de contenir. Vous avez sans doute remarqué ce subtil changement de comportement, vous qui êtes si perceptive, mais je vous remercie de ne pas m’avoir questionnæ et d’avoir toujours été bienveillante à mon égard.

Ce qui me trahit, cependant, ce ne fut pas mon étrange bonne humeur, mais ma posture au combat.

Au début, je m’entraînais à la musique seulement dans ma tête, dans le silence de ma chambre. Je pratiquais mon solfège et les paroles de mes ballades virtuellement. Ce n’était pas très efficace, comme vous pouvez vous en douter. Toutefois, je m’en serais contentæ des années encore s’ol l’avait fallu. Ce que j’avais était trop précieux et fragile pour que je le risque si bêtement.

Bientôt, j'identifiai le chant comme mon point fort. Ma voix était un bonheur à l’oreille, disait man maîtrxsse. Jamais Ivellios et son entraînement sans considération pour l’individu ne m’auraient permis de le constater ! Je me mis alors à chanter à tue-tête, mais toujours en silence. Que c’était frustrant, mère !

Quand vint la découverte de mes capacités de danssaire, toutefois, je ne pus plus me contenir.

Ce qui me trahit, donc, fut ma posture. J’avais systématiquement été læ parfaitx petitx soldatx de père – enfin, j’essayais, d’après les cicatrices dans mon dos. Mes manières étaient bien celles d’une personne rigide et soumise à l’autorité. Ce que, grâce à man maîtrxsse, je n’étais plus…

C’est ainsi que, malgré moi, je commençai à intégrer la danse à mon attitude. Progressivement, ma façon d'évoluer dans l'espace changea. Je troquai les gestes rapides, dépouillés et mortels pour des mouvements plus dispensables, plus démonstratifs, plus beaux. Peu à peu, je me libérai. Je devenais moi.

Le maître d’armes, ayant l’œil aguerri, fut prompt à repérer ces « défauts », bien qu’il n’en connaisse pas la cause. Il les reporta à père, qui me battit. Cette régression était inadmissible, elle était intolérable ! Jamais, moi, son enfant, n’avais fait preuve de tant de retors auparavant !

  La graine du doute était plantée, mère… Et ol ne fallut pas longtemps à père pour prendre l’initiative de me suivre hors de l’entraînement et jusqu’auprès de man maîtrxsse, læ véritable.

  Je crus que ça en était fini de nous. Père, en cuirasse de plaques complète, s’approcha de moi avec sans doute la ferme intention de me battre et de me ramener de force au foyer. Man maîtrxsse s’arma d’un courage inégalé et s’interposa entre nous. Iel était si petitx, par rapport à lui, ol aurait suffi d’un coup pour l’envoyer valser… Mais père, étonnamment, n’en vint pas aux mains. Il se contenta d’un regard méprisant, de quelques menaces creuses, et s’en alla, sans même m’ordonner de l’accompagner.

Man maîtrxsse avait arboré un calme et une contenance admirables, bien supérieurxs à ce que j’avais jamais opposé à père. J’en étais fièrx et honteuxse à la fois, si bien que je promis de ne jamais plus plier.

  Je savais désormais que nos actes ne resteraient pas sans conséquences. Mais man maîtrxsse, par des paroles fermes et rassurantes, vint m’ôter cette peur en l’avenir qui m’avait tiraillæ et paralysæ pendant tant d’années. Je lui en serai éternellement reconnaissantx…

Les conséquences finirent cependant par arriver. Quelques jours plus tard, maîtrxsse Korlynlar fut prisx à partie par maître Ivellios. Je ne pouvais avoir deux maîtrxsses, c’était impensable, même si l’an d’elleux n’était pas déclaræ ; surtout si l’an d’elleux n’était pas déclaræ ! Un duel était de rigueur, comme la coutume l’exigeait…

Sans doute père avait-il passé ces quelques jours à organiser cette funeste confrontation, suffisamment discrètement pour que même moi, même vous, fûmes tenus dans le secret ! J’ignore quelles étaient ses intentions en nous gardant ainsi à l’écart, mais j’imaginais bien maîtrxsse Korlynlar me faire le même affront. « Je sais que tu es an adulte, Ridualas. Mais ton père ne semble pas le reconnaître. En ma qualité de maîtrxsse, je prendrai la responsabilité de nos actes sur moi, s’il le faut. Ne t’inquiète de rien d’autre que ton apprentissage », m’avait-iel dit, entre autres, après leur brève confrontation. C’était les paroles d’an sage qui se jette dans un précipice…

Ce fut Azatril qui vint me chercher, ayant eu vent de l’affaire plus tôt, comme la forge de son père ne siégeait pas loin. Malgré sa jalousie envers l’individu, il ne souhaitait pas pour autant læ voir mortx. Je me précipitai vers le terrain d’entraînement, terrifiæ, et y parvins juste à temps pour assister au carnage.

Maîtrxsse Korlynlar n’était pas an guerrièrx ni an soldatx, iel était même l'opposé. Iel ne savait pas tenir une arme et ne se serait jamais sali les mains à le faire. Pour la pureté de son âme, ol aurait mieux valu pour ellui qu’iel vive le plus loin possible des mers de sang et de celleux qui les versent. Pourtant, c’était son choix d’être parmi nous, et en ce jour, iel le paya amèrement.

Man maîtrxsse était déjà gravement blessæ lorsque j’atteignis le premier rang. Je vis la pâleur de son visage et les tremblements imprégner son corps d’ordinaire si discipliné. Je fus dégoûtæ et révoltæ de découvrir tant de passantxs faire cercle autour de cette blague de duel qui tournait plus au lynchage idéologique. La différence est d’abord l’excuse la plus minable pour ne pas tolérer autrui, mais elle en devient criminelle quand ol s’agit de violenter pour elle.

C’est donc par évidence que je m’interposai, sous les cris de protestation de la foule. Père me laissa y aller avec un air cruel et l'intention de m’inculquer une leçon. Qu’importaient les remontrances et châtiments qu’il allait me faire subir de retour au foyer pour mon intervention. Il aurait pu me mutiler ou même me tuer que je n’aurais pas regretté. Je n’aurais décemment pas pu rester là à regarder man maîtrxsse souffrir par la main de ce barbare d’Ivellios. Tout puissant guerrier qu’il soit, il n’en demeure pas moins le plus animal des soldatxs de la ville, pire encore que père, vous en conviendrez sans doute.

Je me vis moi-même contraintx de prendre la place de man maîtrxsse face à celui que je n’avais jamais admiré, mais bien craint à une époque. D’ordinaire, les règles du duel imposent la peine de mort à tout intervenantx, quelles que soient ses raisons. Mais personne n’aurait songé infliger cela à l’héritièrx du général, hormis le général lui-même, peut-être. Qui plus est, tout le monde fut bien plus satisfait de ce duel et de sa durée exceptionnelle, plutôt que de l’humiliation d’un être jugé comme trop faible.

Oh, j’ai lutté, mère, vous n’imaginez pas… Vous auriez sans doute été terrifiée de mon regard ce soir-là, car j’ai combattu non pas contre mon maître d’armes, mais contre mon irrépressible désir de le tuer.

Oui, j’ai désiré sa mort. Pour l’outrage qu’il avait fait subir à man maîtrxsse. Pour la peur et la douleur qu’il lui avait causées et, dans une certaine mesure, m’avais causées durant toutes ces années. Je n’étais peut-être pas devenux læ soldatx qu’il espérait, mais j’avais pris suffisamment de galon pour parvenir à lui tenir tête, d’autant plus que mes mouvements gracieux, presque acrobatiques, ne faisaient pas partie de son livre de techniques. Lui, qui pourtant connaissait l’imprévisibilité de la guerre, où l’honneur n’avait pas lieu d’être, s’était laissé surprendre par mon approche et était désormais désarmé à mes pieds. À ma merci.

Je l’aurais eue, sa mort tant désirée, si ce n’avait été de l’intervention de maîtrxsse Korlynlar qui me retint de devenir an tuaire à bras-le-corps. Iel me sauva, encore une fois. De son corps et de ses mots, iel sauva mon âme et la vie d’un imbécile. Par la même occasion, iel condamna la sienne…

Certes, le spectacle leur avait été agréable, mais trop d’entorses aux règles avaient été commises. Tandis que je m’étonnais de ce soudain contact et que ma conviction s'effritait, une arme fendit l’air et atteignit man maîtrxsse en plein milieu du dos. Iel en fut transpercé de part en part. Je ne perçus pas la douleur de ma propre blessure, j’entendis seulement le faible gémissement s’échapper de ses lèvres et son corps s’affaisser et heurter le sol dans un bruit sourd.

  Man maîtrxsse fut sauvagement assassinæ en cette sordide soirée, par la main d’an inconnux dans une masse grouillante et extatique. Une masse ne possédant cependant qu’une unique âme, une âme noire. Une âme coupable.

  Je ne pus même pas lui dire à quel point ce qu’iel avait fait pour moi avait de la valeur.

  Je ne pus même pas lui poser toutes ces questions personnelles qui n’avaient pas d’importance, mais qui auraient comblé les contours de sa perfection.

  Je ne pus même pas lui dire « je vous aime », s’iel avait voulu l’entendre…

Nous ne pûmes rien nous dire. Je me tins près d’ellui, quelques secondes à peine, et iel succomba, là, sur le sable crasseux de l’arène.

Je ne læ pleurai pas. Du moins, pas immédiatement. Car j’étais tétanisæ. Je n’y croyais pas, iel ne pouvait pas être mortx. La haine m’avait complètement quittæ pour laisser en moi l’incompréhension. Père me sépara sans peine du corps de man maîtrxsse pour me traîner jusqu’au foyer familial, me battre sans retenue, puis m’enfermer dans mes quartiers.

  Azatril organisa notre fuite cette nuit-là. Il entra par effraction chez nous et me fit sortir. Tout ce qui se passa après est flou. Et tout ce qui se produisit entre les deux est flou. Je me suis déplacæ sans y penser, aidæ de mon ami, jusqu'à arriver à la sécurité qui me permet aujourd’hui de vous écrire cette lettre…

  Avec le recul, et une clarté d’esprit partiellement retrouvée, ol y a de nombreuses choses que j’aurais aimé faire différemment. Je suis conscientx que que c’est impossible, qu’on ne peut retourner en arrière pour changer ses actes. Mais même ainsi, je ne peux m’empêcher d’imaginer une vie avec vous, et avec man maîtrxsse. Une vie accomplie, heureuse et libre… C’est un beau rêve.

Je sais que rien ne m’empêche de construire cette vie. Pourtant, je ne suis pas libre, pas encore. Je suis prisonnièrx de nouveaux concepts que j'ai à peine intégrés, de la peur de ne pas parvenir à me relever, de celle de toujours décevoir, de choix à faire, de la culpabilité de ceux que je n’ai pas faits… Je porte enfin en moi le devoir illusoire de lui rendre hommage, en incarnant la personne qu’iel était, les valeurs qu’iel avait, en explorant les possibilités qui lui ont été volées.

Je ferai de mon mieux, je vous le promets, pour guérir de ces mensonges en temps voulu. Laissez-moi aussi vous promettre de saisir l’opportunité qu’Azatril et vous m’avez offerte. Je souffre de devoir grandir loin de vous, mais je vous conjure de me faire confiance : ma voix, mes chansons parviendront à vos oreilles, et elles parleront de vous, d’ellui, de nous. De ma vie et des erreurs qui m’ont amenæ à devenir meilleurx.

Je vous aime, inconditionnellement.

Votre enfant, Ridualas.

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