Quinzième pas : Habiter en poète sur cette terre
« Et notre dernier pas ? »
Habiter en poète sur cette terre !
« Jolie formule ! »
C'est un poème d'Hölderlin :
Plein de mérites, mais en poète
L'homme habite sur cette terre.
« Comment le comprendre ? »
Heidegger lui donne une profonde signification dans ses Essais et conférences.
« Heidegger, le nazi ? »
Du calme, cher lecteur, du calme !
Penses-tu que Platon était gauchiste, crois-tu qu'il allait en Sicile pour fonder une démocratie ?
« Certes, mais nous savons, maintenant, que Martin Heidegger était nazi ! »
On s'en doutait depuis longtemps, mais très franchement, il s'agit, ici, d'une lecture philosophique d'Hölderlin : cela n'a rien à voir avec le national-socialisme !
« Admettons, mais quel sens donner à ces vers ? »
Pour moi, c'est le bout du chemin : la poésie, mais non pas la poésie comme passe-temps, activité littéraire de divertissement.
Pour Heidegger, la poésie devient rapport au monde, un monde que l'homme habite.
« Mais nous nous écartons de notre chemin , en suivant Heidegger ? »
Pas du tout, ami lecteur.
Pour moi, le bonheur est laisser venir, accueil recueil , écoute.
Pour citer Heidegger :
La correspondance, dans laquelle l'homme écoute vraiment l'appel du langage, est ce dire qui parle dans l'élément de la poésie.
Plus l’œuvre d'un poète est poétique, et plus son dire est libre:plus ouvert à l'imprévu, plus prêt à l'accepter.
C'est ce chemin poétique qui mène au bonheur, un chemin d'écoute, de réceptivité, d'imprévu , de liberté .
« C'est très beau ! »
D'une indescriptible beauté, ami lecteur !
Ajoutons que réceptivité, écoute, imprévu, liberté : tout cela n'a rien, strictement rien à voir avec le nazisme !
Et, au contraire beaucoup à voir avec la divinité !
« La divinité ? »
Oui, Heidegger essaye de comprendre les vers précédents du poème :
Aussi longtemps qu' au cœur
L'amitié, la pure amitié, dure encore, l'homme
N 'est pas mal avisé,s'il se mesure avec la divinité
Cette mesure, cette nouvelle unité de mesure entre le ciel et la terre, l'homme et la divinité sera la poésie.
« C 'est complexe ! »
Je le concède, cher lecteur . Nous n'irons guère plus loin sur ce chemin car notre objectif n'est pas d'étudier la pensée Heidegger, mais de faire quelques pas vers le bonheur.
« Pourtant la poésie a bien à voir avec la mesure ? «
Pas nécessairement, j'écris, ici, uniquement des vers libres ( et sans ponctuation!).
En revanche la poésie a tout à voir, avec le rythme et la musique !
« Vous refusez toute métrique ? »
Pas du tout, j'écris essentiellement des haïkus :
Iris en beauté
Parfumé et élégant
Prince du printemps
J'accepte la métrique, mais je préfère les formes courtes, légères, aériennes, les plus proches du bonheur.
« Cela me convient ! Et pour la fin ? »
Nous terminerons avec le prince des poètes : Charles Baudelaire !
L'étranger
"Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis ? ton père, ta mère, ta sœur ou ton frère ?
- Je n'ai ni père, ni mère, ni sœur, ni frère.
- Tes amis ?
- Vous vous servez là d'une parole dont le sens m'est resté jusqu'à ce jour inconnu.
- Ta patrie ?
- J'ignore sous quelle latitude elle est située.
- La beauté ?
- Je l'aimerais volontiers, déesse et immortelle.
- L'or ?
- Je le hais comme vous haïssez Dieu.
- Eh ! qu'aimes-tu donc, extraordinaire étranger ?
- J'aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas... là-bas... les merveilleux nuages !"
Charles Baudelaire - Le Spleen de Paris
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