Léopold arriva à 3h 15 à l’hôtel Miramar. Le corps flottait, nu. C’était celui d’une jeune femme à la silhouette élancée et aux longs cheveux bruns. Les premiers témoignages lui apprirent que la jeune femme était âgée de 32 ans et s’appelait Élodie Aubert. Elle était domiciliée à Nantes et accompagnait son mari dans le cadre d’un tournoi mondial de scrabble qui s’était achevé la veille.

Les époux avaient passé la soirée avec des amis à Collioure. Ils étaient montés à la tour de guet de Madeloc à 21 h pour voir l’éclipse de lune. Ils étaient redescendus un peu avant 23 h 00, heure à laquelle chacun avait regagné sa chambre. Tous partaient tôt le lendemain matin et ils avaient leurs bagages à préparer. Élodie Aubert et son mari Lionel, s’étaient couchés aux alentours de minuit. Lui prétendait s’être aussitôt endormi. Il s’était éveillé à 2 heures et ne décelant pas la présence de son épouse à ses côtés s’était levé pour partir à sa recherche. Il avait découvert son corps nu à la surface de l’eau à 2 h 15 et avait aussitôt alerté la direction de l’hôtel. Le directeur avait alors téléphoné au commandant Léopold Shawn.

A première vue, l’enquête semblait simple : ne parvenant pas à s’endormir, la belle avait eu l’idée saugrenue de prendre un bain de minuit et s’était noyée… Probablement trop alcoolisée pour pouvoir nager ! C’était malheureusement là une lubie de touristes : on faisait la fête, on buvait trop et hop …. Tout le monde à poil et à l’eau !!!! Heureusement la plupart d’entre eux ne se noyait pas pour autant !!! « Bon, il ne restait plus qu’à attendre que le médecin légiste déclare la mort par noyade accidentelle, et l’hôtel retrouverait toute sa superbe et moi, je pourrai tranquillement retourner à mes enquêtes minables » pensa Léopold.

C’est sur ces entrefaites qu'Anna arriva. Elle portait un pantalon tailleur assez strict qui contrastait étrangement avec son air juvénile et sa longue chevelure rousse mal coiffée. Sans doute cherchait-elle avec cette tenue à s’imposer dans une brigade exclusivement masculine où la moyenne d’âge dépassait la cinquantaine. Elle commença par installer le périmètre de sécurité nécessaire au recueil des indices qu’il lui faudrait peut-être prélever en cas de mort suspecte. Elle prit ensuite de nombreux clichés du corps avant qu'il ne soit extrait de l'eau. Bien qu’il fût contraint d’admettre qu’elle avait raison et qu’elle ne faisait que respecter la procédure, Léopold s’impatientait... Il avait hâte d’en finir, de regagner son lit et de dormir quelques heures avant d’aller rejoindre son vieil ami Charles avec lequel il avait prévu d’aller pêcher.

« La petite » comme il l’appelait était compétente, il n’avait rien à lui reprocher et pourtant il avait du mal à bosser avec elle. Lui, c’était la vieille école, il fonctionnait à l’intuition, au feeling et refusait de s’embarrasser de toute la paperasse administrative qui devenait toujours plus lourde à gérer. Elle c’était l’inverse. Elle appliquait scrupuleusement les règles apprises à l’école et ne dérogeait à aucune procédure fusse-t-elle parfaitement inutile et chronophage.

Après une nouvelle série de clichés, Anna constata le décès. La prise de température du corps restait de 37°1, ce qui ne lui apporta aucune précision. En effet, durant les trois premières heures, la température ne décroit que très lentement, on ne peut donc dater précisément l’heure de la mort. Tout juste pouvait-on estimer que le décès avait eu lieu entre minuit, heure où Élodie s’était couchée avec son mari, et 2 h 15, heure où ce dernier l’avait découverte. Seul un examen externe plus approfondi permettrait de savoir s’il s’agissait d’une noyade accidentelle.