Le manteau bleu

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Le manteau bleu

Jean-Luc reluquait la petite jeunette depuis quelque temps. Il l’avait repéré un matin gris. Elle attendait un bus, en face d’une station-service où il avait l’habitude d’acheter des Marlboros et du Red Bull avant de se rendre à l’usine.

Il venait de passer une de ces nuits d’insomniaque à rouler sa vieille B-M dans la banlieue, allant boire des verres avec des clodos et des paumés, dans des bars miteux. Parfois, il errait aux abords du bois ou de la gare de marchandise, observant travelos, pédés et putes vendre des pipes au rabais aux métèques du coin. Souvent il finissait, enfin, par s’endormir la tête coincée dans le volant, un mégot éteint entre les doigts et le braquemart pendu hors de sa braguette. Ces virées nocturnes, c’était son rituel d’insomniaque. Son divorce n’avait pas amélioré la qualité de son sommeil. Au contraire. Des cernes avaient creusé de profonds sillons noirs et ses joues s’étaient affaissées, laissant saillir dangereusement ses pommettes. Les profondes rides horizontales qui étaient apparues sur son front renforçaient la nature anxieuse de sa personnalité. Son boulot le faisait chier, mais il préférait trimer sur les quais avec ses gars, leur gueulant dessus de temps en temps pour montrer qui était le chef de l’entrepôt. Tout ça pour deux milles balles brut par mois. Toujours mieux de se fatiguer à la tâche, que de pointer au chomdu et glander sur son vieux canapé cramoisi. Au boulot, il pouvait oublier qu’il n’arrivait pas à dormir… La petite l’avait quasiment hypnotisé. Ça faisait un bail qu’elle grimpait dans le bus numéro 104, en face de la station-service, pour aller vers le centre-ville, bosser dans une quincaillerie. Pourtant, jamais Jean-Luc ne l’avait remarqué. Mais ce matin, elle portait un long manteau bleu gentiane avec de gros boutons noirs. Un manteau qui réveilla en lui un souvenir bestial, une blessure mal cicatrisée à quelque part au fond de son cerveau reptilien. Il avait eu besoin de tout savoir, au risque, jour après jour, de perdre son job à force de retards puis d’absences prolongées. Ce manteau était tel l’emballage cadeau que l’on veut défaire et trouver la surprise.

Son état psychique avait été signalé plusieurs fois à sa hiérarchie, la médecin du travail, une femme d’âge mûr, avec son embonpoint, typée camionneur – une gouine de première - lui délivra un arrêt maladie, accompagné toutefois d’un suivi psychiatrique. Le soir même les gars de l’entrepôt lui payèrent un pot de l’amitié et lui souhaitèrent un bon repos, un prompt rétablissement et tout ce qui se dit dans ces moments-là. Le lendemain, ils reprirent leur train-train comme si de rien n’était. C’est ça les collègues. Tu fais ami-ami, tu vas boire des bières au troquet du coin, tu discutes football, formule-un ou politique, mais quand on te vire ou quand t’es pas là, c’est soit bon débarras, soit ne te presses pas de revenir. Du pareil au même.

Bourrés aux anti-trucs, gélules ou pilules aux couleurs et aux formes galéniques savamment choisies, d’insomniaque endurci Jean-Luc était devenu en un rien de temps un camé de première. Le manteau bleu ne quittait plus son esprit. C’était devenu une obsession. Il profitait comme il pouvait de ses journées d’arrêt. De jour, il pistait la petite au manteau, s’attardant parfois de longues heures au bistrot. La nuit tombée, il reprenait ses petites virées et s’envoyait maintenant de temps en temps en l’air. Il n’en pouvait plus de s’astiquer le manche planqué dans sa caisse. Si déjà on lui avait donné du temps libre, autant l’utiliser comme bon lui semblait. Négresses, beurettes, roumaines, trans camés, filles de joies venues de pays tiers, ne pipant pas un mot correct de français, il avait l’impression de voyager chaque fois qu’il visitait un cul.

Sophie

Sophie était plutôt une fille souriante. Jamais personne ne l’avait connu de mauvaise humeur. Elle dégageait un charme naturel, qui attirait les mâles de son âge : des pseudo-machos ou des timides, des malabars divers, ceux qui s’y prenaient avec la maladresse du puceau, les mecs en chaleur de tout âge, quadra ou plus vieux, des filles, des binaires, des non-binaires. Elle les repoussait tous avec l’insouciance et la légèreté de ses vingt ans. Il y a quelques mois, Sophie décida de suivre son instinct. Les études courtes ou longues l’emmerdaient profondément. Elle voulait vivre l’instant présent. Elle disait aimer cette forme d’indépendance moderne, sans pour autant aimer la vie de Bohème. Elle voulait trouver sa voie et étaient prête au long voyage initiatique, à l’instar des compagnons d’antan.

Cela faisait quelques mois qu’elle était entrée par curiosité dans une boutique pour ne plus en ressortir. La voilà qui bossait dans un magasin d’articles de quincaillerie. Sa patronne, Monique, était une charmante mamie qui n’avait jamais su s’arrêter. Feu son mari mourut la veille de sa retraite. Il s’était cassé la gueule de son escabeau, alors qu’il cherchait pour un client des boutons de porte anciens, en porcelaine de Limoges. Ce magasin avait été toute sa vie. Une fois la grille de fer rabaissée pour toujours, il avait prévu de faire le tour d’Espagne en camping-car avec sa Monique, à la recherche du temps perdu et de ces petits plaisirs de la vie, qu’il avait troqué contre celle au service de la clientèle. Voilà vingt ans que Monique soulageait son chagrin en maintenant, tant bien que mal, l’œuvre de son mari. Sophie ne connaissait rien aux babioles que les clients cherchaient, mais elle s’en moquait. La boutique de Monique, c’était une sorte de caverne d’Alibaba. A chaque jour son trésor, un secret dévoilé. Chaque objet était scrupuleusement enregistré dans les vieux registres. Dénominations, numéros d’article, dimensions, poids, noms des fabricants, quantités, tout y était. Un système de classement très élaboré imaginé par le vieux patron, permettait à Sophie de retrouver tout ce que les clients demandaient, sans avoir besoin d’utiliser le moindre ordinateur. Un jeu d’enfant. Elle qui pensait trouver certainement un autre job ailleurs au bout de quelques mois ne quitta plus la quincaillerie. Et ce, pour le plus grand plaisir de sa patronne, qu’elle appelait dorénavant « Mamie-Monique ». Sophie était devenue la fille et la petite-fille que Monique n’a jamais eue.

Jean-Luc

Jean-Luc, garçon malaimé de ses parents, surprotégé par ses grands-parents, était le souffre-douleur de son école. Frêle esquif naviguant au milieu de l’océan des élèves, les joues toujours roses, des yeux bleus perçants. Pourtant, il était incapable d’aligner deux mots sans bégayer. Au début ça faisait rire, mais très vite arrivèrent les moqueries. Celles des autres gamins, celles plus insidieuses des adultes et donc aussi des maîtres d’école et éducateurs. Ce fardeau, Jean-Luc le supportait mal. Il n’avait aucune confiance en lui et s’était renfermé. A l’école élémentaire, aux joies de la récré, il préférait l’odeur âcre des pissoirs.

Le secondaire arriva en même temps que sa puberté. Sa timidité était devenue un poids supplémentaire. Alors de temps en temps, pour tenter de s’affirmer, il tapait. Un regard de travers, un mot déplacé et il tapait ou chahutait. A quatorze ans, il avait connu une scolarité chaotique. Il avait tant de zéros, que son bulletin était un emmental. Régulièrement il avait droit aux roustes de son vieux. Jean-Luc ne savait apaiser ses douleurs et soigner son bégaiement uniquement chez ses grands-parents. Il aimait passer ses vacances dans ce petit village où il pouvait aller pêcher, se rouler dans le foin, grimper aux arbres. « La petite maison dans la grande prairie », voilà comment il racontait, gamin, son havre de paix. Dans la maison d’en face, vivait Bertrand. Bertrand était un gamin de ferme : les doigts crasseux, les bottes crottées et des cheveux poussiéreux en bataille, blond paille. Il savait traire les vaches, tuer le lapin ou la poule du dimanche. Plus que tout, Bertrand aimait conduire le tracteur, ce qui fascinait Jean-Luc. La « bande » était d’abord un duo jouant dans les champs de maïs, ou se cachant derrière les bottes de paille. Puis la bande devint le gang du village, d’autres gamins venant au fil des étés graviter autour de la constellation Bertrand et Jean-Luc.

Puis un jour débarquait Claudine au milieu de ce gang. Elle était la cousine de Bertrand. Une fille rigolote, un peu simplette, certainement atteinte de déficit mental léger, un peu rondouillette, mais pas plus qu’il ne fallait et à peine plus âgée que les deux poteaux. Déjà bien formée pour son âge, Claudine ne portait jamais de soutien-gorge. Quand elle venait aider les deux gamins à la traite des vaches, Bertrand et Jean-Luc scrutaient les seins de la cousine, et se regardaient d’un air complice en pouffant et rigolant. La fille riait de bon cœur avec les deux amis et les aspergeait de lait sur le visage. Les autres garçons de la bande ne se privaient pas non plus, chaque fois que Claudine s’incrustait, de mater la cousine quand elle accompagnait son cousin et Jean-Luc.

Un soir orageux de la mi-août, le gang se retrouva dans les étables en compagnie de Claudine pour une soirée « action ou vérité ». La gamine était apparue soigneusement maquillée, paillette sur les joues, far sur les paupières, comme pour aller danser. Ou tout simplement pour ressembler à ces starlettes de la chanson et de la télé ? Elle s’était sapée du manteau que lui avaient offert ses parents lors de son anniversaire. Un joli manteau à fermeture croisé, orné de quatre gros boutons noirs, au large col cranté, en laine bleue. Elle le portait fièrement, en se tenant les épaules effacées et le dos légèrement cambrée, comme les modèles des photos des magazines de mode de maman. On aurait dit un manteau qui coûte une blinde, bien qu’il fût acheté au Prisunic au moment des soldes de printemps. Claudine avait pleuré toute la nuit et toute la journée du lendemain. Elle était revenue à la maison dans le même état que son manteau. Dans un sale état. A cause de l’orage et en pleine nuit, elle avait glissé sur le bord du chemin de la maison. Bien entendu, elle avait menti. Ses vacances á la ferme étaient gâchées. Elle avait perdu sa gaité et sa légèreté d’enfant. Seuls les ados de la bande présents ce soir-là connaissaient le déroulement et les détails exacts et tragiques de cette soirée. Des vauriens entre douze et quinze ans, par un soir d’orage. Bien plus tard, d’autres enfants, peut-être des frères, des sœurs, ou certains parents avaient lâchés de sombres rumeurs toutes plus ahurissantes les unes que les autres. Et pis la gamine, de toute façon, n’était pas très fute-fute et pis il y avait le bègue, çui-là était un rejeton de mauvaise famille ou trop gâté. Ou les deux à la fois.

Pour la première fois de sa vie, Bertrand s’était pris une trempe mémorable. Il n’était pas tout blanc, mais avait défendu son innocence. Ses parents lui firent porter le chapeau et la responsabilité des malheurs de sa cousine. Le lendemain, Jean-Luc quant à lui, avait commandé ses gâteaux préférés á sa grand-mère avant de partir pêcher avec son pépé. Il avait passé une journée mémorable, comme si rien ne s’était passé. Puis le gang s’était dissolu. Il n’aura fallu guère de temps après les événements. Cela se passa simplement dès lors que Betrand et Jean-Luc cessèrent de se parler et s’évitèrent. Les ados du gang avaient perdu leur insouciance de gamins, marqués par leur expérience réciproque. Il y a ceux qui ont gardé des cicatrices qui disparaissent ou s’estompent, et ceux dont les fêlures restent profondément enfouies, pour peut-être un jour ressurgir violemment.

Le cri

C’est tout petit, un réduit de pas plus de quatre ou cinq mètres-carré qui pue le renfermé et transpire la peur. Une lourde porte en fer empêche quiconque d’entrer ou sortir sans la clé. En face, il y a ce petit lavabo, dont le robinet ne ferme pas et qui goutte. Les plocs-plocs sont insupportables. Un tapis en mousse épaisse ainsi qu’une grosse couverture mitée lui sert de couchage. Elle trouve dans un coin de la pièce une boule de pain, un six-pack d’eau minérale, une gamelle pour chien et un sceau hygiénique. Emprisonnée comme un vulgaire animal. Elle a peur. Une migraine intense se réveille et elle a des nausées. Ses souvenirs sont flous. Elle se rappelle la sensation d’avoir été transbahutée, de la douleur ressentie, quand un objet métallique a percuté le haut de son crâne. Elle sait avoir été déposée sans délicatesse, tel un gros sac de patates sur ce matelas pourri. La lumière du jour filtre à travers une petite lucarne placée au-dessus du lavabo. Elle ne sait ni le jour ni l’heure, ne parvient pas à comprendre ce qui lui arrive. Accroupie dans un coin de la pièce, elle penche la tête en arrière et inspire profondément, les paupières lourdes. Une grosse ampoule est suspendue au plafond et l’éblouie. Machinalement elle cherche des yeux un interrupteur absent et remarque alors au plafond un point lumineux rouge. Elle comprend qu’il ne peut s’agir que d’une caméra, « Il m’observe, il a tout vu ». Elle gueule, « gros porc, montre-toi ! ». Le son de sa voix vient s’étouffer contre ce feutre cramoisi qui habille les parois de la pièce. Elle entend les toc-tocs haletants de son cœur. Elle n’arrive pas à oublier cette satanée migraine. Elle s’asperge le visage d’un peu d’eau du robinet, puis retire son débardeur et en profite pour faire un semblant de toilette. Ensuite elle se recroqueville sur la couverture, des larmes mêlées de peur et de rage coulent sur ses jolies joues.

Elle ne sait pas combien de temps elle a dormi. Elle se réveille brutalement, avec la douleur vive d’une piqure dans le deltoïde. Il est là, penchée sur elle, vêtu d’un jogging quelconque noir et d’un sweatshirt gris sale. Elle ne distingue pas son visage, au mieux des lèvres rouges et les poils d’une moustache. Il porte une cagoule et par-dessus un masque de snorkeling, dont les deux hublots ont été fumés et noircis à la flamme. Il respire lourdement par la bouche. Son masque le gêne clairement. Il tient dans sa main gauche une seringue. Peu à peu ses muscles se relâchent, le rythme cardiaque baisse, Sophie ne résiste pas. Plus de migraine, plus de douleurs, plus de peur, plus de pleurs. Elle est en apesanteur et flotte, inerte, entre la réalité féroce de l’instant et le sentiment de mourir. Cependant, Sophie s’accroche, elle veut vivre, elle est toujours vivante.

Il observe le coma psychédélique de la fille jusqu’au moment où il estime que la drogue à fait le job. Puis, doucement, il déplace le corps et l’allonge sur la couverture avant de glisser un sac de toile sur le visage de son hôte et de la dévêtir. L’homme prend son temps. Il retire son masque de plongé qui s’embue alors que de grosses gouttes de sueur grise remplissent les hublots. Il est consciencieux et précis dans ses gestes. Il observe cette peau blanche juvénile centimètre-carré par centimètre-carré, si bien que bientôt il connait l’emplacement de chaque grain de beauté et chaque petite imperfection et cicatrices anciennes. Les écorchures et égratignures de peau ne lui sont d’aucun secret. Combien de fois, gamin, il avait chuté de vélo ou glissé sur des cailloux, abimant les genoux. Il hume le cou de la jeune fille, se délecte de l’odeur âcre des aisselles avant de planter son visage en haut des cuisses. Ses doigts dessinent les contours de ses seins, naviguent sur ses hanches avant de glisser vulgairement vers le bas-ventre. Enfin, il la retourne, lui entrave les poignées derrière le dos. Alors, il s’allume une clope et tire longuement sur sa latte avant de retenir une demi-seconde sa respiration. Les orifices de ses narines expirent la fumée exaltée par volutes tourbillonnantes. Sa proie s’offre à lui, il ne contrôle plus ses pulsions, il effeuille la fleur du pêcher. Il a envie de gerber lorsqu’il se retire. Ça doit être la cigarette, elle est meilleur après, en général.

Ses joues se sont creusées. D’énormes ecchymoses tatouent ses bras et ses jambes. Elle a beaucoup maigri. Elle ne compte plus les jours, d’ailleurs, les a-t-elle jamais comptés? Et quand bien même elle aurait essayé, le poison qu’il lui injectait et la torture qu’elle a subi à rythme régulier jusque-là lui ont soustrait ses dernières forces. Elle aurait préféré mourir sous la guillotine, vite fait, bien fait, plutôt qu’à petit feu. Mais c’est l’autre qui la mériterait, si bien sûr elle n’avait pas été abolie. Parfois elle essaye de penser à avant, soulager son esprit en murmurant quelques comptines enfantines, celle que sa mère lui chantait sans-doute autrefois. Murmurer, car elle ne sait plus crier. A peine bouger ses lèvres, comme pour ne pas attirer l’attention de son tortionnaire, qu’elle imagine en train de l’observer, se branlant violemment, la bave aux lèvres.

Le grand incendie

Les rendements estivaux avaient été excellents et l’été avait joué les prolongations durant les mois d’automne. Bertrand et sa famille travaillaient avec gaité préparant l’hivernage. Il avait fait des études d’agronomie et avait toujours eu de l’ambition. Il était constamment à l’affut des techniques modernes et des progrès. Il s’était donc beaucoup endetté et venait récemment de faire l’acquisition de nouveaux engins. Bertrand maîtrisait les difficultés, mais il savait que les perspectives resteraient excellentes. Il n’était pas du genre à rester les bras croisés sans rien faire. Il voulait rester le digne représentant de ces pionniers agricoles qui nourrissent son pays. Il avait su rendre l’exploitation familiale très florissante. Il savait qu’on le jalousait, mais il était aussi devenu un fermier très respecté dans le voisinage.

Ce sont les aboiements des chiens qui réveillèrent d’abord Fabienne. Elle laissa son mari se tourner sous les draps en quittant la chambre. Quelque chose n’allait pas. Lorsqu’elle mit cette nuit-là le nez dehors, pour faire taire les chiens, une forte odeur de brûlé lui piquait les narines en même temps qu’elle pénétrait dans la maison. Mais déjà Bertrand rejoignait, paniqué, son épouse, il avait vu des flammes s’élever à l’horizon. Il courut dans tous les sens, il avait essayé de faire sortir des animaux épeurés, il pleurait déjà à l’idée de perdre ses nouveaux engins bien rangés et le vieux tracteur du père qu’il avait gardé comme une relique précieuse. Lorsque la vieille grange avait pris feu, l’armée de pompiers n’avait rien pu faire. Toute une vie de paysan respecté était partie en fumée, tout comme le bétail. Un incident banal de la campagne profonde. Comme souvent, on soupçonnait d’abord une défectuosité des installations électriques. Mais très vite les autorités relayées par la presse locale évoquèrent un incendie criminel.

Au début, « Mamie-Monique » ne s’était pas inquiétée. Elle avait bien compris que sa petite Sophie partirait un jour faire son « compagnonnage », mais surement pas sans lui laisser un mot gentil, une lettre ou mieux, un aurevoir en bonne et due forme. Cependant, elle fut vite prise d’un mauvais pressentiment. Aucune tentative pour contacter sa jeune et prometteuse employée n’aboutissait. Sans Sophie, elle n’arrivait plus à gérer son magasin et les clients fidèles le voyaient bien. Finis les articles de quincaillerie, les babioles insolites, les boites bien rangées et la bonne humeur qu’apportait Sophie. Le jour où la mère de Sophie, douloureusement, appela Monique, tout s’écroula définitivement. Un deuxième deuil, peut-être encore plus brutal que le premier, tant le lien tissé avait été fort. La veille, la PJ était venu au domicile des parents. On avait retrouvé leur fille. Des événements locaux avaient fait la une au journal de 20 heures. Dans la grange qui avait brûlé on y avait retrouvé les restes calcinés d’une jeune femme, ligotée, face contre terre, les genoux regroupés sous son ventre.

Epilogue

Au milieu d’un champs, pas très loin, un corps balançait, dans le souffle du vent froid d’automne, pendu sur la branche d’un vieux châtaignier. Les corneilles lui avaient bouffés les yeux et fait un festin de ses entrailles. Le visage bouffi, et les lèvres noires, Jean-Luc, ne dérangeait plus les anges.

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