CHAPITRE 1  L'INITIATION DE MISTRAL

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Dans la cité du Vent régnait une pleine effervescence. Le jour officiel du début de l'initiation du prince Mistral, héritier du roi Boréas, son père, déroulait ses heures majestueuses. Cette journée particulière comportait toujours des festivités, des réjouissances dans toute la ville. A chaque génération, un nouveau Souverain de l'Air devait se former, se familiariser avec toute la machinerie ancestrale, qui permettait à la cité de produire ses défenses. Le Royaume du Vent déplorait en effet des ennemis traditionnels, le Royaume de la Terre en premier lieu, qui ne manquerait pas de mettre à profit la moindre faiblesse du pays.

Il existait toute une aile du château surplombant la cité, qui restait ordinairement verrouillée, et demeurait interdite à tous, exceptés le roi et la reine. Dans cette partie du château se trouvait la technologie complexe, dont la manipulation se transmettait de père en fils. Elle produisait un bruit assourdissant, et une fascination dans l'esprit de la princesse Alizée. La jeune fille de 12 ans, heureuse de vivre, satisfaite de son statut privilégié, était affligée d'une curiosité la dévorant : l'aile interdite du château. Et voilà qu'elle apprenait que son frère allait pouvoir entrer là-bas, conduit par son père. Alizée se demandait : pourquoi Mistral peut il y aller, et pas moi ? La jeune fille se posait bien d'autres questions : par exemple pourquoi ses parents se disputaient ils parfois à propos de Mistral ? Ariel répétait que son fils était malade, qu'il fallait le ménager, retarder son initiation. Elle avait même une fois proposé qu'Alizée soit initiée à la place de son frère. Mais Boréas avait coupé court : seul Mistral recevrait l'héritage de la famille royale. Ainsi la cité avait procédé pendant des siècles, et cela ne lui avait pas mal réussi, puisque la ville restait toujours debout et prospère.

Alizée savait que l'initiation avait commencé. Les trompettes éclatantes avaient donné le signal du début de la cérémonie d'intronisation. Désormais toute la ville attendait que le roi sorte au balcon du château, pour annoncer que tout s'était bien passé, et montrer à la foule enthousiaste le futur Souverain de l'Air. La princesse gardait les yeux fixés sur les lourdes portes, qui s'étaient refermées sur son père et son frère. Elle essayait d'imaginer ce qui pouvait produire tout ce bruit. Avec impatience, elle attendait que Mistral sorte de l'initiation, afin de pouvoir l'interroger sur ce qu'il avait vu. Et la jeune fille continua de se demander : que possédait Mistral de si spécial, qu'il pouvait accompagner son père ? Etait ce un animal qui faisait tout ce bruit ? La princesse imagina qu'une énorme bête soufflait bruyamment, produisant le vent qui tournoyait dans les enceintes extérieures de la ville. Ou plutôt devait il y avoir plusieurs animaux, l'un relayant l'autre quand il devait dormir. Et le rôle de Mistral consistait à donner à manger aux bêtes, et de s'en occuper, de les soigner quand elles tombaient malades. Si c'était bien cela qui se passait derrière les lourdes portes, alors Alizée voulait absolument y aller : nul autre qu'elle ne savait ni n'aimait autant s'occuper des bêtes.

Enfin, le roi parut au grand balcon. La princesse le sut car la foule applaudissait, et lançait des cris de joie. Alizée se rendit dans la grande salle du château. Elle croisa sa mère Ariel, qui paraissait fort contrariée. La reine d'ordinaire si douce et souriante, la regarda cette fois-ci avec ce qui lui semblait être de la sévérité. Ariel ne dit rien, et partit dans la direction opposée à la sienne. La jeune fille la regarda s'éloigner. Encore un mystère, et une nouvelle question, à laquelle elle essaierait de répondre, mais pas tout de suite. Pour l'instant, il lui fallait voir Mistral. Il se tenait dans l'entrée de la salle, l'air tranquille. Alizée s'approcha de lui, en s'efforçant de cacher son excitation, mais n'y parvenant qu'à moitié. Elle attendit qu'il prenne la parole, mais son frère n'était visiblement pas pressé de parler. Il sentait sa sœur impatiente, et voulait savourer son avantage. Elle ne put tenir :

- Alors, qu'est ce que tu as vu, là-bas ? demanda t'elle.

- Papa m'a fait jurer de ne le dire à personne.

- Oui, tu ne peux le dire en dehors de la famille, mais moi je suis ta sœur.

- En fait, je ne l'ai pas bien vu, il faisait sombre.

Son frère semblait ravi de se faire désirer. Alizée sentait qu'il profitait de la situation, et ne voulait pas plus longtemps lui faire le plaisir de quémander des informations. Elle tourna brusquement les talons, afin de dissimuler son agacement qui allait croissant.

Le soir venu, le diner royal fut particulièrement sombre. Il se tenait ordinairement à 20 heures, réunissant les quatre membres de la famille royale, à l'exclusion de tout autre convive. D'ordinaire on discutait beaucoup, souvent joyeusement. C'était le moment des deux enfants, on les laissait s'exprimer, raconter leurs impressions, les moments importants de leur journée. Le roi, et surtout la reine, en profitaient pour étudier leur personnalité. Ariel avait institué cette règle : laisser parler le prince et la princesse. Le roi avait trouvé l'idée charmante, tout en ne saisissant pas complètement les intentions de la reine. Celle-ci attachait une importance toute particulière à l'éducation de ses enfants, et elle considérait que pour bien les éduquer, elle devait d'abord suffisamment cerner leur personnalité.

Boréas, le Roi du Vent, n'avait pas jusqu'ici réalisé de coup d'éclat au cours de son règne. Il n'était pas un conquérant, il avait simplement réussi à gérer quelques escarmouches avec le remuant voisin : le Royaume de la Terre. Du côté de la technologie qui permettait à la cité d'être protégée, il n'avait apporté aucune innovation : il se contentait de maintenir en l'état l'énorme machinerie mise en place par ses prédécesseurs. Et dans le domaine législatif, il n'avait pas non plus apposé une marque personnelle dont on se souviendrait. Le seul véritable point à mettre à son crédit était le traité de paix, qu'il avait signé avec le Souverain de la Terre, mettant fin à une longue période de désaccords frontaliers. Il s'était montré assez habile sur le terrain diplomatique, même s'il avait été bien soutenu par la reine, oeuvrant en coulisses. Mais par le passé, le Royaume de la Terre, traditionnellement belliqueux, n'avait pas hésité à rompre les traités qu'il avait pu contracter, la cité du Vent n'était donc pas complétement à l'abri de son bouillant voisin.

Le roi ne desserrait pas les dents. Alizée, qui connaissait son père, savait qu'il aurait du normalement discuter et plaisanter avec Mistral, après la cérémonie d'initiation. Il ne le faisait pourtant pas, cela signifiait que les choses ne s'étaient pas bien passées là-bas. Son frère avait il raté son initiation ? Peut être même avait il commis une grosse bêtise, ce qui expliquerait qu'il n'ait pas voulu lui parler du sujet quelques heures plus tôt. La reine ne cherchait pas pas non plus à détendre l'ambiance. La princesse se prit à espérer : puisque, peut être, Mistral ne donnait pas entière satisfaction, on ferait appel à elle pour s'occuper de l'aile interdite du château. Alizée pouvait entendre le bruit des gens qui festoyaient, un peu partout dans la cité. Au moins certains s'amusaient ils. Elle avait remarqué que ses parents, en public, étaient restés très joyeux, mais dès que les portes de la salle à manger royale s'étaient refermées, une chappe de plomb les avait recouverts.

Seul Mistral restait fidèle à lui-même, il mangeait avec entrain, ne paraissant pas avoir perçu le silence inhabituel, régnant autour de la table, ni les mines sombres de ses parents. Alizée n'aimait pas cette atmosphère morose, mais n'osait pas ouvrir la bouche. La princesse sentait son père tendu : en brisant le silence, elle risquait de l'irriter. Alizée avait déjà vu le roi en colère une ou deux fois par le passé, et n'avait pas trouvé ça plaisant, en avait même été effrayée. Et puis elle ne devait pas l'énerver, alors que, peut être, il hésitait entre Mistral et elle pour poursuivre l'initiation aux secrets de la cité. Le repas ne vit donc aucune discussion s'engager.

Quand elle entra dans son lit, peu après, sa mère vint l'embrasser. Alizée la regarda d'un air interrogatif, et la reine lui sourit, ce qui déclencha immédiatement en retour le sourire de la princesse. Elle avait cru sa mère fâchée contre elle, pour une mystérieuse raison, mais manifestement il n'en était rien. Ariel la regarda quelques secondes comme pour la jauger. Elle semblait prête à lui parler, puis finalement elle partit en lui disant simplement bonsoir.

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