Misan et Philan, Partie 1

6 minutes de lecture

 J'attendais assis dans ce bar merveilleux, rempli de l'allègre clameur de toutes ces personnes, qui comme moi, aiment faire profiter leur joie à ceux qui les entourent ; mon homologue arrivait enfin.

 Je me faufilais au milieu de ses grands échalas, fronçant le nez de dégoût face à leurs effluves de bière et de transpiration. Pourquoi fallait-il qu'il m'ait donné rendez-vous dans cet endroit surpeuplé ?! Je tendais désespérément le cou. Il m'avait dit grand, brun, yeux verts, légère barbe et T-shirt ACDC. Ça y est, il était repéré.

 Après m'être levé de ma chaise, je faisais de grands signes avec les bras, tout en appelant celle que je devais rencontrer. Cette dernière semblait m'avoir repéré. Sa tenue était à l'image de celles que l'on pourrait porter à un enterrement. Enfin, surtout question couleurs, qui s'accordent harmonieusement au morne ou à la tristesse. Quel dommage ! Avec un tel visage, elle devrait se mettre en valeur. Je suis certain que cela lui permettrait de sourire à la vie et aux personnes qu'elle croise !

Je levai les yeux au ciel en voyant ses grands gestes. Pour la discrétion on repassera. Je me contentai d'un vague signe de main pour signaler que je l'avais repéré et le rejoignis a sa table.

 " Salut ! Annonçai-je en lâchant mon sac à main à côté de la chaise sur laquelle je me laissai tomber. Tu pouvais pas choisir moins peuplé pour se parler?!

- Bonjour ! Répondis-je calmement. Quelle fureur, je ne pensais pas que cela pouvait incommoder, enfin pas à ce point. J'aime bien venir ici, j'aime bien croiser les regards un peu perdus de toutes ces âmes. Il y a tellement à apprendre des autres. Tu préfères que nous partions ?

- Oui, j'aimerais mieux. Impossible de me sentir en sécurité au milieu d'une telle foule. De toutes façons c'est simple : je me suis pris trois mains aux fesses rien qu'en traversant cette salle. Je hais les humains.

- Je peux m'adapter, pas de problème. Certains ont des attitudes un peu déplacées, mais il faut se rappeler qu'ils sont comme toi et moi : faillibles. Où voudrais-tu te rendre dans ce cas ?

- N'importe où pour peu qu'il n'y ait personne.

- Il y a une parcelle boisée, non loin d'ici. Nous croiserons sûrement quelques marcheurs. Mais cela devrait aller. Ou préfères-tu qu'il n'y ait absolument personne ?

- Ça ira bien, merci."

 Nous quittions nos places assises, puis nous dirigions vers la sortie.  

 Je le suivais dans la foule avec cette impression d'étouffer.

 Elle marchait derrière moi, sans rien dire, aussi restais-je silencieux, respectant son mutisme sûrement dû au trop grand nombre d'humains autour de nous. Après avoir traversé une dernière rue, nous arrivions face aux grilles de la forêt entourée par la vie citadine. Nous croisions les premiers arbres.

 " Tu as toujours autant détester les autres ? Ou est-ce dû à une raison particulière ?

J'éclatai de rire face à cette question :

- Déjà je ne déteste pas les autres, je ne leur témoigne juste aucune confiance. Les humains sont par essence égoïstes, manipulateurs, fourbes. Je n'ai aucune confiance en eux.

- Mais, as-tu vécu de sales événements pour arriver à ne plus avoir aucune confiance envers l'Autre ? Y a-t-il des choses que tu ne peux pas pardonner ?

- Pfff la liste est longue ! Et je suis pas sûre que tu aies envie de savoir. L'expérience m'a montré que personne n'est fiable de toutes façons. Ceux qui font semblant d'être gentils c'est pour mieux te poignarder dans le dos.

- J'ai tout mon temps, tu sais. Être sympathique c'est être vulnérable, je peux comprendre ça. Peut-être préfères-tu te sentir intouchable alors ? Mais dans ce cas-là, quelle sensation te reste-il à éprouver lorsque cette dernière pourrait parvenir de l'extérieur ?

- Je ne comprends pas de quoi tu parles en fait...

- J'ai l'impression que tu es renfermée sur toi-même. Je n'en connais pas la raison, et je ne compte clairement pas te juger en conséquence... Mais, à vouloir éloigner les autres de soi, cela ne revient-il pas à s'exclure soi-même... Mais pas seulement de la marée humaine qui nous entoure, mais de la vie, tout court ?

- Ma vie me convient bien ainsi. Quel besoin de me noyer dans cette marée humaine comme tu dis? Je ne suis pas un mouton, je n'en serais jamais un. Je préfère garder mon indépendance, ma liberté de penser. Je vois le monde comme il est : avec toutes ses horreurs et ses crasses. Je n'ai aucune envie d'en faire partie. Comment tu fais pour supporter tout ça toi? Je veux dire, tu n'as donc jamais souffert de la nature humaine ?

- Je n'ai pas eu une vie toute rose, non. Mais je ne peux pas condamner l'humanité entière pour ce qu'une poignée d'âmes égarées m'a fait subir. Parfois, il faut savoir pardonner avant même d'avoir subi quoi que ce soit. Peu de personnes voient les relations humaines comme l'adage autour du maintien du bon état d'un lieu : Merci de laisser cet endroit dans l'état dans lequel vous souhaiteriez le trouver.

- Tu nous prends pour des chiottes? On est sur la même longueur d'onde finalement ;)

- J'étais obligé de passer par cette métaphore, même si parfois certains ne valent pas mieux le siphon d'un cabinet, il faut tout de même oser nettoyer la crasse sociale ou essayer de faire aller mieux ce monde... Si tout le monde tira le corde de son côté sans jamais penser à autrui, l'humanité risque de sombrer dans un abîme sans fin et sans fond.

- Du coup, comme pour les chiottes j'aime pas qu'on me chie dans les bottes. En fait, pour le bien faudrait une bonne éradication de masse. Ça résoudrait bien des problèmes : pauvreté, pollution...

- J'aime comme tu essaies de te raccrocher aux branches. Comme si l'inspiration compensait les atrocités. C'est bien tenté mais ça ne prend pas. Je vois mal en quoi ça me rendrait confiance en l'humanité... Elle n'a de toute façon pas besoin de moi pour se faire la guerre...

- Tu as raison, ni toi ni moi ne sommes le centre de ce monde, et seuls, nous ne pourrons sûrement rien faire pour le modifier. Mais l'humanité est une boule de neige, si tôt que l'on la projette dans une descente, elle se transforme rapidement en avalanche. N'as tu jamais rencontré d'autres dissidents, qui comme toi, exècrent leurs semblables, mais ne désirent pas moins recevoir à leurs égards des attentions positives, motivantes et inspirantes ? As-tu seulement perdu foi en l'autre, ou alors penses-tu que toi aussi, tu es perdue ?

- Ai-je jamais été trouvée ? On ne m'a pointé que mes différences et mes fragilités. Au moins je peux être fière : je ne dois qu'à moi ce que je suis. Une femme intelligente et forte.

- Tu as raison de ne pas t'être laissée abattre par la fatalité. Il est dit qu'une rose sort souvent d'un tas de purin. Cependant, cela entend qu'elle s'en nourrit. Elle puise sa force dans l'adversité ; en se basant là-dessus, ne dois-tu rien, toi qui déteste ce qui t'entoure, un peu de ton prestige à cette foule houleuse, que tu hais tant ? Le cas échéant, penses-tu que tu te dois, de seulement haïr ceux dont tu t'es nourrie ?

- Je te le dis encore. Je ne pense pas les haïr. Mépriser serait plus juste. Un tas de moutons crétins et égoïstes qui suivent bêtement les règles imposées par les dirigeants et oeuvrent pour leur confort personnel uniquement.

- Je crois que nous sommes actuellement comme les ânes de la fable, nous essayons de tracter l'autre à l'opposé de sa direction. Peut-être devrions-nous essayer de nous comprendre, en adaptant le point de vue de l'autre, afin de mieux approcher ce problème. Qu'en penses-tu Misan ?

- Je suis toute ouïe...

- Très bien, ici personne ne nous verra, nous pouvons laisser nos personnalités laisser s'exprimer..."

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire EruxulSin ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0