Chapitre 5: la demeure
Traverser le mur de verre ne glaçait pas les entrailles comme l'avait fait le portail lumineux. En fait, je fus surprise de ne rien ressentir du tout. Comme si la paroi n'avait jamais existé. Je pris alors conscience que mon cristal s'était mis à luire lorsque je m'étais approchée du mur pour le toucher. J'avais du mal à assimiler toutes ces choses mystérieuses qui m'arrivaient depuis que j'étais ici. Ma raison me hurlait que c'était impossible et pourtant je ne pouvais nier ce que je voyais et vivais.
Une fois dehors, j'inspirai profondément l'air pour la première fois. Il se dégageait de la clairière une odeur fraîche et boisée. Ça sentait tellement bon, tellement. Je me sentais nostalgique, était-ce la Terre qui me manquait ? N° 4, à mes côtés, riait en tournant sur elle même. Elle ressemblait à une enfant à cet instant. Cela me fit sourire. Derrière nous, Yeux de Saphir essayait de repasser à travers le mur, sans succès. Je m'approchai de lui.
— Bizarre n'est-ce pas ?
— Un peu oui ! Ça défie les lois de la physique. Et j'ignore comment le vieux a disparu.
Le vieux ? Il devait sans doute parler de maître Alvan. Je ne pus m'empêcher de sourire.
— Je me demande si ce n'était pas une sorte d'hologramme. Cela pourrait expliquer qu'il ait apparu et disparu aussi soudainement.
Je n'osai pas lui poser la question, celle qui me triturait tant le cerveau.
— Euh, je ne sais pas si tu as remarqué mais je…
Je n'eus pas le temps de terminer ma phrase car Majah vint nous rejoindre.
— Ah vous voilà ! J'espère que Maître Alvan a pu vous éclairer sur la situation. Il est temps de vous montrer votre demeure en attendant la première épreuve. Un autre groupe vous y attend. Allons-y.
Nous la suivîmes vers un chemin que je n'avais pas encore remarqué, entre les arbres. Le sol était pavé de pierres dans les tons orangés. Quelque chose paraissait étrange, mais je n'arrivais pas à déterminer quoi. Au bout de quelques minutes de marche, les arbres s’écartèrent pour laisser apparaitre quelques maisons de pierre et de bois ainsi qu'une pyramide de mousse verte plus loin qui dominait tout le village. Personne n'osait parler. Seuls nos pas résonnaient sur le sol et je pus alors mettre le doigt sur ce qui clochait dans cette nature luxuriante : je n'avais pas croisé un seul animal ni un seul oiseau. Une forêt ne pouvait pas être vivante sans êtres qui l'habitait. Pourtant, je ne ressentais rien de négatif ici. Encore une question à rajouter aux autres. Majah s'arrêta devant une maison : relativement grande et massive, la pierre gris-clair bien entretenue et un toit entièrement végétalisé.
— C'est ici que je vous laisse. Vous cohabiterez avec un autre groupe de six qui attend son tour pour passer l'épreuve.
— Mais je croyais que nous seuls étions des élus ? grogna môssieur hautain n°3, déçu sans aucun doute de ne pas être unique.
— Comme le dit le dicton : beaucoup d'appelés mais peu d'élus… répondit Majah tranquillement. Il vous faut comprendre qu'il va falloir vous battre pour réussir et que c'est loin d'être évident. Surtout depuis que les choses ont changé…
— Comment ça, les choses ont changé ? J'avais crié cette question en choeur avec Yeux de Saphir.
Je lui lançais un petit coup d'oeil gêné. Majah grimaça légèrement avant de se reprendre mais je l'avais vu, elle avait gaffé ! Yeux de Saphir l'avait lui aussi remarqué car il fronçait les sourcils.
— Rien de très important. Vous pouvez entrer rencontrer vos concurrents, vous demeurerez ensemble quelques temps probablement. Ils vous feront visiter. Je suis désolée, je dois partir maintenant. Ce fut un plaisir de vous avoir connu. Nous comptons sur vous. Au revoir et bonne chance !
Elle repartit vers la forêt d'un pas rapide, nous laissant isolés à nouveau. N° 2, la belle brune s'approcha de la porte en bois.
— Bon ben autant rentrer, on ne va pas rester plantés là non ?
Elle tourna la poignée dorée, ouvrit la porte et s'y engouffra. Pour ne pas la laisser seule, nous étions une équipe maintenant, nous y entrâmes à notre tour. Je fus stupéfaite de ce que je découvris.
L'intérieur ne reflétait pas l'apparence extérieure, simple, de la maison. Une immense pièce sans cloisons. Tout y était très coloré, vif. Des plantes et des fleurs grimpaient sur les murs et le grand escalier. On se serait cru encore en forêt. Dans un coin, un bassin était creusé dans le sol, une fontaine le surmontait. Je restais sans voix.
— Ouah mais c'est chouette ici ! J'adore ! s'enthousiasma l'expressive rouquine n°4 qui, déjà, se précipitait en touchant à tout.
— Et les lits seront à même le sol et faits de paille ? gémit n°3, C'est quoi cet endroit ? C'est nul !
— N°3, arrête donc un peu de râler, ne pus-je m'empêcher de souffler en me demandant pour quelles raisons ils l'avaient choisi, allons visiter le reste, l'autre groupe est peut -être à l'étage.
Ils acquiescèrent. N°4, occupée à détailler une plante à la fenêtre, nous rejoignit en courant.
L'escalier donnait sur un long couloir longé de portes blanches. Certaines ouvraient sur des chambres, d'autres sur de vastes salles de bain mais nulles traces de leurs occupants. Apparemment, ils n'étaient pas restés à attendre tranquillement l'épreuve. Pourtant, j'entendais quelque chose, comme une mélopée très légère et étouffée. N° 2, la téméraire, tourna la poignée de la dernière pièce au fond du couloir et poussa la porte. Encore une chambre. Moins lumineuse que les précédentes : seul un rayon de lumière filtrait par une petite ouverture à même le mur.
En plissant mes yeux, habitués à la clarté du jour, je parvenais à distinguer un lit, une petite commode et un rocking chair dirigé vers le mur… Celui-ci était occupé par quelqu'un qui se balançait d'avant en arrière en chantonnant.
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