La dernière rencontre

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La jeune Eléanor attendait son frère, elle était tremblante. Elle savait que ce serait peut-être la dernière fois qu'ils seraient tous ensemble. Elle devait prendre le bateau demain. Toutes les économies de la famille y avaient passé. Le but était de lui offrir à elle et à son frère une nouvelle vie en Amérique.

Ils allaient donc embarquer à bord d'un grand paquebot.

Son père lui donnait des conseils de dernières minutes.

- N'oublie pas d'où tu viens ! Pense à ta famille, qui est restée au pays. Quand à toi, mon garçon, fais attention à ta soeur. Je te la confie, je ne serai plus là pour vous aider. Vous allez devoir vous serrer les coudes. N'oubliez pas, les liens du sang sont plus forts que tout !

Leur mère était en larmes à ses côtés, il était difficile de voir ses deux derniers enfants quitter la famille.

Les deux aînés étaient partis plus de deux ans avant pour trouver du travail. Le troisième, celui du milieu, hériterait de la terre et de la maison. L'un travaillait comme valet aux Etats-Unis et l'autre était domestique dans une riche famille.

Mais elle savait que dans leur pays, en Irlande, être catholique à Belfast pouvait être dangereux. Les escarmouches entre les loyalistes et les indépendantistes étaient très nombreux.

En plus, trouver du travail devenait un exploit. Son fils tenta de la rassurer :

- Maman, ne t'inquiète pas ! Tout va bien se passer ! Je veillerai sur elle, elle trouvera un bon travail. Connor et Lyana nous attendent. Je suis sûr qu'ils auront toutes les adresses à nous donner.

Sa fille la serra fortement contre elle, il n'y aurait plus personne pour l'aider en cuisine. Elle n'aurait plus que son mari, mais lui-même travaillait tard alors comment pouvait-elle ne pas regretter leur départ ? C'était sa petite fille... Et son garçon si parfait... Il trouverait une belle irlandaise et il lui ferait des petits-enfants... Mais est-ce qu'elle arriverait à les voir ?

Elle n'était pas sûre qu'ils arrivent à économiser pour les rejoindre. En plus,ici, c'était son pays.

Comme si elle avait lu dans ses pensées, sa fille, lui dit;

- Mais maman, tu pourras certainement nous rejoindre dans quelque temps ?

- Tu parles, les prix augmentent... Ahhh les charognes grommela son père mécontent.

Sales voleurs ! Tout l'argent que l'on se fait sur notre dos ! Et puis, qui va s'occuper de la maison ?Du champ de patates ? Des courgettes ? Il faut les récolter. Ton frère ne peut pas faire cela tout seul. Il n'a pas encore les bons gestes. Il faut le marier et s'assurer qu'il ne fasse pas trop de bêtises.

- Tu sais, chérie, ma vie ici. L'Irlande est dans mon sang, mes parents sont ici... leurs parents aussi. Je ne connais rien d'autre. Je serai enterrée ici.

- Maman, ne parle pas comme cela ! Tu es encore jeune s'écria son fils. L'Amérique sera notre deuxième patrie. Il y a une telle communauté irlandaise que l'on ne sera pas dépaysé. Ce sera comme au pays. Il y a des pubs, des cornemuses et des flûtes. On parle toujours gaélique.

Le père pour terminer la discussion, se leva et aller dans le petit cellier chercher une bouteille de whisky. Il versa un verre à chacun. Sa femme sortit alors quelques gâteaux qu'elle avait préparé pour l'occasion. Ils mangeaient doucement, conscients que l'événement était de taille.

Ils parlaient des derniers potins du village. Eleanor et son frère n'étaient pas les seuls à quitter leur village. D'autres partaient aussi ,mais beaucoup d'entre eux prenaient le paquebot suivant.

Ils se couchèrent tard cette nuit-là, bien repu et légèrement enivrés de tout le whisky qu'ils avaient ingurgités.

Le lendemain matin, ils partirent tôt afin d'arriver à l'heure. Arrivée à Queenstown, la famille se dirige vers le port.

L'un des membres d'équipage pointait les passagers en vérifiant les billets. Les pauvres paysans n'allaient pas se mélanger aux plus Grands de ce monde.

Il vérifiait également qu'aucun passager clandestin n'embarquait. Le capitaine était sur le pont, il faisait de grands gestes à la foule.

Les deux enfants serrèrent leurs parents une dernière fois dans les bras, en leur faisant la bise et en leur promettant de donner des nouvelles.

Ils montèrent à bord du Titanic.

FIN

Leurs parents n'auront plus jamais l'occasion de les voir. Ils étaient membres de la 3e classe, ils sont morts dans le paquebot.

Quand la nouvelle parvint aux oreilles de la famille, leur mère s'évanouit de douleur.

Leur père se lamenta, hurlant aux charognards et accusant les Anglais d'avoir tué ses enfants...

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