Quelques jours auparavant, Emilie et moi avions raccompagné Justine chez elle. Nous avions cherché parmi ses affaires l'adresse et s'y étions rendus. Nous l'avions déposé dans son appartement et laissé là, toujours évanouie. Emilie voulut appeler la police mais je lui en avait dissuadé par crainte qu'il découvre mon secret. Et puis après tout, elle était en sécurité et ne se rappellerait sûrement pas sa mésaventure ou alors elle penserait que ce n'était qu'un cauchemar. Nous nous étions donc contentés de la ramener chez elle et étions repartis sans faire de bruit, rentrant chacun de son côté. 

Justine se réveilla en sursaut, jeta un regard effrayé autour d'elle et se calma lorsqu'elle se rendit compte qu'elle était chez elle, allongée dans le canapé. Aurait-elle fait un mauvais rêve ? Pourtant il lui aurait semblé que c'était bien réel. Elle se leva et alla dans la cuisine prendre un cachet pour la tête, elle en avait grand besoin.

Justine était une jeune et jolie femme, toujours coiffée au carré avec les cheveux qui lui tombaient sur les épaules sauf quand elle les attachait en queue de cheval. Elle avait le teint hâlé du fait qu'elle était toujours dehors, à profiter de ses amis, du soleil et ses yeux d'un vert émeraude pouvait vous transpercer jusqu'au plus profond de votre âme, la mettant complètement à nu.

Il n'y avait rien chez elle qu'elle détestait à part ses rondeurs qui faisaient pourtant son charme d'après Alain. Ce dernier avait eu beau essayer de l'en convaincre, rien à faire, elle persistait à se sentir laide alors qu'elle était tout à fait charmante, drôle et pleine de qualité. Son côté pessimiste lui avait valu de se retrouver seule pendant de nombreuses Saint Valentin, tandis que la plupart de ses camarades avaient déjà tous et toutes un petit ami.

Et c'était dans un de ses moments de dépression qu'elle s'était retrouvée à errer dans les rues froides et humides, éclairées par endroits par de vieux lampadaires et qu'elle avait fait cette malheureuse rencontre jusqu'à ce que j'intervienne, son cauchemar comme elle le croyait.

Elle prit donc son cachet et retourna s'asseoir dans le canapé. Elle passa ses mains dans ses cheveux en bataille, se gratta vigoureusement la tête comme pour chasser quelques puces invisibles puis bailla à s'en décrocher la mâchoire. Elle resta ainsi, perdue dans ses pensées, à essayer de rassembler quelques bribes de souvenir mais rien n'y faisait.

Elle décida alors d'appeler son amie Emilie mais cette dernière ne décrocha pas. Peut-être son portable était-il sous silencieux ou que la batterie était vide. Quoi qu'il en soit, personne ne répondait et Justine dut se résigner à raccrocher. Elle rallongea et resta là, pensive, à admirer le blanc du plafond.

Je la rappelai quelques jours plus tard, sur les conseils d'Emilie qui voulait lui faire part, malgré ma réticence, de notre secret. Nous prenions le risque de perdre une amie chère mais elle était plus que déterminée à lui dire la vérité, ce que nous allions faire  bien évidemment.