Chapitre I. Le grand Frère

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A.R

La Courneuve ( 93)

trois ans plus tard

  • Putain Wesley, tu fais chier à me fliquer. Tu sais bien que je ne supporte pas que tu joues au grand frère. C’est bon je n’ai plus quinze ans. Contente toi d’être mon meilleur pote.

– T’énerve pas Marcia, c’est juste qu’il te lâchait pas du regard depuis qu’on est entré dans le bar et je trouvais qu’il avait l’air louche.

– T’inquiète. Je les repère à cent lieues les gros balourds et je peux te dire que celui-ci ne sera pas à épingler sur mon tableau de chasse.

– Ouais, en attendant tu devrais un peu te calmer sur le whisky coca, je te rappelle que dans deux jours, tu passes ton test d’endurance.

– Je serai prête, demain je me mets clean. Là, ce soir j’ai envie de profiter de la vie.

– Pour faire une connerie ?

– Va savoir, tu veux en être ?

– Laisse tomber, tes plans culs, ça me gonfle. Allez, moi je me barre. J’ai dit à ma mère que je serai rentré pour garder les petites, avant qu’elle prenne son service.

– Attends, ne déconne pas. Ne me plante pas, pas ce soir.

– C’est toi qui vois. Je dois y aller. Ma mère compte sur moi, hors de question de la décevoir. Elle en bave déjà bien assez.

– Bon t’a gagné, je rentre aussi. À la condition que je puisse squatter ton canapé cette nuit. Pas le goût de rentrer chez mon père. Il va me prendre la tête et me persuader que ce que je vais faire et la plus belle des conneries.

– Si tu lui avais expliquer clairement peut-être qu’au contraire, il serait fier de toi.

– Bon allez chope ton blouson, on se casse. Ras-le-bol de ce bar de toute façon, il est tout sauf sympa. Je préfère quand on va zoner au café de Jules au moins, il est ouvert à tous, pas de couleurs, pas de haine, pas d’homophobie juste des gars et des nanas qu’ils peuvent partager un moment sympa. Ici ça pue le fric.

– Eh bien, je les plains tes futurs collègues, tu n’as pas fini de leur en faire baver.

– Peut-être que je ferai appel à toi, le futur médecin pour soigner mes blessures.

– Tu devras un peu patienter, je viens juste d’être de finir ma première année.

Wesley savait que sous ses airs de Madone de la nuit, Marcia était et resterait la femme qu’il admirerait le plus dans ce monde avec sa mère. Depuis que la jeune femme avait posé ses valises à Paris un matin d’hiver, leur vie était à jamais liée. Il habitait avec sa mère et ses deux petites sœurs au rez-de-chaussée de la barre Balzac voisine de la tour de son père dans la cité des 4000 de la Courneuve Seine Saint Denis. Grande pour ses quinze ans, la Guyanaise n’était pas passée inaperçue dans le quartier. Elle attirait tous les regards. Quand elle sortait, elle se tenait derrière son père qu’elle suivait silencieusement. Ce qui avait marqué Wesley dès qu’il avait croisé son regard c’était la tristesse qui s’en dégageait. Rapidement, les deux adolescents avaient sympathisé. L’athlétisme les avaient rapprochés. La piste était devenue leur terrain d’évasion, chacun cherchant dans cette espace de liberté un nouvel élan. Au lycée, une année les séparait, elle entrait en seconde. Pourtant, ils étaient toujours fourrés ensemble. Leur complicité se noua au fil des jours. Elle avait pris l’habitude de venir se réfugier dans le minuscule appartement que le jeune homme partageait avec sa famille. Ce soir encore, elle allait trouver un asile dans lequel elle se sentait libre et en sécurité.

Marcia marchait silencieuse, elle guettait le moindre geste de son ami. Elle n’espérait qu’une chose qu’il la prenne dans ses bras comme il le faisait depuis plus de trois ans dès qu’elle en ressentait un besoin viscéral. Wesley était le seul qui la comprenait et qui l’acceptait tel qu’elle était. Elle avait conscience que souvent cela ne devait pas être simple pour ce garçon qui en bavait aussi. Son père avait disparu à la naissance de sa sœur Apolline, parti bien trop tôt aux pays des anges, comme il aimait à raconter à la petite dernière. Sa mère se tuait à la tâche pour qu’ils ne manquent de rien. Marcia admirait ce petit bout de femme qui avait un sourire tatoué sur les lèvres et qui l’accueillait toujours en son foyer sans rien attendre en retour. Ce n’était pas facile, d’être veuve dans un quartier aussi sombre, pourtant elle était respectée.

L’un après l’autre hésitèrent avant qu’un son n’échappe de leur bouche, un souffle suspendu dans les airs. Elle attrapa son bras, et commença :

– Wesley, tu penses que mon père à raison je fais une connerie.

– Non, je pense juste que comme d’habitude, il parle sans réfléchir. C’est ton choix et tu l’as murement réfléchi.

– Et si ce n’est que par esprit de vengeance que je le faisais ?

– Vouloir protéger les gens des fous, c’est tout sauf de la vengeance.

– Peut-être que j’aurai dû faire médecine. Cela serait une meilleure façon de sauver quelqu’un.

– Arrête de te poser des questions, tu seras la meilleure comme tu l’as été jusqu’à maintenant.

– J’espère que ce combat ne sera pas vain.

– Il sera une lutte de chaque jour, tu vas en baver, tu vas surement découvrir que rien ne sera simple. Mais tu permettras que la justice soit faite pour tous.

– Wesley, si je me casse la gueule, tu seras toujours là pour me ramasser.

– Je ne peux rien te promettre, mais mon cœur saura toujours où tu seras.

– Arrête d’être aussi romantique, tu vas me faire chialer et tu sais que j’ai horreur de ça et qu’ensuite je vais être obliger d’aller taper dans un sac.

– Allez, c’est bon…

Pas le temps de terminer sa phrase que son pouls s’accéléra, des gyrophares enflammés le parking jouxtant la tour. Marcia était déjà entrain de courir, il essayait de la suivre tant bien que mal, elle l’avait toujours battu au sprint. Quand il arriva à hauteur des voitures de polices qui avaient quadrillé le secteur pour éviter que les curieux n’essaient d’entrer sur les lieux, Marcia ne quittait pas l’inspecteur des yeux. Il s’affairait autour d’un corps allongé sur l’asphalte. Ce n’était pas la première fois que cela arrivait, un règlement de compte de plus au milieu des bandes rivales du quartier. À la différence, ce soir, le jeune qui gisait sur le sol n’était autre qu’un de leur meilleur ami Paolo. Un de la petite bande qu’il composait et qui était clean. Pourquoi se retrouvait-il là sans vie ?

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