Chapitre 3 : Enquêtes parallèles
« Un garde du corps ? Mais pourquoi faire ?
- Parce que votre tête est mise à prix !
- Alors quelle raison avez-vous à me protéger ? »
Ardolon fut pris de court par la répartie du vieillard. Il devait soigneusement choisir ses mots pour parvenir à le convaincre. Dans un soupir, il parcoura le petit salon des yeux : des livres étaient ouverts un peu partout et des schémas éparses semblaient abandonnés. Plusieurs cadres mettaient en valeur des fleurs sauvages et un tableau était même fait de végétaux... Non, c'était plutôt comme un jardin mural !
« Vous savez que ce n'est pas l'éthique qui m'amène ici. J'ai peine à croire que vous puissiez valoir autant... Mais si c'est le cas, vous devez cacher quelque chose de grande valeur.
- Oh, répondit le vieil homme avant une toux étranglée, alors tu viens pour un trésor ? Ou pour comprendre ? »
De toute évidence, il n'avait que peu de ressources mais l'intensité sous son regard trahissait un intérêt tout particulier pour son invité. Quoi que ce soit, le vieux avait l'assurance des plus riches employeurs qu'Ardolon avait connus. Mais peu importe la valeur de cet héritage, le rito était un rapace : il voulait tout.
« Vous me donnerez les deux, ordonna Ardolon. Si mes honoraires sont trop élevés pour vous, je ne manquerai pas de...
- Très bien, coupa le vieil homme.
- Que... Comment ?
- Je vous donnerai les deux. Mon trésor, et... Tout ce qu'il y a à comprendre. Si je survis assez longtemps tout du moins, il paraît que ma tête est mise à prix ! »
Le mercenaire fronça les sourcils : venait-il de se faire rouler par un vieillard, fauché et qui lui riait au nez ? Ou se méprenait-il sur sa toux et sa mine malade et usée ? D'ailleurs pour un ancien si près de la tombe, la fortune qu'il rapporterait paraissait...
« Je m'appelle Faustinoos, et te prie de faire comme chez toi. Nous allons passer quelques temps ensemble, semble-t-il. »
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« À vous qui lisez ces lignes, sachez qu'elles signent mon bon vouloir.
Pour obtenir la prime due, vous devrez exécuter mes consignes :
Rendez-vous deux cents pas au sud, où la solidago répand sa gloire,
Et pour me retrouver sur la colline, fouillez le sens que révèlent mes signes.
- C'est bon, t'as bien dû répéter ce message débile une centaine de fois !
- Oh parce que tu as la solution maintenant ?
- Non mais à force de le répéter, peut-être bien qu'un autre le comprendra avant nous !
- Ah ! C'est sûr qu'avec toi, ce serait pas étonnant...
- Qu'est-ce que tu insinues ? ! »
Cela faisait déjà cinq jours que les deux ritos foulaient tous les parterres de fleurs jaunes des alentours, parfois en talochant des concurrents un peu trop curieux. À leur connaissance, personne d'autre n'était au courant de l'énigme et pendant quelques jours, ils avaient même cru à une mauvaise farce.
Mais le pannonceau indiquait désormais le contrat "en cours". Et le même sceau figurait sur l'affiche comme sur le courrier.
« Tu as peut-être raison, Val... Si on trouve pas, on doit chercher dans la mauvaise direction.
- Tu veux dire qu'il faudrait fouiller plus au nord ?
- Mais non ! On a dû mal lire le...
- AH NON ! Plus jamais je ne veux t'entendre lire ce fichu bout de papier !
- Ce n'est pas... Écoute, je pense qu'on se focalise sur les mauvais détails. Peut-être que ce n'est pas la "solidago" qu'il faut chercher. »
Valgor eut un regard mauvais. C'était lui, le premier, qui avait dit que ce n'était qu'un détail mais Sparclige avait insisté : si l'auteur avait choisi cette fleur en particulier, son importance ne pouvait qu'être primordiale. Il leur fallut donc trouver un botaniste pour s'assurer qu'il s'agissait bien de... La seule plante qu'on pouvait trouver tout autour de la Halte du Valbourg. À force de vaines explorations, ils avaient convenu que la "solidago" était plus importante que les "cents pas au sud", car ils auraient très bien pu recevoir le message n'importe où ailleurs, d'après la fine analyse de Sparclige.
Or ce dernier avouait s'être trompé...
« Et puis quoi maintenant ? Tu vas aussi me dire que le "sens" n'est pas une direction ? »
Comme pour songer sérieusement à cette provocation, son ami s'interrompit et fixa l'énigme avec attention. Un sens est aussi une signification, mais sa définition première est une perception... D'ailleurs, la définition première d'un signe...
« MAIS C'ÉTAIT SÛR ! »
L'extase du rito à l'esprit vif ébahit son ami ; grands dieux, qu'avait-il entendu de si édifiant ? Avant même de prendre le temps de partager son épiphanie, Sparclige s'envola avec Valgor à ses talons. Ils arrivèrent rapidement sur un champ de solidago parmi tant d'autres, probablement au sud de la Halte. C'est au même endroit qu'ils avaient attendu tant et tant d'heures que l'employeur se pointe, mais en vain.
« J'ai compris pourquoi on ne trouvait pas la réponse, c'est pas les fleurs qu'il fallait regarder.
- Oh ? Jamais je n'aurais...
- Les signes, le coupa Sparclige, ce sont les premières lettres de chaque ligne. Regarde, ça forme un mot : âpre.
- Hein ? Mais qu'est-ce que... Oh ! »
N'importe qui aurait sûrement trouvé la réponse bien plus rapidement mais les ritos ont un sens du toucher bien différent. Le mot en lui-même ne leur disait pas grand-chose, tout simplement parce qu'il leur est bien plus difficile d'expérimenter une matière "âpre"... Une matière dur et rugueuse, comme un arbre par exemple.
Or la colline en question n'abritait qu'un seul arbre qui trônait à moitié sur un rocher qui lui servait de promontoire. Ils avaient bien fouillé le tronc mais sans rien y trouver. Alors, reprenant le message, Sparclige considéra comment "fouiller le sens que révèle" le mot âpre. Déjà, on ne fouille pas un sens, et en suite...
Le bruit d'une rossée subite le fit sursauter : Valgor brutalisait l'arbre de toute la force de ses frappes. Bientôt, le tronc dut céder sous l'assaut répété et son fond révéla une césure. Juste assez pour abriter un courrier.
Désespoir, rage, exaspération et confusion.
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