Intermède 1 : Rencontre avec Valgor

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La vie en solitaire était difficile, mais pas compliquée : fort de son arc, Ardolon avait trouvé la parade à toute déconvenue. Le coût des flèches cependant fut bien vite plus déroutante qu'il ne l'aurait cru c'est pourquoi il devait se forger de nouvelles aptitudes martiales. Pour un oiseau de son poids, de puissants pectoraux étaient nécessaires pour s'envoler mais il pouvait aussi utiliser sa force pour un tas d'autres choses. Assomer les problèmes était son nouveau crédo. Il ne fallut pas longtemps avant qu'une falaise se dresse entre lui et cet ambition un peu stupide.
Ardolon fit la rencontre de Valgor. La situation aurait pu être ridicule si chacun n'y accordait pas une importance toute phallocratique.

Chacun toisait l'autre, sous le regard d'une foule incertaine. Ils combattaient dans une sorte de tournoi local et leur affrontement était le grand final ! Les autres concurrents avaient été balayés par la volonté inébranlable de triompher. Aucune arme n'était autorisé mais leurs coups furent tout aussi fulgurants. Les deux appartenaient à la même race et une mentalité sauvage les poussait à n'éviter aucune attaque si cela leur offrait une ouverture. À cette petite guerre d'attrition, aucune interruption ne fut concédée en dépit des blessures multiples qu'ils ignoraient comme une guigne. Leur endurance semblait stupéfiante... Mais autour d'eux, les dommages étaient bien réels !

« Arrêtez tout, arrêtez TOUT ! Vous détruisez tout autour de vous, nous ne pouvons pas nous permettre autant de violence pour une...
- Vous avez raison, il faut y mettre un terme, le coupa Valgor.
- Oui, mon prochain coup sera le dernier. Tu finiras cloué au sol, dussé-je y laisser la vie !
- Oh que oui, tu vas y laisser la vie ! »

Nouvel instant d'intense échange occulaire ; et les ritos s'élancèrent.
Ardolon prépara son coup de poing droit avec une lenteur aussi évidente que comique. Son ennemi déjà s'était envolé pour attérir sur lui. Un choc colossal allait se produire et tout le monde retint son souffle tout en anticipant le craquement sordide qui allait se produire.
Mais le bruit ne se produit jamais.
En réalité, Ardolon avait utilisé son aile gauche pour se projeter sur le côté et éviter l'attaque de Valgor. Lorsque ce dernier s'écrasa à un cheveux du jeune piaf, il manqua son attaque. C'est donc par la plus sournoise des façons qu'Ardolon se retourna en utilisant la force cinétique pour enfoncer sa dextre phallange derrière le crâne de son opposant. L'impact fut tel que les deux s'effondrèrent, tant de fatigue que d'une souffrance partout réveillée, chaque ecchymose pianotant sur les terminaisons nerveuses malmenées.
Le duel d'une rare brutalité n'avait rien d'honorable, le résultat n'avait rien de digne et tout le monde était abasourdi tant de surprise que d'incompréhension pour ce spectacle pathétique de machisme.
Toutefois c'est un poing bien fier qui se leva.

« J... J'ai g-agn-é, gémit lamentablement l'un des ritos avant de s'effondrer dans un coma profond. »

Non sans en tirer une insigne infatuation, Valgor fut le premier à se lever. La seconde suivante Ardolon l'était également.

« Écoutez, je ne suis pas sûr que l'on s'attendait à un tel acharn... Euh... Une telle combativité, mais vous avez remporté la recette tenue secrète par mon père ! Grâce à elle, vous pourrez cuisiner son plat favori et il vous en sera reconnaissant à chaque fois que vous honorerez sa mémoire. Venez avec moi, je vais vous montrer comment la préparer. »

Le jeune piaf souffrait beaucoup mais il se para d'autant de majesté que son martyre le lui permit. Fort heureusement, il n'avait eu qu'à taverser la chambre, depuis la nuit dernière aménagée en clinique, pour des raisons imprévisibles, avant d'arriver dans la cuisine. Quelle ne fut pas alors sa surprise lorsqu'il réalisa son inaptitude totale pour les arts culinaires ! Lui qui tant de fois n'avait réussi ses répas décents que par les fruits du hasard ou d'une excessive facilité, aujourd'hui comprit quelle hauteurs sa nullité parvenait à repousser sans peur aucune. Son bras chancelant avait au pire moment trahi sa querelle, nouvelle indignité fatale à son appétit de crécerelle !
Valgor le poussa sans ménagement - une revanche sans doute. Les instructions lui avaient parues si limpides qu'il congédia son rival et acheva la recette en deux temps trois mouvements.
C'est depuis lors que Valgor avait connu Ardolon ; on pouvait dire qu'ils étaient égaux dans leur violence mais pas dans leurs aptitudes culinaires... Ce qui ne les empêcha pas de devenir inséparables.

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