Nuit d'ivresse
– Tu es sûre que ça va aller maman ? T’as bien retenu tout ce que je t’ai dit ?
– Mais oui enfin ! Ne sois pas inquiète, bécasse, j’ai déjà élevé des enfants, je sais encore comme ça marche. Allez, va t’amuser, profite un peu, ça va bien se passer.
– Tu crois que…
– J’en suis sûre ! Allez zou ! file avant qu’il ne se réveille et remarque que t’es partie, ça évitera un drame. Dehors maintenant, hop hop hop !
– Merci maman, t’es géniale, bisous.
– Comme à chaque fois que t’as besoin de moi va, bisous ma grande.
Mince, quelle conne, c’est la première fois que je laisse Marius depuis qu’il est né et j’arrive quand même à culpabiliser. Courage ma fille, c’est pas le moment de gâcher tout ce temps libre, haut les cœurs ! Enfin, haut-le-cœur, vu que je suis toute seule. Bof, c’est nul au singulier, ça fait plutôt envie de vomir. Ce soir c’est le grand jeu, ça fait longtemps que je me suis pas sentie un peu remplie différemment, un peu plus satisfaite et épanouie, j’ai hâte !
Demain je n’irai pas bosser avec des traces douteuses sur ma veste, ou exhalant un léger fumet de lait caillé ou de vieux fromage. Faites des gosses… ils vous le rendront avec allégresse. Demain je vais pas bosser, et je vous emmerde ! Je vais m’en mettre ras la gueule, ça va être génial !
Tiens, en parlant de traces douteuses, ça me rappelle l’autre fois dans le placard, à la soirée d’halloween. Je suis toujours pas sûre que c’était bien Louis, trop de mojito et d’obscurité c’est pas bon. Les déguisements ça aide pas. Ah merde alors, rien à foutre de ce connard, tant pis si c’était pas lui, il s’est barré, alors quelle importance ? C’était chaud quand même, dommage qu’il soit venu un peu vite, j’en aurais bien profité un peu plus moi. Chlo et ses idées à la con, elle devait bien avoir une idée derrière la tête en lançant cette idée de cache-cache bourrée à deux heures du mat’. A mon avis, ses jambes aussi ont dû se retrouver derrière sa tête…
Je suis déjà arrivée ! Faut arrêter les souvenirs en conduisant, je sais même pas par où je suis passée pour rentrer, la conduite automatique, c’est pas terrible. Oh-là-là, ça fait presque deux ans cette histoire, et te voilà toute émoustillée par un vieux souvenir. Ma pauvre, va falloir te remettre en selle.
Oh non, ça fait à peine deux heures que je suis partie et j’ai déjà les seins gonflés à bloc, putain ça fait mal ! Pfff, quelle fontaine, j’ai encore inondé mon chemisier avec ces saloperies de coussinets qui tiennent pas, à croire qu’ils les ont jamais essayés les génies qui ont inventé ces trucs-là. J’ai l’impression d’être une vache laitière. Avec tout ce que je produis, je devrais faire des fromages et les vendre au marché, tiens. Un coup de tire-lait et ça ira mieux. La prochaine qui me parle d’allaitement je lui fais bouffer ses dents. Et j’irai lui tripoter les nichons, elle verra comment c’est agréable pendant cette période. Et voir la gueule de son mec quand il se fera rembarrer quand il les approchera de trop près prétextant un massage pour la soulager. Ouf, ça va mieux maintenant.
Un petit tour sur mutique, le site de rencontre des gens peu loquaces, avec un peu de chance, je trouverais peut-être un mec bien, ça changerait. Pas évident de nouer le dialogue. Faudrait éventuellement que je change ma formule d’accroche, j’ai copié sur les autres, mais c’est moyen quand même : « je sais ce que je veux et ce que je ne veux plus, si tu ne rentres pas dans mes critères de sélection qui font de toi Orlando Bloom ou Ryan Gosling, je ne perdrais pas de temps à te répondre ». On se croirait dans un supermarché à choisir un bout de viande. C’est pas perdre son temps que de prendre trente secondes à dire : « merci pour ton message, mais n’insiste pas, tu ne corresponds pas vraiment à mes attentes ». Il y a des personnes à l’autre bout, pas seulement des paquets de bits. Faire preuve d’humanité ne me semble pas superflu. Je vais améliorer ma com, ça fera pas de mal. Tiens, ce gars-là à l’air plutôt bien. Bon, ben j’ai plus qu’à espérer qu’il m’envoie un message, soyons attentiste.
Allez, je continue à m’occuper de moi. Un bon décrassage et un bon ramonage te feront le plus grand bien, hein ma salope, ça fait longtemps que t’en rêves, au boulot maintenant !
J’expédie vite-fait les préparatifs, et plouf, au jus. C’était pas mal comme idée la planche en travers de la baignoire pour y poser un verre de vin et quelques douceurs. Rien à cirer des pétales de roses par terre, c’est moi qui devrais les balayer après. Les bougies c’est sympa, ça fait ambiance panne de courant, ou placard d’halloween, c’est selon. Voilà, y’a assez d’eau et de mousse maintenant. Hop mon canard jaune, hop une serviette confortable pour se caler la tête et c’est parti !
Merde, j’aurais pas dû me regarder aussi longtemps à poil dans le miroir, tu fais un peu champ de bataille ma cocotte. C’est plus un rasoir qu’il va te falloir pour remettre de l’ordre, mais une débroussailleuse. M’en fous, pour l’instant, ça intéresse personne. J’ai morflé avec la grossesse, mais bon ça va continuer à s’améliorer, je suis encore baisable. Juste un peu d’ordre à mettre pour que ça se remarque. Baisable ou désirable ? Oh c’est bon, on n’est pas des princesses, baisable, c’est décidé. Désirable c’est pour avant la baise. Là j’ai plutôt envie de cul si je m’écoute un peu.
Rahhhhh, ça fait du bien nom de dieu ! Position de croisière dans la baignoire avec tout ce qu’il faut. La tête bien, calée, les mains posées entre les cuisses, une gorgée de Maury et une bouchée de chocolat noir de temps en temps et on y retourne. Oh bordel que c’est bon ! Comment c’est bien ! J’ai envie de gueuler comme un veau tellement ça soulage.
Ça fait plus d’une heure, l’eau est froide, j’ai fini la bouteille et je suis un peu beurrée maintenant. Va falloir passer aux choses un peu plus sérieuses.
Rinçage et séchage rapide. J’enfile quelques dessous affriolants rien que pour moi.
Je me glisse dans mes draps frais, changés de ce matin, avec mon matériel préféré, et allons-y pour une nuit d’expérimentation.
Déjà quatorze heures ! J'ai ronflé comme un sac plus de douze heures. Je suis bien dans mon t-shirt XXL trois fois trop grand et mon immonde culotte trouée trop confortable. J’avais encore jamais lu de roman policier, ce sera pour une autre fois, je me suis endormie au nom de l’auteur.
Quelques jours rien que pour moi, faire la sieste dans la baignoire, dormir et lire sans interruption. Me reposer un peu, m’occuper de moi. Franchement, c’est mon fantasme depuis l’accouchement.
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