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Un temps impossible à mesurer après, d’autres pas s’approchèrent, pour s’arrêter devant la porte. Quatre verrous successifs jouèrent, puis la lumière l’éblouit. Une silhouette entra. Lorsque ses yeux se furent habitués, il put constater qu’il s’agissait d’un homme d’une cinquantaine d’années, aux cheveux gris et au regard dur. L’inconnu le jaugea un bref instant et déclara :
« Eh bien, tu as moins fière allure qu’il y a deux jours. Au moins as-tu repris conscience. »
Il y eut un bref silence.
« Au fait, reprit l’homme, à quoi pensent tes supérieurs ? Ils nous envoient des gamins, à présent ? »
Le jeune homme ne répondit rien et baissa le regard. Il sentait que mieux valait éviter la confrontation avec cet homme qui tenait probablement sa vie entre ses mains. De plus, il n’avait pas l’énergie pour le faire. Il avait remarqué que l’inconnu avait un léger accent. La langue de l’Empire n’était pas son idiome maternel.
« Une fois que nous en saurons plus à ton sujet, nous pourrons plus facilement envisager ton retour. »
Le jeune homme se rappela qu’il n’était pas dans son pays, ce qui était à l’origine de sa situation délicate.
Nikita va me tuer… pensa-t-il.
« Mais premièrement, poursuivit l’homme, je vais te poser quelques questions, car il va me falloir des informations. C’est la monnaie pour être libre, tu dois le savoir en tant qu’espion. Je ne te cache pas que découvrir ce qui l’emportera entre ta volonté et mes moyens de persuasion pourrait se révéler assez intéressant. »
Le jeune homme réprima un frisson, ce que l’inconnu ne manqua pas de remarquer. Il ajouta :
« Première question : quelle est ton identité ? »
Le jeune homme se contenta de le fixer en haussant légèrement un sourcil, l’air de lui demander s’il s’attendait vraiment à ce qu’il réponde.
« Je vois… Au moins montres-tu d’entrée de jeu quelle sera ta ligne de conduite. Laisse-moi te présenter la mienne. »
Il fit signe à l’un des gardes qui se tenait près de la porte de la cellule.
« Emmenez-le. »
Le garde entra, s’approcha du jeune homme, sortit une clé et déverrouilla le bracelet de fer qui le maintenait au poignet droit. Il lui passa de solides menottes et le fit se lever, puis l’emmena hors de sa cellule à la suite de l’homme. D’autres soldats vinrent les escorter. Ils longèrent nombre de couloirs balisés par des torches pour arriver devant une porte de métal noir. L’homme l’ouvrit et entra. L’un des gardes voulut faire avancer le jeune homme, mais il se dégagea et passa de lui-même dans la pièce. Il examina ce qui se trouvait à l’intérieur, luttant contre un sentiment d’horreur grandissant qui s’emparait de lui. Il pensa à ses frères d’armes. Pour eux, il devait repousser ses limites, et se montrer digne de son appartenance à leur escouade. Il jeta un regard de défi à l’homme à cause duquel il était ici. Un autre personnage sortit de l’ombre, portant une cagoule noire, et s’approcha de lui. Le jeune homme fit ce que son chef et mentor lui avait appris pour résister à la douleur, aussi bien physique que morale. Il se retira en lui-même, très loin, commençant presque à quitter son corps tant il tentait d’en faire abstraction, et passa dans un état second. À présent qu’il était quasiment totalement absent de la réalité, il se sentait presque en mesure d’affronter ce qui l’attendait. Il s’était préparé autant qu’il était possible pour affronter la souffrance. Il regarda le lien pourpre à son poignet gauche. Il ne se permettait pas de faiblir.
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