-Il en vient, sussurent les bouleaux, gardiens blancs de l’entrée de la forêt

-Comment bruissent-ils? s’interroge un hêtre de dix étés

Silence. Le vent s’engouffre dans le sous-bois, les oiseaux écoutent, les feuilles tremblent.

-Ils pépient, roucoulent doucement, lui répond un chœur de châtaigniers sur la droite du chemin

-Peut-être devrions nous les arrêter, avant qu’ils ne soient trop durs, suggère un buisson de houx.

-Je peux étirer une racine sur leur chemin, propose un chêne dans la force de l’âge.

-Oui, oui, tuons les avant qu’ils nous abattent à la saison prochaine enjoint un vieil arbre, frappé de moitié par la foudre.

Soudain, la nature se tait. Du centre de la forêt, par mille racines, un message passe, chemine de mycéliums en racine-piliers, à travers toutes les espèces présentes, les sens transitent : « Ceux-là sont jeunes. Nous pouvons encore les redresser pour qu’ils poussent droits. Faisons leur aimer notre vie. Faisons leur un cocon chaleureux pour abriter leurs amours et que, comme les autres animaux, ils en soient reconnaissants et nous respectent. Nous devons croire en la pulsion de vie. Menez-les à moi. »

Alors la forêt s’assouplit. Les chatons des saules caressent la joue de la jeune fille. Un chemin s’ouvre sous les pas inconscients des amoureux. Ils s’approchent enivrés d’amour et de douces odeurs, vers le cœur de la forêt où un tapis de mousse et de jacinthes des bois leur servira de couche au pied d’un immense hêtre.