Le ballet
C'est toujours un hasard quand on se croise.
L'air que les corps dérangent et font tournoyer, vibrations infimes, se charge parfois d'un effluve parfumé. Souvent, il n'y a rien ou presque, juste un souffle un peu plus frais comme pour dire : « Je suis passé ici ». Voilà le seul témoin de nos danses éphémères, ces moments où les vies se traversent, laissant à l'autre pour seul souvenir de notre passage un changement dans l'air.
Et tout de suite cette sensation s'efface devant une autre, semblable mais différente, elle aussi porteuse de son caractère singulier. Une nouvelle odeur ? Un souffle plus puissant ou au contraire plus discret ? Rien de tout cela ?
Nos corps qui se toisent jours après jours ne se demandent rien, et pourtant ils échangent. Ils dialoguent à peine, juste par impressions, sensations, réminiscences. Ils ne se rencontrent pas encore. L'atmosphère qu'ils caressent, voilà la chose tangible qui nous reste à la fin ; elle porte avec elle le souvenir de cet autre qui revient à chaque fois, chaque fois unique.
Est-ce vraiment un hasard de se croiser ?
Le ballet urbain m'emmène d'un être à l'autre, chacun laissant en moi une trace sans souvenir. Une marque, quelque chose, un bout de soi qui reste un peu et qui s'en va. Que je ne ressentirai plus jamais, peut-être. Ou peut-être pas.
Car deux personnes qui se sont déjà croisées ne se croisent plus : elles se rencontrent.
Et c'est toujours un petit miracle.
Annotations
Versions