Chapitre 2 : Nouveau cadre (pour Yuna)

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Une semaine avant la Golden Week.


Avril était passé à une vitesse folle.

Je m'intégrais petit à petit à mon équipe, même si certaines joueuses avaient encore du mal à m'accepter. J'avais même quelques fans qui venaient me voir jouer, mais ce n'était rien par rapport à Keiko. Des élèves avaient monté un fan club rien que pour elle et ils l'encourageaient tous avec ferveur. Peut-être un peu trop parfois, surtout quand ils criaient que telle ou telle joueuse gênait leur idole. Beaucoup d'entre eux ne m'aimaient pas trop car avant mon arrivée, Keiko accaparait presque toute l'attention sur le terrain tellement elle était douée. Alors quand moi et ma spécialité des trois points étions arrivés, je n'avais pas fait des heureux. Au point qu'on me dise de retourner dans ma ville natale. À cause de ça, la capitaine et le coach leur ont demandé de ne plus venir s'ils continuaient à se comporter ainsi.

-Désolé, m'avait-dit Keiko avant un entraînement.

-Pas de soucis. J'encaisse.

Keiko et moi nous sommes rapprochés durant le mois. Bien sûr, nous étions rivales pour savoir qui serait la meilleure joueuse de l'équipe, mais on avait aussi appris à se connaître en-dehors du parquet. On déjeunait souvent ensemble et je parlais surtout de basket avec elle. Avec les autres filles, c'était les habituelles discussions sur les cours, les dernières chansons à la mode, les garçons... Surtout les garçons.

Après un entraînement éreintant, quelques filles, surtout des premières années, ont proposé qu'on aille manger quelque chose de bon avant de rentrer chacun chez soi. Personnellement, je n'avais pas envie de rentrer à la pension tout de suite, surtout en sachant qu'une tonne de devoirs difficiles m'attendait. J'ai donc accepté, ainsi que Keiko, et nous nous sommes allés manger des pâtisseries dans une rue commerçante pas trop loin du lycée. J'adorais manger des pâtisseries ! Si je le pouvais, j'en mangerai des camions entiers. Mais j'essayais d'être raisonnable parce que je pensais à ma ligne... Encore plus depuis que...

-Nanahara-senpai ! Tu as un petit ami ?

La question d'une des cadettes du club m'a prise au dépourvu et j'ai failli avaler de travers le morceau de cheese cake que j'avais dans la bouche.

-Pourquoi tu veux savoir ça ? ai-je demandé.

-Ben... Je ne sais pas si tu t'en rends compte, mais les garçons te regardent beaucoup. Surtout ceux de club de basket masculin.

(J'ai comme une impression de déjà-vu...)

-Mais dans le fond, ce n'est pas étonnant. Tu es super jolie ! Si tu veux, je peux te présenter quelques beaux gosses qui iraient bien avec toi !

Son enthousiasme était... effrayant. J'ai refusé poliment sa proposition.

(En plus, j'ai déjà un copain !)

Elles avaient également posé la question à Keiko mais sa réponse à elle fut le silence. Avec un regard qui disait « Mêlez-vous de vos affaires ! ». Elles n'ont pas insisté davantage.

Nous sommes rentrés après ça.

Le soir, à la pension, le dîner était animé. C'était à moi de cuisiner, avec l'aide de Mizuhara. Elle et moi nous entendions bien, sans pour autant être proche. Mais je me disais que ça viendrait peut-être avec le temps. On n'était qu'au début de l'année, après tout.

L'avantage d'être fille de cuisinier, c'était qu'on apprenait quelques trucs. Tout ça pour dire qu'à la pension, on aimait ma cuisine. Bien entendu, Hikitani-senpai en a profité pour, encore une fois, tenter sa chance :

-Yuna-chan ! Tes bons petits plats ont un goût de paradis ! Je suis convaincu que tu ferais une merveilleuse femme ! D'ailleurs, que dirais-tu de...

-Navré, senpai, mais non seulement tu es loin mais TRÈS loin d'être mon genre mais en plus, je t'ai déjà dit que j'avais un petit ami.

-Je sais qu'il est dur de passer à autre chose, mais il vit loin à présent et...

-Il vit à Tokyo aussi. Donc pas si loin que ça...

Hikitani-senpai faillit s'étouffer avec son riz en entendant ça. Rien que pour ça, ça valait le coup d'étaler une petite partie de ma vie personnelle.

-Il est à Tokyo ?!

-Oui. Je ne l'avais pas dit ? ai-je demandé en rigolant.

-Non, du tout ! C'est pas bon... Tu vis donc une relation où l'autre est tellement obsédé par toi qu'il a été jusqu'à te suivre ici, pour ne pas te perdre... Ne t'en fais pas, Yuna-chan ! Moi, Hikitani Izuku, je te sauverais de cet individu qui ne sait pas lâcher prise et...

-Izuku ! Ferme-là et mêle-toi de tes affaires !

D'un geste vif, Hondo-senpai l'a fait taire en lui fourrant un gros morceau de viande de force dans la bouche. Heureusement qu'il était là pour calmer un peu les ardeurs de Hikitani-senpai. Le sujet de mon copain ne fut plus abordé, mais je voyais sur leurs visages une envie d'en savoir plus.

Après le repas, une vaisselle à faire et une journée éreintante, je me suis dit que je méritais un bon bain chaud. Je ne connaissais rien de mieux... Sauf peut-être me faire câliner par mon copain.

D'ailleurs, en sortant du bain, je me suis tout de suite jeté sur mon téléphone pour lui discuter avec lui sur LINE, avant de me coucher. Comme d'habitude. Ce n'était jamais de longues conversations, vu qu'il n'aimait pas parler pour ne rien dire, mais avoir juste des nouvelles de sa part me faisait plaisir. Mais je devais avouer qu'il parlait bien plus qu'au début de notre relation. Avant, il écrivait juste de courtes phrases. Quitte à savoir si c'était parce qu'il n'avait pas l'habitude des longues conversations ou s'il ne savait pas quoi dire, le mystère restait entier.

(D'un autre côté, est-ce que c'est si important ?)

Il me racontait tout de ce qu'il faisait. Ou presque. Il m'avait parlé de cette fille, Kinoshita Saya, la déléguée de sa classe, avec qui il s'entendait le plus. J'avais blagué sur le fait qu'il essayait de me tromper avec elle (il s'est un peu fâché, bien sûr, mais savait que je n'étais pas sérieuse). Il m'a raconté l'incident dans le train, quand elle et lui se sont retrouvé collés l'un contre l'autre. Je n'étais évidemment pas contente mais je me doutais bien que c'était un accident. Et puis, je le connaissais. Ce n'était pas pour me blesser qui me racontait cela mais par « souci de transparence », comme il aimait le dire. Pour me montrer qu'il n'avait rien à me cacher et qu'il était digne de ma confiance. Tout comme j'étais digne de la sienne. C'était ce genre de d'attention qui me faisait retomber amoureuse de lui ! Et qui me donnait encore plus envie de le voir...

Depuis que nous étions installés à Tokyo, nos échanges par messages étaient plus fréquents et on s'est vu qu'une fois. D'accord, lui et moi étions très occupés en ce début d'année scolaire mais j'avais trop envie de le voir ! Je lui en aie fait part dans mon dernier message et il m'a dit d'être patiente.

(Je le sais bien... Mais n'empêche. J'ai envie de te voir...)

Il me manquait... Il le savait et je ne doutais pas qu'il ne comprenait pas ça. C'était peut-être de l'égoïsme mais je voulais être avec lui tout le temps. Nous vivions dans la même ville mais ne pas le voir aussi souvent qu'avant me donnait l'impression qu'il était à l'autre bout du monde...

(S'il savait ce que je pense, à l'instant, il se fâcherait à coup sûr...)

Le sommeil me gagnait. Je devais me lever tôt demain matin et j'étais exténuée. Lui aussi, d'après ce qu'il m'avait dit. Néanmoins, avant de m'endormir, j'ai voulu lui faire un petit cadeau. Je me suis prise en photo avec mon téléphone, allongée sur mon lit. Pour rigoler, j'ai laissé l'une de mes épaules dénudées, pour me donner un petit air sexy. J'essayais d'imaginer sa réaction quand il recevrait la photo.

...

Tu forces trop.

Qu'il m'a répondu.

(Méchant !)

Mais j'aime bien quand même.

A-t-il ajouté.

J'ai souri. Après cela, je lui ai souhaité une bonne nuit et suis allé me coucher. Avec un sourire qu'il aurait qualifié d'idiot s'il me voyait.


-T'as vraiment l'air d'une idiote, à sourire comme ça...

-Hein ?

Nous étions à deux jours de la Golden Week.

On était en plein footing à l'extérieur du gymnase quand Keiko m'a lancé ça. Elle était plutôt du genre direct, un peu comme moi, mais elle avait ce côté rude, par moment...

-C'est pas sympa de me traiter d'idiote gratuitement..., lui ai-je fait remarqué en gonflant des joues.

-Ah ? Tu comptes me payer pour que je te traite d'idiote quand tu l'es ?

-J'aimerais plutôt que tu ne me traites pas d'idiote tout court...

-Impossible.

-Pas sympa.

Je lui ai fait la tête, dans l'espoir de la faire culpabiliser un peu, mais elle avait l'air de s'en fiche royalement. Cette facette d'elle me rappelait mon copain et je lui ai fait remarquer.

-Il te fait remarquer que tu es idiote, parfois ? a-t-elle demandé.

-Oui...

-Au moins, il est lucide. Un autre garçon se garderait de te le dire, pour ne pas que tu le largues.

-Surtout que je peux être très susceptible, par moment.

-Tu n'as jamais eu envie de le larguer quand il te vexe ?

-Jamais.

-Sérieusement ?

-Bah oui. Pourquoi je voudrais larguer mon petit copain juste parce qu'il m'a un petit peu vexé ?

-Je sais pas... Y a des filles qui larguent leurs mecs parce qu'ils ont dit ou fait un truc qui leur a pas plu.

-Sérieusement ?

-J'ai connu une fille qui a voulu quitter son mec parce qu'elle avait trouvé des revues porno quand elle était dans sa chambre.

-Et elle a l'a fait ?

-Elle lui a dit qu'elle lui pardonnerait en fonction du cadeau qu'il lui ferait...

-Pourquoi j'ai l'impression que c'est du chantage ?

-Sans doute parce que c'en est.

Quand nous avons terminé notre course, nous sommes retournés dans le gymnase pour continuer avec des exercices en intérieur, comme du stepping. Les fans de Keiko étaient là pour l'encourager avec ferveur et ils étaient bruyants. Au point d'exaspérer certaines joueuses qui auraient aimé s'entraîner au calme. Il y avait aussi mes fans, bien moins nombreux mais qui savaient donner de la voix. J'ai dû m'excuser auprès des autres joueuses pour la gêne et le coach leur a demandé d'être plus calme.

(Mais en vrai, je suis un peu flattée d'être devenu populaire en si peu de temps !)

On approchait de la fin de l'entraînement et pour terminer, il a été décidé que le club de basket féminin ferait un match contre le club de basket masculin. En entendant cela, Keiko semblait plus motivé que jamais. Au point où notre capitaine lui a demandé de se calmer un peu. Pour ce match, on m'a demandé de jouer à la place de l'une des titulaires. J'étais surprise ! Je n'étais là que depuis peu et on me demandait déjà de jouer avec les joueuses régulières ! Le coach a prétexté un essai, sans pour autant être convainquant.

L'équipe masculine était vraiment composée de grands gaillards, comparé à nous ! Les plus grands atteignaient facilement le mètre quatre-vingt-dix, voire plus ! Sauf un. Lui était vraiment petit. À vue de nez, pas plus d'un mètre cinquante de hauteur. J'avais du mal à l'imaginer sur le terrain et j'ai dû vraiment prendre sur moi pour ne pas rire.

(Non, non ! Il faut pas ! Si ça se trouve, c'est un bon joueur.)

J'étais si loin de la vérité...

Durant le match, à chaque fois qu'il était en possession de la balle, impossible de la lui reprendre. Feinte, passe, dribble... Il enchaînement le tout de manière si fluide. Seule Keiko parvenait à le gêner un minimum. Et encore !

Et je ne parle que de ce joueur !

Les autres étaient d'un très bon niveau aussi. Aussi bien individuellement qu'en équipe. Leur type de jeu était du genre agressif : ils attaquaient, attaquaient, attaquaient sans cesse et de manière agressive, négligeant un peu la défense. Mais entre nos passes qui se faisaient intercepter et les moments où on se faisait piquer le ballon en plein dribble une fois sur dix par ce joueur de petite taille, je pouvais imaginer qu'ils pouvaient se le permettre. Je ne pouvais même pas lancer mes shoots à trois points sans qu'il vienne me marquer et me mettre la pression. On faisait vraiment de notre mieux mais au fil du match, l'écart de points a fini par se creuser...

Fin du match. L'équipe des garçons avait marqué le double de nos points. Ce n'était qu'un match d'entraînement mais cette défaite, après un match pareil, faisait quand même mal. Keiko semblait être celle qui avait le plus du mal à digérer ça, quand je l'ai vu taper du pied le parquet, de rage. Je comprenais ce qu'elle ressentait et j'étais sans doute dans le même état d'esprit. La différence était que j'essayais de ne pas le montrer.

(Ah... J'ai juste envie de prendre une bonne douche et de rentrer me reposer un peu...)

-Hé !

J'ai levé les yeux pour voir le petit joueur approcher, un grand sourire aux lèvres.

-T'as bien joué. C'était osé de tenter de shooter à trois points par moment, mais je pense que tu devrais t'abstenir quand tu n'es pas proche de la raquette. Tu prends des risques pour rien.

-Il faut en prendre, des fois, pour gagner.

-Oui, mais pas d'aussi inconsidérés.

Il a un peu ri en disant cela, ce qui m'a agacé un peu.

(T'aurais moins rigolé si j'avais réussi à placer mes tirs !)

L'arbitre nous a ensuite rassemblé et les deux équipes se sont salués, avant que chacune ne rejoigne leur vestiaire pour prendre une douche bien méritée.

Je n'avais jamais été si contente de sentir l'eau tiède me débarrasser de la sueur et de la fatigue. Les filles ont profité de l'instant pour faire un débriefing du match. D'après les titulaires, l'équipe des garçons avaient encore progressé par rapport au tournoi de l'hiver dernier et l'ajout de ce nouveau joueur de première année avait élargi leurs possibilités d'actions.

-Le minus ?! s'exclama Keiko. Il n'est qu'en première année ?!

(Contente de voir que je ne suis pas la seule surprise !)

-Difficile à croire, hein ? continua notre capitaine. Il parait qu'il jouait dans une équipe très forte, durant le collège. En tant que titulaire. Avec sa petite taille, je dois dire qu'il force le respect.

Ma défaite de tout à l'heure me fit encore plus mal... Non seulement, j'avais perdu mais contre un garçon d'un an plus jeune que moi. Y avait pas à dire : ça fait mal au moral.

(Faut croire que j'ai encore un long chemin un faire...)

Ce fut avec une petite mine que j'ai quitté la douche pour me sécher et m'habiller. Juste avant de nous laisser partir, le coach et notre capitaine nous ont annoncés qu'il n'y aurait exceptionnellement pas d'entraînement demain mais surtout, qu'à la reprise des cours, nous disputerions un match amical avec l'équipe du lycée Hoshi. Autant dire que ça avait fait tilt chez moi. Le lycée Hoshi. Le lycée où étudiait mon copain.

(Il est au courant, pour ce match ? Je lui demanderai tout à l'heure, par message.)

Quand le coach est parti, quelques-unes des joueuses m'ont interpellé :

-Nanahara ! Tu n'avais pas dit que ton copain était au lycée Hoshi ?

-Heu... Oui, leur ai-je répondu en étant un peu gênée.

-Hein ? Vraiment ?

-Il aide l'équipe adverse ou quelque chose comme ça ?

-Non, non ! assurai-je. Il étudie dans ce lycée mais ne fait pas partie de leur club.

Les autres qui n'étaient pas au courant voulurent en savoir plus. Certaines pour savoir avec quel genre de garçon je sortais, d'autres pour s'assurer que je jouerais sérieusement contre l'équipe adverse malgré la situation. Je ne voulais pas en parler avec elles mais impossible de trouver le bon moment pour couper court à la conversation sans me montrer impolie. Ce fut l'intervention de la capitaine et de Keiko qui me sauva, l'une disant que j'étais une joueuse sérieuse qui donnerait tout si je jouais durant ce match et l'autre, que ma vie sentimentale ne regardait pas l'équipe. Les autres filles furent déçues de ne pas en apprendre plus mais n'insistèrent pas et nous sommes enfin parti.

La déception, la frustration et la fatigue me faisait un peu traîner des pieds alors que je me dirigeais vers la pension. Je n'avais qu'une hâte : m'écrouler dans mon lit et dormir !

(Je suis trop fatiguée pour discuter longtemps avec lui, ce soir... J'espère qu'il ne m'en voudra pas...)

Alors que je franchissais le portail du lycée, j'entendis quelqu'un derrière moi m'appeler :

-Hé !

C'était le petit joueur qui accourait dans ma direction avec un sourire éclatant. On aurait dit un petit enfant.

-Ah ! J'ai réussi à te rattraper avant que tu ne partes..., disait-il en reprenant son souffle.

-Heu...

-Désolé. Je voulais juste te demander ton nom.

-Ah... Nanahara Yuna. Classe 2-A.

-Hein ?! Tu es en deuxième année !

(Il ne savait pas ça ?)

-Désolé, s'empressa-t-il d'ajouter. Je pensais que tu étais en première année, comme moi. Ha ha...

Sa gêne semblait sincère. Ça lui donnait un côté mignon...

-Moi, c'est Kôtani Akira. Enchanté.

-Ah. De même.

-Je suppose qu'il faut que je t'appelle « senpai », puisque tu es mon aînée.

-Tu sais... Tu n'es pas obligé. Tu peux juste m'appeler par mon nom.

-Ah, vraiment ?

-Oui.

En vrai, le fait que quelqu'un m'appelait « senpai » me faisait bizarre. Personne ne m'avait appelé comme ça. Et je ne sais pas pourquoi, j'avais l'impression que ça me vieillissait exagérément si on m'appelait comme ça. Et je n'aimais pas cette idée !

-Alors... Nanahara-senpai, ça ira ?

-O...Oui, pas de problème !

(En fait, si ! Un peu... Mais je vais pas me plaindre pour si peu, aussi.)

-Super ! Au fait, ça ne te dérange qu'on se parle en-dehors du club ?

-Non, pas de soucis.

-Génial ! On pourra parler un peu de basket, entre autres ! Ah ! Mince ! Je vais être en retard au boulot ! À demain, peut-être.

Et il est parti au pas de course.

Il était complètement différent en-dehors du terrain. Lui qui avait un visage impassible quand il avait le ballon... Là, plus je le regardais, plus il me faisait penser à un enfant. Difficile de croire que c'était le même garçon qui m'avait mis la misère sur le parquet, il y a une demi-heure... Décidément, j'avais du mal à le cerner.

(...Rentrons.)


Comme prévu, après le dîner, j'étais si fatiguée que j'ai eu la flemme de finir mes devoirs pour demain et j'ai écourté (à contre-cœur) ma conversation avec mon copain. J'ai pleuré intérieurement pour avoir fait ça, mais j'avais vraiment besoin et envie de me reposer après une journée épuisante...

(Heureusement qu'il ne l'a pas mal pris... Il avait l'air d'être bien occupé, de toute façon.)


Veille de la Golden Week.

Je me suis fait réprimander par certains de mes profs pour ne pas avoir fini ou fait les devoirs demandés. L'un d'eux m'a même condamné à faire un devoir supplémentaire à la fin des cours de la journée. Ce qui signifiait que j'allais rater une partie de l'entraînement de l'après-midi. J'entendais déjà le coach me sermonner à son tour sur le fait que je négligeais mes études... En y pensant, je n'ai pas réussi à ne pas lâcher un profond soupir.

-Négliger tes devoirs n'est pas bien, YuYu. Surtout quand il y en n'a pas autant que d'habitude.

L'une de mes camarades et amie, Taniguchi Suzune, que je surnommais Suzu-nee parce qu'elle passait presque tout son temps à se comporter comme une grande sœur avec les autres. Peut-être parce qu'elle était elle-même l'aînée d'une fratrie. D'ailleurs, de plus en plus de gens dans la classe commençaient à utiliser ce surnom.

Suzu-nee était la gentillesse incarnée. C'était elle qui avait fait en sorte que je m'intègre le mieux possible dans la classe mais surtout, elle était la première à faire de moi son amie.

-Suzu-nee-sama !! pleurais-je presque. Je veux pas faire ce devoir !

-Fallait y penser avant, m'a-t-elle lancé avec son indifférence la plus froide.

-NOOOOOOOOOON !!

Typique de Suzu-nee. Douce et attentionnée le plus souvent, mais impitoyable et parfois cruelle quand tu étais en tort. Mais bon, au moins, je n'ai pas eu droit à un sermon de sa part. Pas cette fois.

Cette journée m'a paru interminable et le fait de devoir rester après les cours alors que les autres se rendaient à leur club me déprimait. Après, le devoir en lui-même n'avait n'était pas trop dur même pour moi. Je ne suis donc pas resté trop longtemps.

Mais comme je l'avais prévu, quand je suis allé au gymnase après, j'ai eu droit à un sermon du coach et je lui ai promis que je ne recommencerai pas.

(Enfin, je dis ça, mais me connaissant, il y a des chances pour que ça se reproduise...)

L'entraînement a été une véritable torture. Le coach avait décidé de nous faire suer deux fois plus que d'habitude puisque nous ne pourrions pas nous exercer durant la Golden Week (cherchez pas, logique de coach...). J'ai eu l'impression qu'on se préparait déjà pour le tournoi qui avait lieu en été. Et j'avais raison, selon les dires de mes coéquipières. Elles disaient aussi aux nouvelles recrues qu'on allait en baver plus après le match amical contre Hoshi, à la reprise des cours.

Bordel...

À la fin de l'entraînement, dire que j'étais morte était en-dessous de la vérité. Ce soir aussi, j'allais très certainement me coucher tôt. Au moins, cette fois, j'aurais une excuse pour me lever un peu plus tard...

En sortant des vestiaires puis du gymnase, j'ai jeté un coup d'œil à mon téléphone pour voir mes notifications. Parmi elles, un message de mon copain. Qui me demandait si je voulais qu'on se voie durant la Golden Week !

-OUIIIIII !!!

J'avais crié si fort que beaucoup de monde s'était mis à me regarder comme si j'étais bizarre ou folle.

-Tu fais quoi, idiote !

Keiko avait presque accourut pour me fiche une torgnole à l'arrière du crâne, comme pour me remettre les idées en place.

-Aïe ! Grosse brute !

-Plutôt ça qu'être une idiote ! Pourquoi tu cris comme ça, d'abord !

-Mon copain m'a demandé si je voulais le voir, pendant la Golden Week. Ça fait un moment que je ne l'ai pas vu, alors je suis contente.

-Je comprends. Mais c'est pas une raison pour crier comme ça !

-Désolée de montrer ma joie...

Son message datait d'un petit moment déjà et je me dépêché de lui répondre « OUIIIIIIII !! ». J'ai réfléchi un moment pour me rappeler quel jour on pourrait se voir, lui ai envoyé la date et le lieu de rendez-vous, le tout en chantonnant.

-Tu as l'air de bonne humeur aujourd'hui, Nanahara-senpai.

-WAAAAAAAAH !!

J'ai sursauté et crié de surprise en entendant Kôtani derrière moi, manquant presque de lâcher mon smartphone.

-Tu m'as fait peur, Kôtani !

-Désolé. C'était pas mon attention.

Apparemment, les garçons avaient terminé de prendre leur douche et commençait à sortir du gymnase, en parlant de leurs plans pour aller se détendre un peu.

-Nanahara-senpai ! Avec certains, on va aller au karaoké avant que chacun ne rentre chez soi. Tu veux venir ?

-Ah... Désolé, Kôtani. Mais je suis vraiment épuisée, aujourd'hui. Je crois que je vais rentrer directement. Une autre fois...

-Oh, d'accord...

Il m'a alors sorti une de ces mines de chien battu ! J'avais l'impression d'être devant un enfant à qui on avait refusé de l'emmener dans un parc d'attraction ou quelque chose comme ça !

(Raaaah ! J'ai des remords, maintenant !)

Je me suis encore une fois excusé et je suis rentré à la pension directement, non sans garder en tête le visage déçu de Kôtani, même s'il semblait avoir été compréhensif.

Mais ça n'avait pas suffi à faire s'envoler ma joie de revoir mon chéri. Au point où mes colocataires de pension m'ont dévisagé le soir, lorsque nous étions à table.

-Qu... Quoi ? ai-je demandé quand j'ai remarqué leurs regards troublés.

-Heu... Nanahara. Ton sourire..., commença Mizuhara.

-Quoi, mon sourire ?

-Comment dire... Tu...

-T'as vraiment l'air d'une idiote, à sourire comme ça, lança sèchement Hondo-senpai.

(Arg ! Hondo-senpai a lancé Commentaire blessant ! C'est super efficace !)

-C'est pas sympa, Hondo-senpai ! me suis-je écrié juste après.

-Je ne fais que dire la vérité...

-Il y a des manières de le dire !

-Ce n'est pas en l'enrobant de sucre que la vérité fera moins mal...

-C'est quoi, cette expression ? D'où ça sort ?

-De mon crû.

-C'est n'importe quoi !

-Allons, allons, intervint Hikitani-senpai. Ne nous disputons pas pour si peu. Et puis, ce sourire que nous offre Yuna-chan est une sorte de régal pour mes yeux. Une vision d'une beauté alternative qui...

-Izuku ! Ferme-là et mange !

-Hikitani-senpai ! Ferme-là et mange !

Hondo-senpai et moi avions crié à l'unisson, avant de lui fourrer chacun de force de la nourriture dans la bouche. Je n'ai pas dit pourquoi je souriais comme une idiote (sérieux, j'ai vraiment l'air d'une idiote quand je souris de joie ?) et personne n'a vraiment insisté. Mais je l'ai vu ! J'ai vu dans leurs regards qu'un fond de curiosité était bien là...

Ce soir-là, avant de me coucher, j'ai longuement discuté avec mon chéri d'amour, l'inondant d'émoticônes pour lui exprimer tout mon amour. Comme je m'y attendais, trop de démonstration de mon amour l'a un peu soûlé mais je m'en fichais. J'étais trop contente à l'idée de bientôt le voir qu'il pouvait bien supporter mon petit caprice.

(J'espère quand même qu'il ne me le fera pas payer quand on se verra... Ce serait bien son genre.)

Mon cerveau a pris quelques minutes pour imaginer ce qu'il pourrait me faire dans ce cas-là...

...

J'ai blêmi et j'ai arrêté en m'excusant.

On a mis fin à la conversation qu'aux alentours de minuit. J'étais fatiguée en entrant dans ma chambre mais lui parler m'avait donné un boost d'énergie pour pouvoir rester avec lui. Un sourire s'est de nouveau dessiné sur mon visage. Tant pis si j'avais vraiment l'air d'une idiote comme ça.

(J'ai vraiment hâte qu'on se voit...)

Ce soir-là, je me suis endormie le sourire aux lèvres et en faisant de beaux rêves de mon copain...

Le jour J, je suis parti tôt de la pension et en faisant en sorte que personne ne me voit. Je n'avais pas envie qu'ils m'interrogent sur où j'allais et avec qui. Pour l'occasion, j'avais enfilé une jolie robe que j'avais acheté peu après mon arrivée à Tokyo. Malheureusement, je n'avais pas assez d'argent à ce moment pour acheter une paire de chaussure qui irait avec et je n'ai pas trouvé le temps d'aller en acheter par la suite. J'ai enfilé une paire de basket blanche qui avait peu servie.

(Bah, il n'est pas très difficile sur ma façon de m'habiller de toute façon...)

Comme prévu, j'ai pris le train jusqu'à la gare de Shibuya et je suis allé l'attendre devant la célèbre statue de Hachikô, que je mourrais d'envie de contempler au moins une fois depuis mon installation à Tokyo. J'ai toujours voulu un animal de compagnie mais difficile quand ta famille tient un restaurant...

J'ai regardé ma montre. J'avais un bon quart d'heure d'avance.

Alors que je m'apprêtais à attendre, j'ai aperçu une silhouette familière se frayer un chemin dans la foule dans ma direction. Une silhouette qui avait retenu mon attention le printemps dernier et qui faisait battre mon cœur comme jamais depuis. Un garçon que j'aimais au point de vouloir le suivre dans cette immense ville où je ne connaissais rien ni personne.

Ce fut avec une joie non dissimulée que j'ai crié dans sa direction, en lui faisant de grands signes de la main :

-Shûhei ! Je suis ici !

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